Ces enjeux se situent au niveau de l'évolution de
l'emploi et de la formation dans l'industrie du transport aérien ; ce
sont deux causes importantes de l'implication des gouvernements dans les
compagnies aériennes nationales en particulier.
2.1.2.2.1. Les enjeux au niveau de la formation
:
L'internationalisation récente des entreprises de
transport aérien par le système de privatisation et de prises de
participations étrangères ainsi que par les acquisitions et
concentrations, fait émerger, répétons-le, un nouveau type
d'entreprises (transnationales) ces dernières, comme l'écrit C.
Palloix68, assurent avec le même encadrement la
mobilité des facteurs de production comme le capital, la technologie et
les techniques de gestion.
Ces trois facteurs qui manquent généralement
aux compagnies aériennes des pays en voie de développement du
Sud, risquent de ne profiter dans l'état actuel des choses qu'aux
transporteurs aériens des pays industrialisés du Nord.
En effet, toutes les opérations de privatisation, de
prises de participation et de concentrations
68 L'Economie Mondiale et les Firmes Multinationales,
T.II, p. 93, op. Cit.
terminées ou en cours, se font entre les compagnies
aériennes d'Europe et d'Amérique du Nord principalement ; celles
qui touchent les compagnies aériennes d'Asie et d'Amérique du
Sud, font l'exception (politique). Cependant, le transfert de technologie et de
techniques de gestion risque de ne pas profiter aux compagnies aériennes
du Sud, tant que les gouvernements de leurs pays «jugent mal leur
professionnalisme»69 ou encore que leurs milieux politiques
influent sur les décideurs quant à leur privatisation. Le manque
de ressources humaines compétentes, au-delà des
difficultés financières de ces compagnies, est une autre raison
principale pour ouvrir le capital social de ces compagnies à la
participation étrangère et notamment aux grands transporteurs
aériens (du Nord) dont l'apport serait considérable.
- Sur le plan de la gestion, l'apport extérieur
serait double :
*Apprendre aux dirigeants des compagnies aériennes
comment gérer le changement avec toute la rationalité reconnue
à la gestion des entreprises privées.
*Assurer la reconversion des travailleurs dans des
activités complémentaires à celles des compagnies
étrangères participant au capital (ex : catering,
informatique/comptabilité,... etc.).
- Sur le plan de la technologie,
son transfert au niveau de la maintenance «avion» par exemple au
profit des compagnies aériennes du Sud serait profitable aux deux
parties. Les compagnies du Nord obtiendraient des rapports qualité/prix
meilleurs que ceux des prestataires actuels du Nord.
Les compagnies aériennes du Sud, en disposant de
spécialistes et de capacités meilleures en maintenance,
réduiraient l'impact que va avoir la hausse des coûts de cette
dernière sur les prix de revient de la production du transport
aérien avec des avions âgés ; d'autre part elles pourraient
suppléer en partie aux besoins «des 350.000 nouveaux
mécaniciens d'avions nécessaires dans le monde entre 2010 et
2020. British Airways par exemple, à elle seule, a besoin de 22.000
à 35.000 personnes de plus»70.
Les enjeux au niveau de la formation sont donc
considérables tant pour l'avenir de l'industrie du transport
aérien, que pour les rapports entre les compagnies aériennes,
notamment entre celles du Nord et celles du Sud.
69 Vassiriki Savane, in étude ITA, 28 volume
11/1988/4, actes du colloque de Marrakech p. 22 op. cit.
70 Dès 2009 ; Revue Airline Business juil
90 article « A Spanner in the woks », p. 52 op. cit. Si la formation
des ces spécialistes et des capacités des hangars de maintenance
qui s'en suivent n'est pas développé, le transport aérien
ne pourrait pas croitre en nombre de passagers et en fret.
Pour conclure sur les enjeux juridico-politiques et sociaux, on
pourrait affirmer que :
*Au moment oil la plupart des pays riches du Nord ont
regroupé d'abord leurs intérêts nationaux et cherchent
à harmoniser l'exercice de leur souveraineté pour imposer ensuite
des relations plurilatérales avec les pays tiers et notamment avec ceux
du Sud, leurs compagnies aériennes se mondialisent en concentrant leurs
activités par alliances et participations croisées ; ces
compagnies se trouvent, dans ce mouvement, aidées à la fois par
une application extraterritoriale de leurs lois générales sur la
concurrence (au transport aérien), et par de nouvelles lois
intégrant de nouveaux concepts en matière de
propriété nationale et/ou d'exigence de contrôle des
entreprises de transport aérien.
Par ailleurs, ces compagnies arrivent à
améliorer la productivité de leur personnel grâce à
de nouvelles formules adaptées à cette évolution et
facilitées par le niveau élevé des salaires dans leurs
pays.
*En même temps, les compagnies aériennes des
pays du Sud, notamment celles de l'Afrique et du Proche Orient ne peuvent dans
l'état actuel des choses, ni être érigée en
méga transporteurs (à cause du vide juridique ou plutôt des
contraintes imposées par leurs lois nationales et procédures
relatives à la propriété et à l'exigence de
contrôle), ni profiter de la mobilité des facteurs reconnue
à l'intérieur des firmes multinationales ; elles ne pourraient
non plus améliorer d'une façon très sensibles la
productivité du personnel sans cette symbiose retrouvée dans les
pays du Nord entre les facteurs de production : capital et travail.
