2.6 Méthodes d'appréciation de la
réserve utile du sol et de l'état hydrique de la vigne
De nombreuses techniques sont utilisées pour suivre le
régime hydrique de la vigne (Van Leeuwen et al., 2001-a ; Van
Leeuwen et al., 2003). Les plus anciennes sont basées sur des
analyses d'échantillons de sol pour estimer la réserve en eau du
sol accessible à la vigne : soit directement (mesure de la teneur en eau
du sol par méthode gravimétrique), soit indirectement
(prédiction par les classes de pédotransfert à partir de
certaines données physiques du sol : texture, structure et type
d'horizon) (Ayachi, 2010). D'autres techniques, également
utilisées depuis longtemps, permettent de mesurer directement
l'évolution du stock d'eau du sol ou sa disponibilité pour la
plante (sondes à neutrons, sondes TDR- Time Domaine
Reflectometry- ou tensiométrie) (Seguin, 1970).
Le bilan hydrique théorique constitue une nouvelle
approche du régime hydrique de la vigne, au moyen de la
modélisation (Riou et Lebon, 2000 ; Lebon et al., 2003). Il
propose de simuler en continu le stock d'eau restant dans le sol (à
partir de données concernant le stock d'eau au début de la
saison), auquel on ajoute les apports (précipitations) et retranche les
pertes (évapotranspiration). Il présente l'avantage de
discriminer le degré de contrainte hydrique à travers trois
composantes : l'époque, la durée et l'intensité. Mais la
principale difficulté de cette approche concerne l'estimation du stock
d'eau au début de la saison, qui est extrêmement difficile
à estimer à cause de particularités propres à la
culture de la vigne (profondeur d'enracinement, sols caillouteux) (Van Leeuwen
et Vivin, 2008).
D'autres pratiques désormais plus répandues en
viticulture reposent sur l'utilisation de la vigne comme indicateur de son
propre état hydrique11. On parle dans ce cas «
d'indicateurs physiologiques », et ceux-ci sont nombreux : utilisation de
la chambre à pression de Scholander pour mesurer le potentiel hydrique
de la vigne (potentiel foliaire, potentiel de base ou potentiel tige)
(Choné et al.,, 2001-b), suivi des micro-variations de
diamètre d'organes de la vigne (Van Leeuwen et al.,, 2000),
mesures du
10 L'ouverture du stomate est provoquée par l'accumulation
de potassium dans la vacuole des cellules concernées (Laberche,
2010).
11 Un déficit hydrique provoque en effet un certain nombre
de modifications dans le fonctionnement physiologique de la vigne qui sont
mesurables (variations de la tension de la sève dans le xylème,
fermeture stomatique, déroulement de la photosynthèse...).
débit de la sève (Valancogne et Nasr, 1989) ou
encore mesure de la température des feuilles (Payan et Salançon,
2003).
La discrimination isotopique du carbone 13
(ÄC13) est un autre indicateur physiologique du régime
hydrique. Le C13 représente environ 1,108% du CO2
atmosphérique, contre environ 98,89% pour le C12. Ce dernier,
plus léger, est préférentiellement utilisé lors de
la photosynthèse. La contrainte hydrique, en provoquant la fermeture des
stomates pendant une partie de la journée, ralentit les échanges
de CO2 entre la feuille et l'atmosphère, et limite ainsi la
discrimination isotopique. Le rapport C13 /C12 se
rapproche, dans ces conditions, de celui du CO2 atmosphérique. La mesure
du ÄC13 sur les sucres du moût à maturité
constitue alors un indicateur global de la contrainte hydrique subie par la
vigne au cours de la période de maturation (Van Leeuwen et al.,
2001-b, Gaudillère et al., 2002).
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