3.4. L'estimation de panel : Islam (1995)
Après que Mrw (1992) eurent apparemment réussi
à expliquer les variations du revenu par habitant en fonction de
l'accumulation du capital humain, de nombreux chercheurs se sont tournés
vers l'analyse de données de panel. La principale raison de cette
réorientation consistait à écarter l'hypothèse qui
imposait une fonction de production identique pour tous les pays et qui
entraînait le biais dû à la variable omise, mentionné
plus haut. Islam (1995) a mis en application une formulation de données
de panel de la fonction de production de Solow étendue pour tenir compte
du capital humain. Au lieu d'une seule estimation transnationale, Islam a pris
les données couvrant la même période de 1960 à 1985
et les a réparties en cinq sous-périodes pour tirer parti de cinq
points de données par pays.
En outre, Islam a tenu compte des effets (fixes) propres
à chaque pays pour corriger le biais dû à la variable
omise. La forme restreinte de l'équation de régression est de
premier chapitre (I-19), (I-19)' et (I-20)
En guise d'approximation de l'équilibre stable du capital
humain, Islam (1995) a choisi la
variable humain de Barro et Lee (1993) qui fournit des
renseignements sur le nombre moyen d'années de scolarité aux
niveaux primaire, secondaire et supérieurs dans l'ensemble de la
population âgée de plus de 25 ans. Il a réparti les pays en
trois échantillons, soit les mêmes : NONOIL, INTER et OCDE.
Les résultats des estimations d'Islam tenant compte des
effets sur les pays supposaient des valeurs de la vitesse annuelle de la
convergence conditionnelle ë (OCDE : 0,0913)
supérieures à celles obtenues par MRW (OCDE : 0,0203).
En outre, les valeurs estimatives des
élasticités de la production par rapport au capital physique et
au capital humain, á et ç, pour
les trois échantillons de pays (á = 0,5224,
0,4947, 0,2074; ç = -0,20, -0,007, -0,045) sont
inférieures à celles obtenues par MRW sans effets fixes
(á = 0,69, 0,70, 0,28; ç =
0,66, 0,73, 0,76); en revanche, elles sont semblables à celles obtenues
avec une estimation de panel excluant la variable liée au capital
humain. On pouvait s'y attendre, car le coefficient de la variable humain n'est
pas significatif pour les échantillons INTER et OCDE et porte le mauvais
signe pour tous les échantillons54. Comme le mentionne Islam,
« (...) ces résultats « anormaux » (...) n'ont rien de
nouveau. Chaque fois que des chercheurs ont tenté d'intégrer
l'aspect temporel des variables liées au capital humain dans des
régressions de la croissance, ils ont obtenu des résultats
statistiquement non significatifs ou de signe négatif »
Si la correction du biais dû à la variable omise
revêt une valeur indiscutable, il ressort manifestement de ces
résultats que certains problèmes d'économétrie et
de données subsistent. Parmi eux, nous relevons le fait que les taux de
croissance g et n et la vitesse de convergence étaient encore
considérés les mêmes pour tous les pays. Lee, Pesaran et
Smith (1998) ont examiné cet aspect. Dans leur document, ils soulignent
que les estimations de panel devraient aussi tenir compte de
l'hétérogénéité des taux de croissance de la
technologie et de la population (et, partant, de la vitesse de convergence)
ainsi que des niveaux de départ de la technologie (coordonnées
à l'origine).
Toutefois, comme il est mentionné dans leur conclusion
et dans la réponse d'Islam (1998), la prise en compte et le test de
cette hétérogénéité du taux de croissance
équilibrée des pays supposent des difficultés qu'on ne
peut surmonter aisément. Par exemple, Islam mentionne dans sa
réponse que les données dont on dispose fournissent des
renseignements
54 Serge Coulombe, Jean-François Tremblay et Sylvie
Marchand 2004 « Performance en littératie, capital humain et
croissance dans quatorze pays de l'OCDE » N° 89-552-MPF au catalogue,
no 11.
sur les taux de croissance réelle, alors qu'on aurait
besoin des taux de croissance équilibrée. Un autre
problème éventuel à relever dans l'estimation de panel est
le fait que les variables explicatives pourraient être
corrélées en série.
Il en résulte des problèmes de
corrélation dans la perturbation, de sorte que les effets moyens
évalués sont incohérents. Comme le mentionne Temple
(1999), faute de corriger la corrélation, la vitesse estimative de
convergence est biaisée vers le haut, ce qui pourrait être le cas
dans Islam (1995). Ce problème a été souligné et
corrigé dans de nombreuses analyses de données de panel, dont
celles de Day (1996), de la Fuente (1998) et Coulombe (2000).
Toutefois, l'analyse comparative de Coulombe (2000 et 2003)
montre que la corrélation sériale dans les régressions de
la croissance constitue un grave problème uniquement lorsqu'on utilise
des données annuelles dans l'estimation de panel. On ne
décèle aucune corrélation sériale significative
lorsque les données sont groupées par périodes de cinq ou
dix ans.
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