2- Le PAS et le transport automobile administratif
Tous les services publics ont souffert d'une manière ou
d'une autre de la politique de réduction des financements de l'Etat
imposée par le PAS. Leur ligne budgétaire pour leur dotation en
matériels de transport automobile s'est rétrécie,
ralentissant du coup l'évolution observée dans le parc automobile
étatique qui s'enlisa finalement avec la crise des années
1990.
225 Sauf le secteur agricole connut une amélioration.
Selon la Banque mondiale (1996 : 79), la production agricole augmenta d'environ
11 % entre 1991 et 1993. Cela c'explique par la récolte de 1992
exceptionnellement bonne grâce aux conditions climatiques favorables
d'une part et par l'augmentation de la main d'oeuvre qui s'était
repliée sur les campagnes d'autre part.
2.1-Restriction et détérioration du parc
automobile de l'Etat
Au Togo indépendant, il était constaté un
essor inédit dans le patrimoine automobile de l'Etat. Nous l'avons assez
vu, les véhicules des pouvoirs publics étaient acquis soit sur le
budget général de l'Etat ou des départements
ministériels, soit sur les financements étrangers, sur don ou sur
saisie douanière. Avec les efforts de grande envergure entrepris par
l'Etat à partir des années 1980 dans le cadre de la politique de
réduction des dépenses en vue de corriger les
déséquilibres macro-économiques, l'assiette
financière accordée aux services publics pour l'achat et la
maintenance de leurs véhicules s'est considérablement
rétrécie. Les ressources financières allouées au
Garage central sous le couvert du Ministère de l'économie et des
finances, étaient assez maigres pour s'offrir suffisamment de
véhicules pour assurer sa mission. Les statistiques du tableau n° 9
sont illustratives.
Tableau n° 9 : Récapitulatif des
différents crédits accordés au Garage central par rapport
au budget général entre 1990 et 1992 en milliers de francs pour
la gestion des automobiles
Années
|
Budget général
|
Crédit d'chat de véhicules
|
Pourcen- tage
|
Crédit d'entretien
|
Pourcen- tage
|
Crédits
d'achat
des carburants
|
Pourcen- tage
|
1990
|
92 490 000
|
300 000
|
0,32 %
|
200 000
|
0,22%
|
250 000
|
0,27%
|
1991
|
88 464 654
|
300 000
|
0,33 %
|
200 000
|
0,23%
|
300 000
|
0,34%
|
1992
|
93 636 324
|
Néant
|
Néant
|
250 000
|
0,27%
|
350 000
|
0,37%
|
Source : Bayaro 1998 : 54.
En se référant aux chiffres du tableau n°
9, nous pouvons dire que les crédits d'achat, d'entretien de
véhicules et ceux destinés à leur alimentation en
carburant et lubrifiant alloués au Garage central étaient
très faibles et insuffisants. En aucun moment, la valeur des
financements d'achat des matériels roulants n'a dépassé
300 000 000 F CFA, or les besoins de déplacement s'accroit. On peut se
demander combien de véhicules ces fonds peuvent servir à payer?
Sans doute pas suffisamment s'il faut se procurer des engins confortables
résistants de luxe, très couteux, dont ce service a besoin pour
le déplacement des autorités. Pire encore, en 1992, aucun
crédit n'était alloué au Garage central pour l'achat des
véhicules. De facto, on connaît l'origine des 281 véhicules
administratifs immatriculés en cette année par ce
service226. Ils étaient donc acquis sur le
budget d'autres structures étatiques et paraétatiques voire
internationales.
En outre, l'augmentation des crédits d'entretien et
d'achat de carburant et de lubrifiant montre les besoins croissants et
colossaux des engins en matière de maintenance227. C'est un
signe de vétusté de ces matériels. Scientifiquement, il
est prouvé que plus les véhicules vieillissent plus ils
nécessitent des réparations et plus ils consomment de
carburant.
Le nombre de véhicules administratifs
immatriculés par le Garage central montre à bien des
égards la restriction du patrimoine de l'Etat en matière de moyen
de transport. Globalement à partir de 1981228, il a
diminué de près de 160 automobiles en 1981, soit respectivement
428 contre 270. Ce chiffre a dégringolé à 249 contre en
1982 pour tomber à 152 en 1983, la première année
d'application effective de l'ajustement structurel. Après un
réveil entre 1984 et 1986, une chute abrupte est observée en 1987
avec seulement 131 automobiles immatriculées.
Si la politique de réduction de l'enveloppe
financière aux services publics pour se doter de moyens de transport a
eu pour conséquence, le rétrécissement du patrimoine
automobile de l'Etat dans les années 1980, à partir de 1990, elle
a trouvé un complice coupable, les crises sociopolitiques.
La période comprise entre 1990 et 1993, marquée
par des troubles sociopolitiques, a été chaotique pour le parc
automobile des pouvoirs publics. Etant un symbole de l'Etat, les voies
publiques et les véhicules administratifs étaient attaqués
par des grévistes. Ils étaient pillés et détruits.
La destruction touchait surtout ceux des forces de sécurité.
Ainsi, une camionnette de marque Peugeot 504
bâchée acquise et immatriculée le 5 février 1988 en
RTG 7703 et une voiture Break de marque Renault acquise le 5 novembre 1986
d'immatriculation RTG (SNT) 6971 affectée à la
Sûreté nationale étaient brûlées lors des
événements du 5 octobre 1990229.
226 Voir tableau n° 8.
227 La dette de l'Etat togolais auprès de ses fournisseurs
de carburant s'élevait en 1998 à 2 600 000 000 de F CFA Bayaro
(1998 : 55). Elle a entrainé la rupture de livraison de carburant.
228 Voir tableau n° 8.
229-Registre d'immatriculation du Garage central
administratif, n° 45.
- Un auditeur qui aurait vécu les
évènements, témoignait sur la Radio Légende FM au
cours de l'émission A vos bics rouges du 6 octobre 2010 portant
sur le bilan de la lutte démocratique au Togo, 20 ans après, que,
ce véhicule Peugeot 504 fut brulé devant la préfecture du
Golfe.
- Le 5 octobre 1990, le régime du feu Eyadema
Gnassingbé et son armée ont fait face, pour la première
fois à un soulèvement populaire. Tout a commencé avec
l'irruption des soldats dans la salle du Palais de justice de Lomé
où se déroulait le procès de certains étudiants
accusés d'avoir distribué des tractes de déstabilisation
du pouvoir .
En 1990, le patrimoine automobile administratif togolais
était composé de 4 000 véhicules toutes qualités
confondues (Lawani 2005 : 18) alors qu'il était en pleine progression
depuis le début des plans quinquennaux jusqu'en 1983, année de
l'application effective du PAS. Sa restriction s'est
accélérée à partir des années 1990 dans un
contexte de crise sociopolitique laissant libre cours à la mauvaise
gestion.
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