B- La recrudescence des crises économique et
politique.
Les réalisations accomplies à Aceh depuis le
tsunami dépassent les prévisions les plus optimistes faites il y
a six ans. La province reste confrontée à un certain nombre de
défis, notamment la nécessité de faire revivre
l'économie afin de générer des emplois productifs,
d'améliorer la qualité et l'efficacité des services
publics et d'en faire bénéficier les pauvres et les
défavorisés128. Haïti semble être une
répétition du cas indonésien, mais avec beaucoup plus
d'acuité.
1- Une faible prise en compte des facteurs
économiques.
Bien que dans la plupart des cas l'intention et la
volonté soient des plus nobles, l'intervention sur le terrain peut
déstabiliser le contexte local et nuire plutôt qu'aider les
communautés ciblées. Dans le cas du tsunami, le
débarquement massif des ONG occidentales a entraîné une
inflation des prix d'environ 8%129. En effet elles ont
dépensé sans compter l'argent reçu pour mettre en place
leurs actions, sans réaliser que cette prodigalité pouvait avoir
des conséquences sur l'économie locale. L'arrivée massive
des denrées alimentaires gratuites peut ruiner le marché local.
De plus, l'arrivée des organisations humanitaires en zone de crise
instaure en effet souvent une véritable économie
parallèle. Le flux de ressources accompagnant l'engagement
d'organisations étrangères, peut devenir un facteur
économique qui influence le système monétaire, le
marché du travail, mais aussi le secteur de la production et des
services
2- Une faible prise en compte des facteurs socio-
politiques générateurs de crises sociales
Sur le plan politique, lorsque les organisations
internationales et les ONG interviennent dans des Etats affaiblis ou
ruinés, elles sont souvent obligées d'assurer les tâches
incombant normalement à l'Etat et d'établir des structures
parallèles. Cette prise de responsabilité peut engendrer une
perte de crédibilité et de légitimité des organes
restants de l'Etat auprès de la population. De plus, les politiciens et
employés locaux risquent de se sentir déchargés de leurs
responsabilités sociales. Dès lors, on peut redouter que l'argent
d'ordinaire alloué par l'Etat à ces tâches ne soit
détourné. Ces situations ont été vécues tant
en Indonésie qu'en Haïti (de façon plus prononcée).
En effet, comparé à l'Etat indonésien qui a dû
fortement s'appuyer sur les institutions étatiques, pour la gestion du
tsunami, on a assisté en
128 A déclaré le Directeur adjoint de l'agence
onusienne en Indonésie, Stephen Rodrigues.
129 SIVAPRAGASAM P.P. et BENEFICE J., « L'aide vu du
coté des victimes », in Economie et Humanisme, no 375,
Décembre 2005. p. 25.
L'action humanitaire et la reconstruction : Le cas du Tsunami
indonésien de 2004 et du Séisme haïtien de 2010
Haïti à un effacement presque total de l'Etat. La
population haïtienne vit sans doute dans l'espoir qu'aujourd'hui,
l'élection de MARTELLY apportera un plus dans le respect des obligations
qui lui incombent. Ce problème peut aussi se manifester en situation
d'occupation militaire130. Par ailleurs sur le plan social et dans
le cas de l'Indonésie, les activités de réhabilitation et
de reconstruction ont été menées principalement dans la
province du sud, sous contrôle gouvernemental. Cette situation a
augmenté la frustration des autres provinces et a nourri les tensions
sociales. La passion qui anime les acteurs humanitaires doit être
tempérée pour éviter les écueils de la
naïveté et de la maladresse avec lesquelles certaines crises sont
gérées. Ces conditions devraient rester toujours au centre des
préoccupations des humanitaires, car chaque dérive pourrait
méme contribuer à l'économie de guerre. L'action non
concertée et parfois méme non réfléchie des ONG a
été accusée d'avoir favorisé dans bien de cas
certaines factions politiques. En Indonésie aussi, les habitants de
Banda Aceh craignaient que derrière l'aide humanitaire, ce ne soient les
militaires qui tirent les ficelles131.
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