CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
La sanction penale internationale ne peut etre mise en
oeuvre que pour des violations des droits de l'homme commises par des
individus386. D'ailleurs meme, d'un point de vue pratique, il n'y a
que les individus qui peuvent etre a l'origine de tels actes illicites, quitte
a ce qu'ils puissent subsumer leur responsabilite individuelle a la
responsabilite internationale de l'Etat. Neanmoins, cette voie leur est a
present bouclee, chacun doit faire face a ses fautes et doit payer pour
elles.
Des lors, la sanction penale internationale est une
mesure adaptee aux auteurs des violations des droits de l'homme et donc
appropriee au maintien de la paix et de la securite internationales. Son
application obeit a des conditions de fond et de forme indispensables au
respect des droits de l'homme des victimes autant que des bourreaux. Ses
consequences permettent la stabilite de l'ordre juridique international, et
partant la sauvegarde de la paix et de la securite internationales. Dans une
moindre mesure, par le biais de la reparation, la sanction penale
internationale vise le retablissement de la paix et de la securite
internationales.
Ainsi, comme le note Julian FERNANDEZ, il convient de
reconnaitre a la sanction penale internationale une double voie complementaire
: g La première vise en quelque sorte a "purifier'' le passe, a venger
l'offense, a restituer le bien derobe, a retourner a l'equilibre du statu quo
ante. La seconde est un pari sur l'avenir N387
386 La Chambre d'appel du
TPIY a eu l'occasion d'indiquer cela dans une affaire qu'elle a eue a connaitre
: * Aux termes du droit international en vigueur, il est evident que les Etats,
par definition, ne peuvent faire l'objet de sanctions penales semblables a
celles prevues par les systemes penaux nationaux *, affaire IT-95-14-AR bis,
Procureur c/ Blaskic, I.L.R., vol. 110, 1 997, P.6 98, paragraphe
25.
387 Voir FERNANDEZ Julian, La
politique juridique extérieure des Etats-Unis a l'égard de la
Cour pénale internationale, op.cit., P.38, note de bas de page n°
124.
CONCLUSION GENERALE
L'universalite des droits de l'homme a eu pour
principale consequence de placer l'homme comme sujet immediat du droit
international. Alors, les violations portees a ses droits constituent des
atteintes a l'ordre juridique international. Ce dernier a ainsi non seulement
l'obligation, mais aussi et surtout le droit de reagir afin de retrouver la
stabilite troublee par le fait de la violation. Dés lors, il lui est
offert une large possibilite de choix de la reaction qu'il entend adopter,
allant de la legitime defense a la mise en oeuvre des sanctions.
La problematique des sanctions internationales est
sujette a de debats et de controverses depuis des siecles. De nos jours, l'ONU
s'est vue confiee la responsabilite d'en faire usage dans le but de maintenir
ou de retablir la paix et la securite internationales. La reference au chapitre
7 de la Charte des Nations Unies justifie la prise des sanctions en cas de
violation des droits de l'homme. L'ONU a la possibilite de faire recours aux
organismes regionaux dans le meme but. En outre, ces organisations
internationales sont suppleees, le cas echeant, par les Etats qui peuvent
mettre en oeuvre des contre-mesures prevues a la troisieme partie, chapitre 2,
du Projet d'articles sur la responsabilite des Etats pour fait
internationalement illicite. La mise en oeuvre des contre-mesures procede de
l'obligation erga omnes de respecter et de proteger les droits de
l'homme.
C'est dire que les sanctions politiques sont prevues
de fagon exhaustive pour que les droits de l'homme soient respectes en tout
temps et en tout lieu, et qu'in fine, la paix et la securite internationales
soient sauvegardees. Mais, si le respect des droits de l'homme est susceptible
d'être effectif dans les systêmes juridiques nationaux par le fait
des sanctions, la difficulte qui s'eléve est celle des violations des
droits de l'homme commises par les sanctions politiques. Ces derniéres
frappent sans discrimination et sont par ailleurs contre-productives. Comme le
note le Professeur Louis CAVARE :
g Comme la guerre, dont elles sont l'expression
légalisée, elles atteignent les innocents comme les coupables :
c'est la leur infériorité N388.
De meme, le principe de l'interdépendance et de
l'indivisibilité des droits de la premiere et de la deuxieme
génération ne permet pas que l'obligation de respect des droits
de l'homme s'étende tout juste aux droits de l'homme issus du jus
cogens38 9.
Or, sanctionner les populations civiles pour les
fautes commises par leurs dirigeants est non seulement injuste3 90,
mais aussi attentatoire a la paix et a la sécurité
internationales. C'est la raison pour laquelle la sanction internationale doit
etre adaptée a l'auteur de la violation des droits de
l'homme.
Pour cela, des principes ont été
émis a la suite du jugement de Nuremberg conduisant a la
responsabilité personnelle des auteurs des violations des droits de
l'homme. Ces principes permettent l'adaptation de la sanction au coupable et,
en fin de compte, le maintien de la paix et de la sécurité
internationales.
A ce niveau, l'on envisage la sanction pénale
internationale comme un g préalable a la reconstruction politique de
l'Etat D et un g soutien au nouveau gouvernement N3 91. Comme
l'illustre fort bien le Professeur Emmanuel DECAUX :
g C'est précisément en dissociant le
peuple allemand de la dictature hitlérienne responsable de la
défaite que les alliés ont permis la reconnaissance rapide d'une
Allemagne démocratique D392.
388 Voir CAVARE Louis, * Les
sanctions dans le cadre de l'O.N.U. *, op.cit., P.283.
38 9 Voir Conseil
économique et social, Relation entre les sanctions économiques et
le respect des droits économiques, sociaux et culturels, E/C. 12/1
997/8, CESCR Observations Générales, 12 décembre 1
997.
3 90 Voir COLONOMOS Ariel, *
"Tnjustes'' sanctions : Les constructions internationales de la
dénonciation des embargos et l'escalade de la vertu abolitionniste *,
op.cit.
3 91 Voir MATSON
Rafaëlle, La responsabilité individuelle pour crime d'Etat en droit
international public, op.cit., PP.48 9-4 96.
3 92 Voir DECAUX Emmanuel, *
La définition de la sanction traditionnelle : sa portée, ses
caractéristiques *, op.cit., P.3.
Et ajoute-t-il au travers d'une interrogation
rhétorique :
g Condamner un Etat en imposant ainsi soit la
culpabilité abstraite d'une "personne morale'', vouée a
disparaitre, ou a changer de nom, soit la responsabilité collective d'un
peuple, au lieu de juger ses dirigeants, n'est-ce pas hypothéquer tout
avenir, non seulement pour le peuple mis en cause, mais pour ses voisins ?
N3 93.
C'est autrement dire que la sanction pénale
internationale est la mesure la plus appropriée au maintien de la paix
et de la sécurité internationales. Elle fournit une forme directe
de responsabilité pour les auteurs de violation des droits de l'homme et
de justice pour les victimes, elle est un soutien a un certain nombre de
valeurs démocratiques dans l'Etat, elle contribue a la reconstruction de
la confiance du peuple en les droits de l'homme3 94.
Cependant, le droit international a doublé la
responsabilité pénale individuelle de la responsabilité
internationale de l'Etat. Cette voie, nous l'espérons, devra Itre
abandonnée au vu de ses implications, afin que ne soit prise en
considération que la responsabilité pénale
individuelle.
3 93 Voir ibid.
3 94 Voir FREEMAN Mark et
MAROTINE Dorothée, * Qu'est-ce que la justice transitionnelle ? *,
op.cit., P.4.
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