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La gestion du parc automobile de l'état et le déploiement administratif au Togo (1937-1992)

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par Ahogla Egbèssi GBAMEHOSSOU
Université de Lomé (Togo) - Maà®trise en histoire contemporaine 2010
  

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CONCLUSION GENERALE

Dans notre travail, nous avons voulu savoir si la gestion du patrimoine automobile de l'Etat a-t-il contribué au fonctionnement administratif au Togo de 1937 à 1992. Avons-nous su le faire? Les résultats à suivre nous permettront de le dire.

Au Togo sous mandat français, la politique d'équipement entrepris par le gouverneur A. F. Bonnecarrère (1922-1931) après sa prise de fonction dans la logique de sa mise en valeur, a développé le transport routier du territoire. Le trafic automobile administratif qui émergea dans les années 1920 a bénéficié de l'amélioration du réseau routier estimé à 2 000 km de voies carrossables en 1930 et de l'essor du parc automobile du territoire pour s'accroître. Le nombre de véhicules (privés et administratifs) en circulation sur le territoire togolais passa de 224, au 1er janvier 1926, à 452 au 30 juin 1928, pour atteindre 645 au 1er mars 1930. Le patrimoine automobile de l'Etat était composé de 51 matériels en 1932 et 59 en février 1935. Ces moyens de transport, repartis dans les chefs-lieux des cercles, renforcés à plus d'une fois par les véhicules privés à travers des réquisitions, ont assez apporté dans la mobilité des agents et des biens des services publics d'un point à un autre du territoire.

Le transport automobile administratif fut géré par plusieurs structures, aussi bien étatiques que privées, dans des normes législatives (pour le réglementer).

Ainsi, en 1924, deux structures furent créées pour alimenter ce trafic. Il s'agit du cadre et de l'école des conducteurs d'automobiles administratives. Cette école fut intégrée au Garage central dès sa création en 1926. Ces conducteurs devaient faire carrière au sein de cette structure chargée d'assurer à bien des égards, la gestion des véhicules de l'Etat colonial français et du transport y afférent. En 1937, le Garage central fut organisé. Dans la foulée, le service des automobiles administratives fut réglementé sur le territoire togolais. Ce transport fut réglementé aussi bien dans le chef-lieu que dans les cercles.

En effet, les véhicules du Commissaire de la République française au Togo (CRFT), de l'Inspecteur des affaires administratives, du médecin de l'Hôpital de Lomé et des commandants de cercles furent-ils classés dans la première catégorie, celle des voitures ayant une affectation spéciale. Les automobiles du service général et celles des sociétés de prévoyance furent classées dans la deuxième catégorie. Dans les cercles, aucun véhicule administratif n'entrait en circulation sans l'approbation de leurs commandants.

Si le Garage central assura en permanence son rôle de gestion du parc automobile de l'Etat et du trafic y afférent à bien des égards, les autres services s'étaient succédés dans le temps pour faute d'efficacité.

Ainsi, le Service de transports automobiles (juillet 1926-juin 1927) et la Société des transports de l'Afrique de l'Ouest (STAO) (1927-1932) avaient, tour à tour, assuré le trafic des personnes, courriers postaux et autres biens de l'Etat dans les cercles du Nord du pays en correspondance du chemin de fer central Lomé-Blitta. Les effets de la crise économique des années 1930 et de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) freinèrent la croissance enregistrée dans le transport automobile administratif (comme le trafic routier en général) qui s'appauvrit en matériels. Les autorités en charge du pays édifièrent des législations pour redonner vitalité à ce secteur et réduire les dépenses publiques par une bonne gestion des véhicules qui connut des dérapages.

Ainsi, en 1938, Montagné rappelait-il l'obligation de garer les véhicules administratifs dans les parkings des cercles; de contrôler leurs entrées, sorties, dotations en carburant et utilisation. Il fut aussi exigé aux fonctionnaires en mission dans le territoire, de faire leurs déplacements par train à chaque fois que les régions traversées furent desservies par les chemins de fer.

Après la Seconde Guerre mondiale, les programmes de développement socioéconomique du territoire togolais initiés dans le cadre du FIDES relancèrent le transport routier dans son ensemble. Grâce à ses financements, les équipements de ce transport s'étaient améliorés. Le réseau routier s'étendit à 4 472 km à la veille de l'indépendance avec le désenclavement de certaines localités jadis fermées par faute de voies de communication fiables. Quant au parc automobile du territoire, il comprenait 3 600 matériels roulants (privés et administratifs). Nombreux furent les véhicules acquis sur les fonds du FIDES pour la réalisation des infrastructures routières, socio-collectives et administratives, et pour le transport des biens et personnes des services de l'Etat colonial français. La totalité des matériels (63) composant le parc mécanique du Génie civil du Togo en 1952 fut payée dans le cadre du FIDES. Ces moyens de transport ajoutèrent un plus au patrimoine de l'Etat qui connut une augmentation. Comprenant seulement 59 véhicules en 1935, il était constitué au 1er juillet 1958 de 485 engins (véhicules touristes, camions et autocars), les camionnettes

exclues236, sur les 3 600 véhicules du territoire togolais. Ces engins, dont le nombre a accru, ont contribué à améliorer l'état de la mobilité des personnes et des biens des pouvoirs publics sur un territoire s'ouvrant de mieux en mieux à la circulation automobile.

