SECTION 2 REVUE DE LITTERATURE
Avant d'évaluer l'efficacité des dépenses
publiques d'infrastructure de base sur le
capital humain, il y a lieu de donner quelques clarifications.
1.1 Clarification des concepts
> Efficacité
L'efficacité est la réalisation d'un objectif
(du latin efficere = accomplir). La notion se rencontre en science
économique dans l'analyse coût/efficacité qui, dans le
calcul économique, permet de choisir parmi un ensemble de programmes qui
satisfont le même objectif. On retrouve également l'expression
dans l'efficacité marginale du capital qui désigne le rendement
financier escompté du capital mis en oeuvre. Aussi une dépense
publique est dite efficace quand elle permet d'atteindre les résultats
escomptés à moindre coût.
> Dépenses publiques
Les dépenses publiques constituent un instrument pour
influencer à la fois les objectifs de croissance et de redistribution.
Elles consistent le plus souvent en des investissements de long terme dans les
domaines de l'éducation et des infrastructures, ainsi que des
dépenses sociales à court terme dans l'éducation, la
santé et la sécurité sociale. Toutefois, le débat
sur l'efficacité des dépenses publiques en tant qu'instrument de
régulation conjoncturelle a connu ces vingt dernières
années une ampleur considérable, tant par le nombre
élevé d'analyses théoriques et d'études empiriques
auxquelles il a donné lieu, que par l'importance des implications en
termes de politiques économiques.
Le rôle des dépenses publiques dans la
régulation macroéconomique s'inscrit dans le débat
traditionnel portant sur l'efficacité de la politique budgétaire.
Suivant l'optique keynésienne, la régulation de l'activité
économique par les pouvoirs publics passe par des actions contra-
cycliques. Cette perspective amène les pouvoirs publics à
soutenir activement l'activité dès lors que la demande des agents
est déprimée et à la freiner lorsque son emballement fait
craindre des déséquilibres internes et externes. Ainsi, à
court terme, les dépenses publiques peuvent servir à
stimuler la demande globale et à relancer une
croissance économique jugée trop molle. L'argument en faveur des
dépenses publiques consiste à penser que certaines
dépenses publiques, notamment les investissements publics, comme les
réseaux routiers, l'électricité, le transport, les
télécommunications, l'éducation et la santé
génèrent des externalités qui améliorent la
productivité des facteurs privés et peuvent de ce fait soutenir
la croissance économique (Blejer et Khan, 1984 ; Aschauer, 1989 ; Tanzi
et Zee, 1997). Néanmoins, il a fallut attendre le développement
des nouvelles théories de la croissance pour réaffirmer le
rôle du capital public dans la dynamique économique (Barro, 1990).
La vision néoclassique conteste l'effet vertueux du multiplicateur
keynésien et prône au contraire que la politique budgétaire
expansionniste n'a pas d'effet favorable sur l'activité
économique. Les politiques de relance par les dépenses publiques
peuvent même avoir des effets dépressifs sur l'économie du
fait notamment des effets d'éviction qu'elles exercent sur
l'investissement et la consommation privés. Ces effets négatifs
résultent du fait que les agents économiques anticipent les
conséquences futures de la politique budgétaire et ajustent en
conséquence leur comportement de consommation et d'épargne
(Barro, 1974 ; Feldstein, 1982). En fait, l'effet des dépenses publiques
sur la croissance dépend de la source de financement utilisée par
les pouvoirs publics.
Malgré la pertinence des arguments théoriques en
faveur des dépenses publiques, les études empiriques
énoncent des résultats contradictoires quant au signe de la
relation entre les dépenses publiques et la croissance du Produit
Intérieur Brut. L'analyse empirique de l'impact des dépenses
publiques sur la croissance s'est orientée dans trois directions : la
recherche de liens de causalité, au sens économétrique du
terme, entre dépenses publiques et croissance ; l'estimation sur
séries chronologiques de fonctions de production augmentées des
dépenses publiques ; et l'analyse en données de panel sur un
ensemble de pays. Knight et al. (1993) et Nelson et Singh (1994) ont mis en
évidence un effet significatif de l'investissement public en
infrastructures sur la croissance dans un échantillon de pays en
développement, notamment au cours des années 1980. Easterly et
Rebelo (1993) arrivent au même résultat en considérant les
investissements publics en
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transport et communication.
> Infrastructures
Le concept d'infrastructure renvoie au capital physique qui
permet à l'économie de fonctionner et aux services essentiels,
urbains et ruraux, d'être produits et distribués : traitement,
distribution de l'eau potable assainissement des eaux usées, irrigation,
production et distribution d'énergie, systèmes de transports et
de communication, traitement des déchets. On peut aussi ajouter à
cette liste de services, la contribution des infrastructures nécessaires
à l'éducation et à la santé publique comme les
écoles et les hôpitaux, dont l'utilité dépend aussi
des infrastructures précitées (OCDE, 2006). Toutes les
infrastructures qu'elles soient économiques ou sociales partagent des
caractéristiques communes. Elles sont très lourdement
capitalistiques et nécessitent d'importants investissements.
Selon Marie Ange VEGANZONES, 2000, les infrastructures sont le
plus souvent définies comme des biens collectifs mixtes à la base
de l'activité productive. Deux notions sous-tendent cette
définition : celle de bien collectif ou de bien public, et celle de
facteur productif.
Caractère collectif des
infrastructures
On entend par bien collectif, propriété d'un
ensemble de personnes, un bien qui appartient à tout le monde. Un bien
dont l'usage par un agent A ne diminue en rien ni la quantité ni la
qualité de ce bien.
