DEUXIEME CHAPITRE
L'APPORT DU PARC AUTOMOBILE AU FONCTIONNEMENT
ADMINISTRATIF AU TOGO SOUS TUTELLE (1946-1959)
Le second conflit, qui a secoué le monde entier six ans
durant (1939-1945) a, par sa complexité, ses exigences et ses
dégâts matériels et moraux, accouché le 24 octobre
1945 d'une nouvelle organisation mondiale de maintien de la paix, l'ONU. Cette
institution succéda à la Société des nations (SDN)
et hérita de bon nombre de ses attributions et de ses organes. Ainsi, le
Togo, sous mandant de la SDN, passa sous la tutelle de l'ONU en
194681et confié à la même puissance tutrice, la
France, qui tenait, devant cette organisation, la gestion comptable du
territoire. Cette métropole qui voulait toujours paraître comme la
meilleure puissance colonisatrice du Togo, par sa bonne gestion administrative,
a défini dès 1946, un plan de développement
économique et social (FIDES) du pays qui prenait en compte l'urgence des
moyens humains et matériels de travail conséquents.
On n'en comptait les matériels roulants de transports
routiers impératifs pour l'organisation efficace du pays indigent de
moyens de trafic ferroviaire. Ainsi, les automobiles devaient être
soumises à une bonne gestion et jouer, plus que par le passé, un
rôle de taille dans le système de fonctionnement de l'appareil
administratif, en assurant la mobilité géographique du personnel
au service du pouvoir colonial et le convoi des matériels
d'intérêt public d'un point à un autre du territoire
à développer. Comment ont-ils joué ce rôle de 1946
jusqu'à la veille de l'indépendance du Togo?
La réflexion qu'il convient de mener dans ce chapitre
de notre travail, revient d'abord à exposer les réalisations en
matière d'équipements de transport routiers au Togo dans le cadre
du FIDES, ensuite à analyser le système de gestion du trafic
automobile administratif et, enfin à montrer l'apport de celui-ci au
fonctionnement de l'Administration coloniale française au Togo sous
tutelle.
81 Cette année (1946), le décret du 3
janvier détacha politiquement le Togo de l'AOF pour le placé sous
la responsabilité du Ministère de la France d'outre -Mer, le
Gouverneur général gardait, avec le titre de Haut Commissaire de
la République, un oeil sur le Togo (Gayibor 2005 : 186).
I- Quelle place pour le transport routier dans les
plans de financements du FIDES? (1946-1959)
Les effets de la crise économique des années
1930 ayant suscité la politique de réduction des dépenses
publiques, n'étaient pas propices à la poursuite de la politique
de dotation des colonies d'équipements entreprise dans les années
précédentes. Déjà insuffisantes et vétustes,
ceux-ci avaient fait les frais de la Seconde Guerre mondiale au cours de
laquelle la quasi-totalité des entreprises économiques dans les
colonies était menée dans la logique de l'effort de guerre. En
conséquence, au Togo comme partout ailleurs, ces équipements, au
terme du conflit, étaient à la limite de l'usure. Il fallait les
rétablir pour accroître leur capacité de production. Dans
cette logique, dès la fin de la guerre, la France mis sur pied dans ses
territoires d'outre-mer un plan d'équipement et de développement
économique et social, connu sous le nom de FIDES.
Une place considérable fut accordée aux
équipements routiers (infrastructures et matériels roulants) dans
les financements de ce plan. Dès lors, le parc automobile togolais
devait s'agrandir au même moment que s'améliorait le réseau
routier.
1- Un aperçu sur les réalisations
routières, jauge du niveau de desserte et de circulation automobile sur
le territoire
Le développement économique et social d'un
territoire n'est possible si les gouvernés sont coupés des
gouvernants. Pour ce faire, les derniers doivent apporter aux premiers un
encadrement régulier de proximité. La réussite d'une telle
initiative passe inexorablement par une bonne restructuration du territoire par
les infrastructures de communication devant permettre une circulation
aisée, ou tout le moins acceptable. Auquel cas, la couverture
administrative serait limitée sur le territoire.
C'est ainsi que dans la politique de développement du
Togo entreprise après le Second Conflit mondial, le réseau
routier en situation chaotique, a grandement retenu l'attention de
l'autorité coloniale dans les plans de financement du
FIDES82. Créé en 1946, il devait fonctionner selon un
plan décennal (période de 10 ans). Lancé en septembre
1947, après un an d'exécution, il subit un échec en 1948,
conduisant ainsi à l'initiation de deux plans
quadriennaux83.
82 Le FIDES étaient alimenté à la
fois par le budget métropolitain à hauteur de 55 % et par les
budgets locaux à 45 %, Tsigbé (2005 : 70) citant Jean Suret -
Canale (1977 : 103).
83 Pour Goeh-Akue et Kouzan (2005 : 462), le
changement de plan suite à l'échec est inhérent au manque
d'ouvriers qualifiés aux difficultés de transport de
matériels de construction à la lourdeur de l'administration et
à l'impossibilité de vérification des travaux
effectivement effectués, in Gayibor 2005, vol 1, tome 1.
Selon Tsigbé (2005 : 73), sur un crédit total de
2 348 000 000 F CFA accordé au Togo dans le premier plan (1948-1952),
26,2 % étaient consacrés aux seules infrastructures
routières (routes et ponts) et 21,8 % dans le second (1954-1958), sur un
crédit global de 2 879 700 000 F CFA . L'année 1953 était
transitoire. Ces crédits avaient rendu possible le bitumage des routes
allant d'Aflao à Hillacondji (55 km) et de Zébé à
Anfoin. Elles devaient désormais supporter les véhicules de plus
de 25 tonnes. Plusieurs voies ont été construites dont celles
d'Anié-Colocopé et Tsévié-Alokouégbé.
Des ponts ont été édifiés comme ceux sur le Zio et
Chra.
Le Nord du territoire togolais, qui était devenu depuis
1930 une région économique de taille pour l'Administration (pour
son intégration économique et sociale), bénéficia
de la réfection des réseaux Sokodé-Bassari-Soudou et
Sokodé-Bassila, surtout que l'Administration évacuait les
produits agricoles de ces régions. Pour supporter le passage des
véhicules de plus de 25 tonnes, un pont de 72 m fut construit en 1949
sur la rivière Kara, et dix autres entre Sokodé et Lama-Kara
(Tsigbé 2005 : 75-77).
Le réseau routier togolais fut donc
amélioré avec les financements du FIDES. Il était de 4 472
Km à la fin du second plan (Tsigbé 2005 : 79) avec plusieurs
routes praticables sur toute l'année. Toutefois, malgré cet
effort, des régions restèrent encore enclavées surtout
entre Atakpamé-Sokodé et dans le Grand Nord. Cet état de
fait y limitait à bien des égards la circulation automobile. Les
biens d'équipements destinés à ces régions
étaient, par ricochet, transportés à tête d'homme
(Gayibor 1997 : 140) et au mieux par des engins à deux roues
(Vélos et motos). Le nombre de ceux-ci s'était augmenté
tout comme les véhicules automobiles avec la politique
d'équipements du FIDES.
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