IV.2.2. SPÉCIFICATION DU MODÈLE, ESTIMATION
ET ANALYSE DES RÉSULTATS
Avant d'analyser les résultats, il convient d'abord de
spécifier et d'estimer le modèle.
IV.2.2.1. SPÉCIFICATION DU MODÈLE ET
ESTIMATIONS PRÉ ET POST-RÉFORMES
Cette spécification nécessite une
présentation générale des variables du modèle avant
son expression. Nous avons ainsi récapitulé les
variables du modèle dans le tableau 4.1ci-dessous.
Tableau 4.1 : Variable dépendante et
variables indépendantes dans la modélisation des
marges d'intérêt
bancaires
Mesure de la marge d'intérêt comme
variable dépendante
|
MI = intérêt débiteur- intérêt
créditeur
|
Mesure des variables indépendantes
|
Les déterminants managériaux
|
La structure du capital social
SCAPITAL = capitaux privés / capitaux propres
|
La gestion du capital
CAPAST= capitaux propres / actif total
|
La proportion des crédits bancaires
PROCRE = total crédit / total actif
|
Les dépenses d'exploitation
RADEP = charges générales / total actif
|
Les déterminants macro-financiers
|
L'indice de risque
RISQ = total crédits / total dépôts
|
La taille du secteur bancaire
ACTPIB = total actif du secteur bancaire / PIB
|
L'indice de concentration
CR= dépôts des banques considérées /
l'ensemble des dépôts du système bancaire
|
Différentiel des conditions de banques
DIFTAU = T DM - TCM
|
Les déterminants
macroéconomiques
|
La croissance économique
LOGPIB = logarithme du PIB réel par tête
|
L'inflation
TAUINF = taux d'inflation
|
La masse monétaire
LOGM2 = logarithme de M2
|
|
Source : construction par l'auteur à partir de
Demirguç-Kunt et Huizinga, 1999, Tanimoune,
2001 et Mansouri et Afroukh, 2008.
Le modèle à estimer prend la forme
suivante :
MIit = á 0it + á
1it SCAPITALit + á 2it CAPASTit +
á 3it DEPCREit + á 4it RADEP
it + á 5it RISQit + á
6it ACTPIBit+ á 7it CRit +
á 8it DIFTAU + á 9it LOGPIBit+
á 10it INFit + á 11it LOGM2
it + åit. (2)
L'horizon temporel demeure inchangé. La période
avant les réformes s'étend sur 5 ans. En considérant la
trimestrialisation des données, on obtient 20 trimestres par pays
considéré soit 120 observations. Ainsi, i va de 1à 6 et t
de T1, 1990 à T4, 1994. La période
après les réformes va de 1995 à 2005 et présente
264 observations. Les données utilisées nous viennent de la BEAC
(situation monétaire large 2006) et aussi des différents rapports
de la COBAC.
La spécification du modèle nous conduit aux
estimations pré et post-réformes.
- Estimation avant les réformes.
En se servant du logiciel STATA dans sa version 9, on estime
d'abord le modèle 2 par la méthode des Moindres Carrés
Ordinaires (MCO). Cette première estimation présente une bonne
spécification du modèle. Les variables explicatives contribuent
pleinement à l'explication de la variable expliquée. Ceci
à travers le degré d'ajustement R2 qui vaut 76,8%. Les
marges d'intérêt sont mieux captées grâce aux
variables utilisées. Outre ce constat, l'observation du test de Fisher
indique que le modèle est globalement significatif jusqu'au seuil de 1%
(Prob > F = 0.0000). La spécification du modèle 2 peut
conduire aux effets individuels décrivant le comportement des marges
d'intérêt bancaires du système bancaire des pays de la
CEMAC. D'où la nécessité d'estimer un modèle
à effets fixes portant sur l'hypothèse
d'hétérogénéité entre les pays. L'effet
individuel ái est considéré sous la forme
ái = á0+ u-i ; le test de
l'homogénéité des pays revient donc à poser comme
hypothèse nulle que tous les u-i sont nuls. La lecture du
test de Fisher donné ci-dessus conduit à accepter
l'hypothèse que tous les u-i sont nuls (F (5,104)=1,85 et
Prob> F= 0,3866). Il semble donc qu'il n'existe pas entre les 6 pays de la
CEMAC des effets individuels propres à chaque pays et qui expliquent les
marges d'intérêt bancaires. L'effet spécifique
déterministe lié à chaque pays n'étant pas retenu,
il est judicieux de traiter cet effet comme un effet aléatoire et non
déterministe. Ce qui nous conduit à l'estimation du modèle
à effets aléatoires.
Pour valider le modèle à effets
aléatoires, on teste la corrélation entre les effets individuels
et les variables explicatives. L'hypothèse nulle retient l'absence de
corrélation entre les effets individuels et les variables explicatives.
L'erreur ou résidu ëit est composé de deux
éléments : çi et åit. Le
premier représente l'effet individuel et le second représente
l'influence des autres variables omises. Le résultat du test donne Prob
> chi2= 0,0000 <0,05 d'ou le rejet de l'hypothèse nulle. Il existe
alors une corrélation entre les effets individuels et les variables
explicatives. Les variables indépendantes choisies sont fortement
influencées par la nature du pays. Le choix du meilleur modèle
est fondé sur le test de hausman. Comme hypothèse nulle on
retient corr (u-i ; X)=0. Son non rejet conduit à
l'acceptation du modèle aléatoire ; la procédure du
test impose que Prob>chi2 > 0,05. En définitive, le test de
hausman donne une p-value Prob>chi2 = 0.2508 > 0,05. Donc nous retenons
le modèle à effets aléatoires comme modèle des
différentes estimations du modèle.