L'Etat colonial français, durant la tutelle (1946-1960), moula le transport automobile administratif dans un ensemble de législations et confia sa gestion à des structures spécialisées qui, comme pendant la période mandataire, étaient sous la tutelle du Service des transports et des travaux publics.

Sur le plan législatif, nombreuses furent les mesures prises pour régulariser ce transport. A titre illustratif, en 1946, J. Noutary demanda dès lors aux services, cercles et bureaux de prendre des dispositions pour que les demandes de réquisition de transport parvinssent au Service des finances la veille du jour de déplacement avant midi, sauf en cas d'urgence. Aussi, en 1951, fut-il accordé à tout agent public en déplacement à l'intérieur du territoire togolais pour une mission d'intérêt public, un droit de remboursement des dépenses supplémentaires occasionnées par son déplacement. Pour éviter que les fonctionnaires prolongent exagérément les séjours, afin de bénéficier des frais de missions conséquents, la durée des tournées administratives fut fixée à dix jours en 1953 avant d'être supprimée un an plus tard.

Sur le plan de structures, à côté du Garage central qui poursuivit sa mission, on retrouve des sociétés privées coptées par le pouvoir colonial pour s'occuper en partie de son transport à bord d'automobile.

Ainsi, dans les années 1950, la Société générale du golfe de Guinée (SGGG) et la société Jonquet et Prades assuraient la mobilité des agents du secteur public et des courriers postaux et autres biens administratifs respectivement dans les cercles du Nord en correspondance du chemin de fer Lomé-Blitta et sur la ligne Lomé-Anécho.

Le système de gestion du parc automobile et du transport étatiques contribua à faire tourner l'appareil administratif colonial sous la tutelle, et partant, à la gestion du territoire togolais. Les véhicules, meilleurs moyens de transport de l'Etat d'alors devant les trains en crise, ont favorisé le déploiement des biens et personnel des structures et institutions administratives comme à l'époque mandataire. En effet, Le Commissariat de la République française au Togo et les structures étant sous sa responsabilité directe, en eurent fait leurs

236 En 1958, on dénombrait au Togo 958 camionnettes (privées et administratives).

moyens de tournées et missions à travers le territoire. Ils avaient contribué au fonctionnement de l'Administration locale organisée autour des Commandants de cercle et Chefs de subdivision qui supervisaient les services et bureaux déconcentrés en lui servant de moyens de déplacement. Certes, la place des automobiles dans les déplacements administratifs était indéniable à cette époque coloniale.

Cependant, l'acheminement des biens et la mobilité du personnel administratifs était limitée. Pour cause, le patrimoine automobile de l'Etat était assez étroit par rapport aux besoins de transport des services. Moins nombreux étaient ceux qui disposaient de véhicules de service propres pour s'en servir le plus rapidement possible en cas de besoin. La situation n'était pas non plus meilleure au niveau du personnel. Ils devaient remplir des formalités pour les acquérir auprès des garages de leurs cercles respectifs ou au Garage central. De plus, le réseau routier, même amélioré, restaient moins fiable dans beaucoup de localités. Cet état de chose raréfiait les actions administratives dans ces régions surtout que l'utilisation du portage ne pouvait pas, en raison de ses insuffisances (sur les plans quantitatif et temporel), substituer le transport automobile.

C'étaient ces maux qui minaient le transport automobile administratif que les tenants de l'indépendance internationale du Togo devaient corriger. Mais, ceux-ci étaient déjà, peu avant 1960, confrontés à des crises économiques et sociopolitiques. Dans cette situation de récession économique, les autorités togolaises avaient décidé à la Conférence des Chefs de circonscriptions et des Commandants de cercles tenue le 8 septembre1959 sous la présidence du premier ministre S. E. Olympio, de régulariser l'utilisation des véhicules de l'Etat pour réduire les dépenses publiques.

La crise sociopolitique et économique qui prévalait au Togo à cette période, n'était pas favorable à l'amélioration de la mobilité sur le territoire jusqu'au début des plans quinquennaux en 1966. Ces programmes de développement socioéconomique avaient imprimé un nouveau rythme au trafic routier togolais. Le réseau routier s'était amélioré et porté à 7 170 km de routes automobilisables. Cet essor faisait bon ménage avec l'élargissement très sensible du parc automobile.

Ainsi, de 7 262 véhicules immatriculés avant 1967, on était passé à 27 252 en 1976, soit 19 990 immatriculations entre 1967 et 1976. Cette montée fulgurante redynamisa le trafic automobile aussi bien privé qu'administratif.

La gestion des matériels roulants de l'Etat togolais indépendant était à la charge de la Direction du garage central administratif. Elle a désormais, une plus grande marge de manoeuvre en la matière. Elle s'occupe de cette gestion dès l'acquisition des véhicules jusqu'à leur reforme en passant par leur maintenance.