Bref, au-delà de ces aspects juridiques et sociaux, la
constitution de groupements régionaux au Nord fait que les nouveaux
enjeux sont d'ordre géopolitique donnant lieu à la fois à
une remise en cause du concept traditionnel de souveraineté sur l'espace
aérien et à de nouveaux rapports de force inégaux aussi
bien entre les pays - en matière de négociation de droits de
trafic aérien - qu'entre compagnies aériennes en matière
commerciale.
2.1.2.2.2. / 1fi171K ITKIJIv1TNIE1 l'1P SOJI
:
Ces enjeux sont la conséquence de l'émergence
d'une forme nouvelle d'organisation sociale et de la nouvelle mission des
compagnies aériennes par rapport aux salariés.
Traditionnellement le personnel des compagnies
aériennes est dans sa majorité fortement
syndiqué par
fonction ; exemple : pilotes (PNT), personnel navigant commercial (PNC)
et
personnel au sol ; de ce fait, toute grève des uns entraîne
nécessairement l'arrêt total de la
compagnie ; et, comme en aérien on ne peut stocker les
produits, ceci amène les syndicats, notamment en période de forte
demande à en profiter et mener des négociations en force pour
augmenter les coûts salariaux.
Avec la déréglementation du transport
aérien, l'arrivée de nouveaux entrants dans le secteur, dont le
personnel n'est généralement pas syndiqué produit un
changement dans la situation des coûts salariaux dans l'industrie.
Quoique la part en trafic «passagers» des nouvelles
compagnies «non syndicalisées» soit encore faible, l'influence
de ces dernières a été grande sur les nouveaux rapports
avec les salariés ; les règles imposées par ces compagnies
permettent le maximum de flexibilité de travail ; un agent de vente au
comptoir, par exemple, doit accepter de faire le travail de «steward»
de la compagnie en cas de besoin. En contrepartie, les agents ainsi
traités dans ces nouvelles compagnies reçoivent, en sus de leur
salaire, une part du profit ou bien des actions dans le capital social.
En conséquence, les compagnies
«syndiquées» s'en sont inspirées pour négocier
avec les syndicats de nouveaux accords, très différents des
anciennes conventions: le gel pour une période donnée - ou la
diminution - des salaires avec des conditions nouvelles de travail pour les
pilotes notamment et l'utilisation croisée des employés, trouvent
leur compensation bien sûr, dans des plans de participation au profit et
au capital social ; cette participation devient de plus en plus
prépondérante ; une telle symbiose fait ressurgir la vieille
idée de l'association capital-travail et remet en cause la
théorie classique qui sépare ces deux facteurs. On pourrait
cependant se demander si cette symbiose est possible entre d'une part les
réticences des autres capitalistes devant une
prépondérance des salariés et d'autre part, les Choix
difficiles imposés ceux-ci entre leurs salaires et les dividendes,
notamment dans les pays en voie de développement où les niveaux
des salaires ne sont pas élevés.
D'autre part l'évolution technologique et
réglementaire rapide du secteur du transport aérien nous achemine
vers changement structurel de l'industrie. «Ce changement conduit en
général, selon Peter Druker71, à des
modifications de l'ampleur économique nécessaire pour un
fonctionnement efficace», avec des gains de productivité au travail
et un effort accru de rationalité et de qualification du
personnel».
Si la plupart, sinon la quasi-totalité des compagnies
aériennes des pays industrialisés du Nord
71 Peter Druker, in « l'entreprise face à
la crise mondiale », p. 62 édit. Tendances actuelles, 1981.
arrivent à négocier et obtenir le gain de
productivité au niveau du personnel, il n'en est pas de même pour
les compagnies du tiers-monde.
Plusieurs raisons à cela ont été
expliquées plus haut auxquelles on ajoute le protectionnisme
étatique contre le libéralisme du transport aérien, la
privatisation socialement difficile pour le gouvernement à cause des
rumeurs sociaux que provoquerait soit la remise en cause d'un statut
spécialement protecteur en matière d'emploi, soit la contestation
vive de syndicats plus forts dans les compagnies aériennes du Sud par
rapport à d'autres secteurs. A ce sujet, l'entrée en scène
de nouvelles compagnies (non syndiquées) pourrait faire changer les
habitudes prises ou les droits acquis par le personnel au cours des
années passées ; mais est-ce que la taille des marchés de
la plupart des pays du Sud justifie cette entrée ? Ce n'est pas le cas
!
Néanmoins, la concurrence des compagnies
aériennes du Nord amènera les transporteurs des pays du
tiers-monde faire l'effort, combien important, de productivité qui
devient plus que jamais nécessaire. «Cet effort peut ne pas
déboucher sur des réductions d'emploi si, on a des ambitions en
matière de croissance et si on traite le problème de `emploi
comme une priorité en faisant preuve d'imagination et d'innovation dans
ce domaine72.