Jusqu'à la fin des armées 80, la
majorité des compagnies aériennes nationales était
propriété étatique totale ou partielle ; mais
l'aggravation de l'endettement des Etats du tiers-monde d'une part et la
tendance à la globalisation des compagnies des pays
industrialisés (du Nord) par suite de la libéralisation du
transport aérien d'autre part, font que le désengagement des
Etats vis à vis de leurs compagnies aériennes nationales
amène ces dernières à chercher de nouvelles sources
externes de financement.
Ce désengagement total ou partiel découle, dans
les pays développés, d'une volonté de plus en plus
marquée d'assurer l'autonomie financière des compagnies et par
conséquent l'indépendance de ces dernières à
l'égard des pouvoirs publics (sur le plan financier) souvent, la
décision de ce désengagement a eu pour origine une initiative
propre des dirigeants des compagnies aériennes qui l'ont progressivement
imposée à leur autorité de tutelle.
44 D'après International Bureau of Aviation
(IBA Group), article : « Value judgement », in Revue
Airlines Business, juin 1991n p 93 : 43% de la flotte mondiale en jets
étaient dans cette catégorie.
Pour les pays en voie de développement, le
désengagement n'a pas pris toute sa mesure et il reste encore un bon
chemin à sa réalisation.
2.1.1.3.1. Cas des pays industrialisés
:
Pour ceux-ci, La croissance trouve son financement ; on peut
même avancer sans risque d'erreur que des formules auxquelles on n'a pas
encore pensé, et des sources encore à identifier joueront un
rôle dans le financement des besoins en capitaux en général
et des avions à livrer d'ici la fin du siècle en particulier.
Dans le cadre de leur globalisation et de leur
indépendance des pouvoirs publics sur le plan financier, les compagnies
des pays industrialisés connaissent déjà un mouvement de
croissance externe, depuis la fin des années 80. Plusieurs formules de
financement se distinguent dans ce mouvement, nous en citons deux
essentielles
* la 1ère formule réside dans la
fusion et l'acquisition de compagnies aériennes ; ce type de croissance
fait appel à des capitaux souvent étrangers dans un cadre de
prise de participation ou de privatisation45 totale (ex British
Airways et KLM) ou partielle (ex LH, SN, AZ)46 et ce, en
dépit des barrières réglementaires). Il en résulte
une concentration des capitaux au niveau de compagnies aériennes
globales, de type transnational47 qui échapper ainsi aux
critères traditionnels de la nationalité.
Les phénomènes de privatisation et de
concentration deviennent dès lors les maitres mots de l'évolution
récente du transport aérien mondial, car on le sait, ils sont
à bien des égards la conséquence de la situation
financière de ce secteur. A et titre, le nombre important des compagnies
aériennes privatisées notamment en Europe témoigne d'un
désengagement de plus en plus croissant des Etats de ce continent.
Les compagnies américaines quant à elles, ont
toujours été privées, et celles de l'Asie du Sud sont
elles-mêmes, soit privées (cas de Cathay) soit concernées
par les politique de privatisation (cas de Japan A.I., Singapor A., Malaisian
A.S.).
Généralement, les opérations de
privatisation des compagnies aériennes publiques se
rapportent aux
différents programmes nationaux de privatisation pour réduire le
poids du
45 Sous sa forme financière par cession des
actions détenues par l'Etat à d'autres investisseurs ; la
privatisation peut prendre d'autres formes qui seront ultérieurement
décrites.
46 LH : Lufthansa - SN : Sabéna - AZ :
Alitalia.
47 Christian Palloix : l'économie mondial
capitaliste et les firmes multinationales ; tome 2, collection François
Maspéro, édition Tendance Actuelle - Paris 1983, p. 109.
secteur public dans les économies et pour rendre les
entreprises plus compétitives ; dans ces programmes, les compagnies
aériennes sont souvent une pièce maitresse.
Il est à noter que la privatisation ne peut concerner
que des compagnies faiblement endettées, ayant une flotte jeune et
maîtrisant tout ou partie de leurs couts d'exploitation : se sont les
conditions essentielles pour qu'elles trouvent acquéreurs et qu'elles
puissent faire partit d'un groupe de sociétés constituant une
entreprise global (de type transnational).
* La formule réside dans la fusion du captal industriel
avec le capital bancaire dans le capital financier et qui devient possible et
aisée à réaliser ; cette formule permet la liberté
des mouvements de capitaux et se trouve également un facteur de
globalisation qui va de pair avec celle de l'industrie aérienne.
2.1.1.3.2. Cas des pays en voie de développement
:
Le désengagement des gouvernements des pays en voie de
développement à l'égard de leurs compagnies
aériennes publiques est encore timide malgré les
différents programmes nationaux de privatisation dans la plupart de ces
pays, notamment en Afrique.
Jusqu'en 1992, les principaux programmes de privatisation ont
touché une dizaine de compagnies aériennes en Amérique
Latine, douze en Asie - Pacifique et cinq en Afrique et au Moyen-Orient ; dans
cette dernière région, ta plupart des compagnies aériennes
est détenue à 100 'Io par l'Etat et le peu de projets de
privatisation n'est que partiel (cas d'Air Afrique, Kénya Airways,
Nigéria Airways, Royal Jordanian A. - ex Alia - et South Africain
Airways - SAA).
Parmi les causes, «le micro-nationalisme sans lendemain,
avec comme pierre angulaire la volonté manifeste de prestige»,
écrit Vassiriki Savane48.
Comme on pourrait l'observer sur le tableau n°11, sur
150 compagnies aériennes, 70 sont propriété majoritaire
des Etats, 20 sont propriété minoritaire publique et 60 sans
participation gouvernementale. Parmi les 70 compagnies aériennes
à majorité publique, la quasi-totalité appartient aux pays
en voie de développement dont une trentaine n'envisage pas pour le
moment de privatiser.
48 Président de CAFAC (Commission Africaine
pour l'Aviation Civile), in la libéralisation du transport aérien
en Afrique, communication au colloque ITA de Marrakech /1988, op.cit.
De ce fait, et à défaut de ressources
financières d'origine étatique, ou de garantie gouvernementale de
paiement des intérêts des emprunts extérieurs
antécédents, plusieurs de ces compagnies aériennes
risquent soit de disparaître purement et simplement49 quand
elles ne peuvent fusionner pour avoir une surface financière plus
grande, soit de devenir des succursales des grandes compagnies
(européennes, américaines ou asiatiques) en aliénant leur
identité nationale.
Pour conclure sur les enjeux financiers, on peut confirmer
que dans l'état actuel des choses, les milieux financiers internationaux
sont échaudés par les incartades d'une industrie
caractérisée par une profonde instabilité et des
rendements somment toute modestes pour un secteur dit «de pointe».
Pour ces milieux, il y a trois catégories de compagnies
aériennes du point de vue financier :
- Celles dont le ratio d'endettement50 sera
inférieur ou égal à 1/1 qui continueront à avoir
droit à toute sollicitude,
- Celles dont le ratio se situera entre 1/1 et 3/1 qui devront
donner des gages, et
- Celles qui, avec un ratio supérieur à 3/1
devront faire une croix, en principe, sur les financements classiques quand
elles ne pourront se soumettre aux conditions d'octroi de crédit
alourdissant encore la facture.
Etant donné que la plupart des Etats n'ont plus ni la
capacité financière ni la volonté de continuer à
subventionner leurs compagnies aériennes nationales, ni même les
cautionner, la dernière catégorie (à ratio d'endettement
supérieur à 3/1) doit convaincre les autorités de tutelle
à les privatiser après assainissement de leur situation ; ceci
car la privatisation est devenue un des axes majeurs de la politique de
financement des compagnies et de développement du transport
aérien ; la manifestation d'une idéologie mondiale de changement
au libéralisme économie.
Aussi globalisation et privatisation constituent
l'évolution la mieux adaptée pour permettre aux transporteurs
aériens les moins endettés et contrôlant leurs coûts
opérationnels, de réagir avec succès aux marchés.
L'enjeu à ce niveau est considérable car l'avenir du transport
aérien semble être plus un champ de bataille où plusieurs
compagnies aériennes seront les cibles,
49 Pour laisser la place à des compagnies
étrangères avec toutes les conséquences que cela pourrait
entraîner pour les Etats en question.
50 Il s'agit du rapport : dettes à long et
moyen termes (dont crédit-bail) sur les capitaux propres.
sinon les victimes de la globalisation. L'accès au
financement devient dans ce contexte un des éléments clé
de la compétition internationale et avec la privatisation, les enjeux
sociaux et juridico-politiques sont également importants.