Au sortir de la colonisation, la SGGG offrait toujours son service à l'Administration mais avec un réajustement tarifaire de son transport administratif à parti de 1960.

Les véhicules, en plus grand nombre, avaient, plus que par le passé, contribué au fonctionnement du système administratif du Togo indépendant. Ils ont beaucoup apporté à la mobilité des personnes et des biens des structures de l'administration centrale à travers le territoire dans le cadre de leurs attributions. Il s'agit de la Primature (1956 à 1961), de la Présidence à partir de 1961 et des ministères. L'administration territoriale devait aussi, en partie, son fonctionnement aux automobiles étatiques.

En effet, chacune des collectivités secondaires : régions, circonscriptions, postes administratifs et commune, en disposaient pour effectuer leurs besoins de transport. Plus qu'aux trains, c'est aux véhicules automobiles qu'on doit l'établissement des liaisons entre les divers services du territoire. La redynamisation du transport automobile administratif au cours de cette période ne doit pas masquer les vieux avatars du secteur. La circulation automobile n'était pas totale sur toute l'étendue du pays par faute de fiabilité des voies de communications dans certaines régions. Aussi, même augmenté, le nombre des véhicules était toujours insuffisant pour satisfaire tous les besoins de déplacement des services, dont nombreux n'en disposaient pas en permanence.

L'augmentation du nombre de véhicules administratifs dans le cadre des plans quinquennaux de développement, a grandement contribué à leur reimmatriculation dans les séries spéciales à partir de 1976.

Ainsi, les véhicules des pouvoirs publics, des collectivités secondaires et des organismes publics ou parapublics sont immatriculés dans la série RTG. Quant à ceux des forces de l'ordre et de la Gendarmerie, ils sont immatriculés dans la série FAT, avec le symbole d'une grenade griffé sur la plaque des véhicules de la Gendarmerie. Enfin, les automobiles de la Police sont immatriculées en série SNT.

L'amélioration du transport automobile administratif continua jusqu'en 1980. Après cette date, une crise frappa ce secteur. Elle est perceptible à travers la restriction du nombre de véhicules administratifs immatriculés. En effet, de 428 immatriculations en 1980, (2164 entre 1976 et 1980), on était descendu à 270 en 1981 et à 152 en 1983. La tendance fut globalement négative jusqu'à la fin des années 1980. Cette situation était due aux effets draconiens du PAS, dans une situation économique difficile, qui ne permettaient pas l'achat suffisant des matériels pour alimenter le parc automobile de l'Etat, qui se rétrécit. Il finit par connaître une dégradation avancée à partir de 1990 avec les crises sociopolitiques qui sévirent au Togo et paralysèrent le secteur administratif comme plusieurs autres. Il ne comptait que 4 000 véhicules (toutes qualités confondues) en 1990.

Les automobiles ont contribué au déploiement administratif en assurant la circulation des biens et des agents du secteur public, mais de façon assez limitée et moins dynamique. Les institutions de l'Administration centrale (la Présidence et surtout les Ministères) étaient insuffisamment dotées de véhicules de services par insuffisance de financement. Partant, le mal atteignit les structures de l'administration territoriales : régions, préfectures, souspréfectures et communes (même si celles-ci effectuaient leurs dépenses de transport sur leur propre budget). Les services ont vu le nombre de leurs automobiles être réduit.

Dans les années 1980 et 1990, ce n'est plus tant le phénomène d'enclavement des localités qui constituait un frein à la circulation automobile administrative, donc au déploiement administratif sur le territoire mais, c'est plutôt la restriction du patrimoine automobile de l'Etat, doublée de sa mauvaise gestion à partir de 1990 qui posait problème dans un contexte de crises sociopolitiques.

Celles-ci ont contribué à dissiper le parc automobile administratif déjà souffrant d'insuffisance de financements dans un contexte de crise non enviable. Selon les résultats d'une commission de recensement des véhicules de l'Etat réalisé en janvier 1996, sur les 3 091 automobiles recensées, seulement 1 326, soit la moitié était en bon état. Le reste était soit en instance de réparation (546), soit reformé et vendu (864), soit disparu (153) ou encore saccagé et épavé (202) (Bayaro 1998 : 56).

Au total, 355 véhicules étaient victimes des crises sociopolitiques. Il est clair que le patrimoine automobile administratif a perdu assez de plumes dans cette situation et est allé en decrescendo. Ainsi, selon Lawani (2005 : 18), le nombre de véhicules administratifs a chuté

de 4 000 en 1990 à 3 091 en 1996 avant de descendre plus bas à 2 376 en 2004. Grave encore, ces chiffres prennent en compte les engins hors d'usage. Cette situation se présente au moment où les besoins en matériels roulants s'accroissent dans le secteur administratif.

En effet, de 13 Ministères vers la fin des années 1980, était-on passé à 19 en 1996 pour atteindre 26 en 2004. Cette hémorragie qui est constatée dans le secteur de transport automobile administratif largement tributaire d'un laisser-aller dans sa gestion n'est pas arrêtée. La mauvaise gestion des véhicules de l'Etat continue de nos jours. Cela influe négativement sur le fonctionnement des structures et des institutions administratives togolaises.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway