CHAPITRE I
LE CADRE JURIDIQUE DE L'INTERVENTION HUMANITAIRE EN
INDONESIE ET EN HAITI
Il existe en effet un cadre juridique de l'action humanitaire
qui s'impose à ses acteurs lors de leurs interventions sur les terrains
de crises. Cependant à l'analyse de ces instruments à valeur
non-contraignante, il est clair de constater que la reconstruction
n'apparaît pas comme une priorité humanitaire (section I). Par
ailleurs, lorsqu'on observe les cas indonésien et haïtien, il est
aisé de s'accorder sur le fait que les acteurs humanitaires dans leurs
interventions, s'arriment au rythme de l'urgence. Ce qui est pour la plupart du
temps à l'origine de nouvelles crises (section II).
Section1 : Un cadre juridique de l'action humanitaire
lacunaire dans le domaine de la reconstruction.
Nous verrons en effet ici que l'état actuel du cadre
juridique de l'action humanitaire favorise une limitation de celle-ci à
l'urgence. On pourrait faire allusion à la charte humanitaire et le code
de conduite pour le Mouvement International de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge et pour les ONG lors des opérations de secours en cas de
catastrophes qui n'intègrent presque pas les éléments de
reconstruction (il faudrait opérer une gymnastique interprétative
lorsqu'ils existent) (Paragraphe 1), ou encore de la réforme humanitaire
qui, malgré des évolutions, s'inscrit toujours dans une dynamique
urgentiste (dans le cadre du financement et de l'approche de
responsabilité sectorielle) et du cadre de la responsabilité de
reconstruire(Paragraphe 2).
Paragraphe1 : La charte humanitaire et le code de
conduite dans la logique de la reconstruction : une nécessité
d'interprétation.
En dépit du fait que la Charte humanitaire (A) et le
code de conduite (B) ont été mis en place pour palier les
défaillances des réponses humanitaires, la contribution de ces
textes demeure insignifiante en ce qui concerne la reconstruction.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
A- La charte humanitaire et sa contribution limitée
sur le plan de la reconstruction
Il faut avouer que la contribution de la charte humanitaire en
matière de reconstruction se trouve vraiment limitée, voire
inexistante61. Pour déceler les traits qui pourraient faire
allusion à la reconstruction, il faudrait se livrer à une «
gymnastique interprétative ». En effet,
on pourrait faire allusion à l'un des principes qu'elle
promeut à savoir : « la
dignitéhumaine»62 qui s'inscrit aussi
bien dans le court terme que dans le long terme. La dignité est
inhérente à toute personne humaine et ne souffre
d'aucune contestation. C'est bien dans ce sillage que s'inscrit la
reconstruction. Dans le même ordre d'idées, il est
précisé que, les informations figurant dans ce manuel ne sont pas
prescriptives. Elles peuvent donc être appliquées de
manière flexible à d'autres situations, comme la
préparation en vue de catastrophes et la « transition suivant
l'aide humanitaire ».
Cependant malgré l'affirmation du droit humain
fondamental à vivre dans la dignité et la possible utilisation de
la charte dans les situations de transition, nous pouvons constater que dans
tout le manuel, l'accent est mis sur « la satisfaction des besoins
urgents de survie des populations affectées par la catastrophe
»63. Cet aspect apparaît clairement dans la
définition de « sphère » spécifiquement sur
l'une de ses convictions qui recommande de « prendre toutes les
mesures possibles pour atténuer les souffrances humaines causées
par les calamités(...) ». Par ailleurs, il est clair de noter
que, malgré les révisions approfondies contenues dans
l'édition 2004 qui tiennent compte des progrès techniques
récents et des réactions et commentaires reçus
d'organisations qui utilisent le projet Sphère sur le terrain, une place
importante continue d'être accordée à l'urgence au
détriment de la reconstruction. Dans les propos introductifs des
principes de la charte, il est écrit : « Nous
réaffirmons notre foi en l'impératif humanitaire et en sa
primauté C'est dire que nous sommes convaincus que toutes les mesures
possibles doivent être prises pour prévenir ou atténuer les
souffrances humaines qu'engendrent conflits et calamités, et que les
populations ainsi touchées sont en droit d'attendre protection et
assistance ». De plus dans le cadre des questions transversales, il
est mentionné que bien que la Charte humanitaire soit un
énoncé général de principes
61 Elle se borne en effet à affirmer le droit
des populations affectées à vivre dans la dignité sans
préciser à long terme quelles sont les modalités pour y
parvenir.
62 Les populations affectées par une
catastrophe ont le droit de vivre dans la dignité
63 Projet sphère, Charte humanitaire et normes
minimales pour les interventions lors de catastrophes de 2004, p. 412
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
humanitaires, le présent manuel ne saurait à lui
seul constituer un guide d'évaluation complet ni un ensemble de
critères pour l'action humanitaire64.
B- Le code de conduite et une prise en compte
presqu'inexistante du volet de la reconstruction
Le «Code de conduite pour le Mouvement International de
la Croix-Rouge et du
Croissant- Rouge et les ONG lors des opérations de
secours en cas de catastrophe » est le premier engagement des
organisations humanitaires internationales à faire appel à la
notion d'obligation et de responsabilité en matière d'assistance
humanitaire65. Cette responsabilité s'articule autour de dix
principes66 dont le premier met en exergue la fondamentale mission
de l'humanitaire qui consiste à « soulager les souffrances des
victimes les moins aptes à en supporter les conséquences
». Le primat continue d'être accordé à l'urgence. Par
ailleurs, présentés dans un esprit d'ouverture et de
coopération, ces principes directeurs sont donnés à titre
d'orientation. Ils ne sont donc pas contraignants et de ce fait limitent les
réflexions sur un éventuel prolongement de ces textes vers la
prise en compte de la reconstruction dans le champ juridique humanitaire. Cette
pauvreté juridique en matière de reconstruction s'observe
également dans le cadre de la réforme humanitaire.
Paragraphe2 : Une réforme humanitaire
essentiellement tournée vers l'urgence, et les difficultés de
mise en oeuvre de la responsabilité de protéger.
Conçue pour une réponse humanitaire «
S45YMEOTIQ tRuTHMICHRQUAu4gICH »67, la réforme
humanitaire (A) ne prend pas en compte ou alors très peu les aspects
liés à la reconstruction. Par ailleurs, malgré la
présence notoire de « la responsabilité de reconstruire
» (B) dans le cadre général de la responsabilité de
protéger, la reconstruction continue de souffrir de sa difficile mise en
oeuvre.
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