II.2
Les perspectives offertes par les plantes médicinales
Malgré les progrès en chimie de synthèse,
les plantes restent une source importante de composés pharmaceutiques
(Zhang et Björn, 2009). Environ 80% de la population mondiale ont recours
aux plantes pour des soins de santé primaires, et il est estimé
à environ 25% les prescriptions médicales dérivées
directement ou indirectement des plantes (Fowler, 2006). La recherche de
nouveaux principes actifs menée par les laboratoires universitaires a
déjà permis d'expliquer certaines utilisations traditionnelles
(Kuiate et al.,2006 ; Kuete et al.,2008 ; Tamokou
et al.,2009a ; Tamokou et
al.,2009b ; Tene et al.,2009). Ces travaux font
ressortir une grande diversité de structures chimiques ayant des
activités antimicrobiennes potentielles.
II.2.1
Les principaux groupes de composés phytochimiques antimicrobiens
Les principaux groupes de métabolites secondaires
rencontrés dans les plantes et qui possèdent
généralement une activité antimicrobienne sont : les
composés phénoliques, les alcaloïdes, les
terpénoïdes et stéroïdes.
a) Les composés
phénoliques et les polyphénols
Les composés phénoliques et
les polyphénols constituent le plus vaste groupe de métabolites
secondaires retrouvé dans les plantes. On distingue comme principaux
composés phénoliques : les phénols simples et les
acides phénoliques, les flavonoïdes, les coumarines, les quinones,
les saponines et les tannins (Robbers et al., 1996).
· Les phénols
simples et les acides phénoliques
Les phénols simples et les acides phénoliques
sont les plus simples composés phytochimiques qui consistent en un seul
noyau aromatique substitué (Cowan, 1999). Les phénols simples
et les acides phénoliques possèdent des activités
antivirale, antibactérienne et antifongique (Brantner et al.,
1996). L'acide caféique et le catéchol, contenus dans le thym et
le piment de Bethel respectivement, sont responsables des
propriétés antimicrobiennes de ces plantes (Cowan, 1999). Leur
mécanisme d'action n'est pas bien connu, mais, il pourrait inclure une
inhibition enzymatique, probablement à travers une réaction avec
les groupes sulfhydriles ou des interactions non-spécifiques avec les
protéines. De plus, le nombre et la position des groupements hydroxyles
sur le noyau aromatique pourrait être en relation avec leur
toxicité relative sur les microorganismes (Cowan, 1999).
Acide caféique
Catéchol
(Cowan,1999)
· Les
quinones
Les quinones sont des molécules très
réactives, à noyaux aromatiques, avec deux substitutions
cétoniques (Cowan, 1999). Les quinones sont des composés qui
régénèrent des radicaux libres et par conséquent,
se complexent irréversiblement aux acides aminés
nucléophiles des protéines (Stern et al., 1996). Les
quinones sont ubiquitaires et possèdent généralement des
propriétés antimicrobiennes (Kazmi et al., 1997). Leurs
principales cibles dans la cellule microbienne sont les adhésines, les
polypeptides et les enzymes membranaires. Aljabre et al.(2005) ont
décrit le thymoquinone isolé de l'extrait de Nigella sativa
comme responsable des propriétés antidermatophytiques de
cette plante vis-à-vis de Trichophyton mentagrophytes,
Epidermophyton flococcum et Microsporum canis.
L'hypéricine , un anthraquinone isolé de Hypericum
perforatum, possède également des propriétés
antifongiques (Cowan, 1999).
Hypéricine (Cowan,1999)
· Les
flavonoïdes
Les flavonoïdes sont des composés
phénoliques qui possèdent une unité C6-C3 liée
à un noyau aromatique (Zhang et Björn, 2009). Etant donné
que les flavonoïdes sont synthétisés par les plantes suite
à une infection microbienne, il n'est donc pas surprenant qu'ils
possèdent des propriétés antimicrobiennes (Cowan, 1999).
La catéchine, flavonoïde isolée du thé vert, est
douée de propriétés antimicrobiennes (Cowan, 1999). Prasad
et al.(2004) ont décrit la 4'-méthoxyflavone extraite de
Psoralea corylifolia comme possédant des
propriétés antidermatophytiques contre Trichophyton
mentagrophytes, T. rubrum, Microsporum gypseum et Epidermophyton
flococcum. Leur activité est probablement due à leur
capacité de se complexer aux protéines extracellulaires et
solubles. Mais, les flavonoïdes à caractère lipophile
peuvent détruire les membranes microbiennes en augmentant la
fluidité des lipides membranaires (Prasad et al., 2004).
4'-méthoxyflavone (Prasad et al.,2004)
Catéchine (Cowan, 1999)
· Les
tannins
Le terme « Tannin » décrit en
général un groupe de composés phénoliques
polymériques capables de tanner le cuir ou de précipiter la
gélatine (Cowan, 1999). Plusieurs activités physiologiques
humaines et une large variété d'actions anti-infectives sont
attribuées aux tannins (Haslani, 1996). Les tannins
possèderaient une activité toxique contre les champignons
filamenteux, les levures et les bactéries (Scalbert, 1991). Souza et
al.(2008) ont montré que les tannins isolés de
l'écorce de Mimosa tenuifloria seraient responsables de
l'activité de cette plante contre les dermatophytes Microsporum
canis, Microsporum gypseum, Trichophyton mentagrophytes et
Trichophyton rubrum. L'activité antimicrobienne des tannins
serait due à leur capacité à se complexer aux
protéines de transport (Stern et al., 1996).
Procyanidine B2 condensée (Cowan, 1999)
· Les
coumarines
Les coumarines sont des composés phénoliques
constitués d'un benzène et des noyaux á-pyrènes
(Cowan, 1999). Les coumarines possèdent des propriétés
physiologiques et antimicrobiennes (Fernandez et al., 1996). La
warfarine est une coumarine utilisée comme anticoagulant qui
possèderait également des propriétés antivirales
(Cowan, 1999). De même, les coumarines présentes dans la plante
Galium odoratum, seraient responsables de l'activité
antibactérienne et antifongique de cette plante (Hambeuger et
Hostettmann, 1991).
Warfarine (Cowan, 1999).
· Les saponines
Les saponines sont des métabolites secondaires
constitués d'un noyau glucidique attaché à un aglycone.
Suivant la structure de l'aglycone, on distingue deux types de saponines :
le type triterpénoïde tétracyclique et le type
triterpénoïde pentacyclique. Les saponines sont présents
dans plusieurs espèces végétales et sont doués de
propriétés antimicrobiennes. A titre illustratif, on peut citer
les saponines contenus dans les racines du ginseng (Panax notoginseng)
actifs contre les espèces de Trichophyton (Cowan, 1999). De
même, le
3-O-(4-acétyl-â-D-xylopyranosyl)-(1?3)-á-L-rhamnopyranosyl-(1?2)-á-L-arabinopyranosyl-hederagenine,
saponine isolé de la fraction hydroalcoolique du péricarpe de
Sapindus saponaria possède une activité antifongique
importante contre Candida parapsilosis (Tsuzuki et
al.,2007).
3-O-(4-acétyl-â-D-xylopyranosyl)-(1?3)-á-L-rhamnopyranosyl-(1?2)-á-L-arabinopyranosyl-hederagenine
(Tsuzuki et al.,2007)
b) Les
alcaloïdes
Les alcaloïdes sont des composés organiques
azotés de faibles poids moléculaires. Ils possèdent des
structures hétérocycliques et se retrouvent dans environ 20% de
toutes les espèces de plantes (Zhang et Björn, 2009). Les
alcaloïdes sont connus comme doués de propriétés
antimicrobiennes (Faizi et al., 2003). Ainsi, la berbérine
isolée de Hydrastis canadensis, est un important
représentant des alcaloïdes. Il est potentiellement actif contre
les trypanosomes et les plasmodiums (Freiburghaus et al.,1996). Le
mécanisme d'action des alcaloïdes est attribué à leur
capacité à s'intercaler avec l'ADN.
berbérine (Cowan,1999)
c) Les
terpénoïdes
Les terpènes constituent un groupe de composés
dont la structure de base est une unité isoprénique. Lorsque le
composé contient un autre élément
(généralement l'oxygène), on parle de
terpénoïde. Les terpénoïdes sont connus comme
doués de propriétés antifongiques (Rana et al.,
1997) et antibactériennes (Amarel et al., 1998). A titre
illustratif, la buteline et l'acide 12-oxohardwickique isolés de
l'écorçe de Croton macrostachys, ont montré des
activités antifongiques et antibactériennes (Tene et
al.,2009). Le mécanisme des terpénoïdes n'est pas bien
connu mais, il pourrait induire une destruction de la membrane du
microorganisme par une action lipophilique (Cowan, 1999). Les
terpénoïdes sont les plus représentés dans la
constitution chimique des huiles essentielles (Brunetton, 1999).
buteline acide
12-oxohardwickique
(Tene et al.,2009)
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