Le modèle à effets aléatoires
estimé pré-réforme se présente ainsi :
MIit = 165, 23 - 0,1242**
SCAPITALit - 0, 7514 CAPASTit + 0, 2564**
PROCREit - 23, 4521*
(0,12541) (0,06864) (0,35642)
(0,05231) (0,00421)
RADEPit + 0, 4215* RISQit +
0,0531* ACTPIBit + 23,1542** CRit +
0,2461*** DIFTAU +
(0,03421) (0,00762)
(0,03362) (0,06548)
0, 1214 LOGPIBit - 0, 6421** INFit
+ 0, 4251 LOGM2it + åit.
(3)
(0,36211) (0,04211) (0,17235)
* : significativité à 1% ; ** :
significativité à 5% ; *** : significativité
à 10%
Les valeurs entre parenthèses sont les
probabilités t de Student. (p>t).
A ce niveau des estimations, des commentaires peuvent
déjà être présentés :
D'une part, les marges d'intérêt s'accroissent
grâce à l'influence de la proportion des crédits dans
l'actif bancaire. Plus les crédits augmentent comparativement à
d'autres éléments de l'actif, plus les marges
s'améliorent. L'indice de risque et la taille du secteur bancaire
augmentent les spread d'intérêt car l'environnement propice au
développement des banques se traduit par une amélioration des
marges d'intérêt (Tanimoune, 2003 et Mansouri et Afroukh,
2008).
D'autre part, l'influence négative de la structure du
capital (SCAPITAL) et de sa gestion (CAPAST) et des dépenses
d'exploitation (RADEP) est vérifiée dans la théorie
économique. Ainsi, plus l'Etat intervient dans le capital des banques,
plus les marges d'intérêt s'amenuisent preuve que la privatisation
des banques serait une mesure souhaitable en vue d'une rentabilité
toujours croissante. Ce processus fut entamé par les autorités
des six pays de la CEMAC. Il est donc important d'estimer un modèle
après les réformes afin de mesurer l'évolution des
variables.
Le modèle à effets aléatoires
estimé post-réforme s'écrit :
MIit = 24,1242 + 0,0521*
SCAPITALit -1,253142* CAPASTit + 0,00521**
PROCREit + 0,5761
(0,01254) (0,008874) (0,005624)
(0,045241) (0,24154)
RADEP it + 1,0671** RISQit -
1,2516* ACTPIBit - 1,2506* CRit +
0,3561* DIFTAU it - 0, 2314*
(0,03564) (0,007265)
(0,005842) (0,004261) (0,001426)
LOGPIBit - 0, 2314* INFit +
1,2761 LOGM2 it + åit.
(4)
(0,00412) (0,23512)
* : significativité à 1% ; ** :
significativité à 5% ; *** : significativité
à 10%
Les valeurs entre parenthèses sont les
probabilités t de Student. (p>t).
Pour ce qui est de cette quatrième estimation, le
comportement des résidus indique une relative constance pour tous les
pays de la zone comme l'indique l'annexe 4.3 ; preuve de la qualité
de l'estimation.
Au regard de cette estimation, plusieurs commentaires peuvent
être apportés. Pendant l'implémentation des
réformes, certaines variables ont subi quelques modifications.
- La structure du capital (SCAPITAL) influence positivement
les marges d'intérêt. Preuve que la privatisation des banques est
un atout à l'amélioration des marges bancaires. Ce
résultat est identique à celui trouvé par Yao,
(2002).
- La proportion des crédits (PROCRE), les
dépenses d'exploitation (RADEP), le risque (RISQ) et le
différentiel de taux (DIFTAU) améliorent les marges
d'intérêt bancaires. Parmi ces variables, seul le coefficient des
dépenses d'exploitation ne vérifie pas la théorie
économique. Naturellement ils devraient influencer négativement
les marges bancaires. Car plus les charges d'exploitation augmentent, plus le
différentiel d'intérêt se rétrécit. Les
charges viennent réduire les intérêts débiteurs par
conséquent réduisent les marges (Mansouri et Afroukh, 2008).
- Cependant, la gestion du capital (CAPAST) très
rigoureuse par les dirigeants privés amenuise les marges bancaires. De
peur d'une augmentation des risques, ces dirigeants vont réduire les
crédits.
- La taille du secteur bancaire (ACTPIB) et la concentration
(CR) influencent négativement les marges bancaires. Ceci se justifie par
le fait qu'après les réformes, le secteur bancaire de la
sous-région CEMAC s'est rétréci (annexe 4.2) et les
banques restant en activité contribuent moins au PIB, ce qui augmente
moins leurs marges.
- Les variables macroéconomiques en
général réduisent les marges bancaires. Une augmentation
d'un point de pourcentage du PIB réduit de 23,14 points de pourcentage
les marges bancaires. Ce résultat contraste avec la théorie
économique (Demirguç-Kunt et Huizinga, 1999, Tanimoune,
2001 et Mansouri et Afroukh, 2008). L'explication de cette situation
repose peut-être sur les taux de croissance faibles des pays de la
sous-région. La maîtrise de l'inflation a contribué
à réduire les marges d'intérêt, preuve qu'un niveau
tolérable de taux d'inflation peut contribuer à l'augmentation
des marges.
L'implémentation des réformes a agi sur
certaines variables spécifiques qui ont influencé les marges
d'intérêt. Il convient à présent de faire une
synthèse pour mesurer l'impact des réformes financières
sur les marges d'intérêt.
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