La notion de bien collectif, définie par Samuelson
(1954) et Musgrave (1959), repose sur les critères de non
rivalité et de non exclusion. Un bien est qualifié de non rival
si son utilisation par un agent ne réduit pas la quantité
disponible pour les autres agents. La non rivalité s'accompagne, en
fait, de l'indivisibilité d'usage, c'est à dire d'une
consommation en totalité de ce bien qui ne pourra être
partagé entre divers utilisateurs. La non-exclusion par les
mécanismes de marché caractérise, de son
côté, des biens dont aucun agent ne peut être exclu des
bénéfices. Celle-ci découle
également de l'impossibilité de fractionner le
service entre divers consommateurs, c'est à dire de
l'indivisibilité.
Caractère productif des
infrastructures
Le caractère productif des infrastructures
relève de son côté de plusieurs logiques. La production de
services publics constitue, en tant que telle, une activité
économique à part entière. Mais une caractéristique
propre de ces biens réside surtout dans le facteur de
potentialité qu'ils constituent. A la suite de Hirschman (1958), on peut
définir les infrastructures comme les biens et les services qui rendent
possible l'activité économique. Cette définition,
particulièrement large, est reprise par Hansen (1965) qui est le premier
à proposer une classification précise. Il distingue : les
infrastructures sociales, dont la fonction est d'entretenir et de
développer le capital humain (comme l'éducation, les services
sociaux et de santé) et les infrastructures économiques, dont la
caractéristique est de participer au processus productif.
Selon Meade (1952), ce facteur de potentialité est tout
d'abord direct, le rôle productif des infrastructures passant par la
fourniture de biens et de services intermédiaires qui participent au
processus de production. Mais surtout, la particularité des
infrastructures réside dans la faculté d'améliorer
l'utilisation des autres facteurs de production. Il s'agit ici d'un effet
indirect d'augmentation de la productivité des autres facteurs de
production. Cet effet indirect consiste, tout d'abord, en une diminution des
coûts de production et un accroissement de la rentabilité des
activités. Certains travaux soulignent que la pénurie chronique
d'infrastructures d'un grand nombre de pays en développement explique
des coûts de production élevés et une
compétitivité dégradée voire l'impossibilité
de développement de certaines activités et/ou régions
(Wheeler et Mody, 1993 ; Steel et Webster, 1992 ; Gyamfi, 1992). Mais cette
rentabilité passe également par la réduction des
coûts de transport permise par le développement des
infrastructures (Banque mondiale, 1994).
Ces améliorations sont également liées
à l'accroissement de la taille du marché permis par le
développement des infrastructures, et par l'intensification des
échanges qui lui est consécutif. Ces caractéristiques
conduisent à la possibilité d'économies
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d'échelle et de diffusion du progrès technique,
de même qu'à une division du travail accrue. Celle-ci, en rendant
possible l'apparition de synergies et de complémentarités entre
entreprises, régions ou activités, contribue encore d'une autre
façon au caractère productif des infrastructures. En stimulant de
la sorte l'apparition d'externalités de type marshalien, les
infrastructures trouvent ici une autre justification économique à
l'intervention de l'Etat dans la fourniture ou la réglementation de
certaines d'entre - elles.
> Capital humain
Le capital humain peut se définir comme l'ensemble de
la main-d'oeuvre disponible dans un pays. IL est l'ensemble des
compétences, qualifications et autres capacités
possédées par un individu à des fins productives. Il peut
être inné ou s'acquérir durant le cursus scolaire,
universitaire ou au cours d'expériences professionnelles, par la
transmission de savoirs et qualifications. Le capital humain initial
revêt des formes comme l'intelligence, la force physique ou les
connaissances transmises par la famille. Il répond plus à des
facteurs génétiques ou familiaux qu'économiques et est
supposé peu modulable au cours du temps. Ses coûts d'acquisition
sont faibles, attribuables en partie à l'attention portée
à l'enfant par les parents et les bénéfices, en termes
monétaires, sont supposés fixes dans le temps. Les
compétences acquises sont considérées, dans la
théorie du capital humain (Becker, 1964), à la fois comme un bien
de consommation durable (on peut acquérir des connaissances à
tout âge), un bien spécifique (les compétences de chacun
leur sont propres, limitées par leurs capacités physiques et
intellectuelles et non exploitables sans leur volonté) et un bien de
production (ces compétences déterminent la productivité de
l'individu et doivent à ce titre être considérées
comme un facteur de production au même titre que la terre et les
machines).
La théorie du capital humain fonctionne par analogie
à celle du capital financier ou physique. On considère que le
capital humain est formé de trois éléments
qui, ensemble, déterminent une certaine aptitude de l'individu
à travailler: les compétences,
les expériences et les savoirs. De même que le
capital physique, le capital humain peut s'acquérir (par
l'éducation), se préserver et se développer (par un
entretien à travers des formations continues et/ou l'attention
portée à la santé de l'individu au titre de son capital
santé). De même, il doit pouvoir produire un
bénéfice (les revenus perçus lors de la mise à
disposition des compétences).
Selon l'OCDE, le concept de capital humain est
fréquemment utilisé en économie depuis plus d'une
trentaine d'années. Il constitue un bien immatériel qui peut
faire progresser ou soutenir la productivité, l'innovation et l'emploi.
Le capital humain subit différentes influences et résulte
notamment d'un apprentissage organisé sous la forme de
l'éducation et de la formation.
Bien que le capital humain ainsi défini doive avoir un
impact sur l'activité économique ou sociale, il peut se
constituer par des périodes d'apprentissages qui ne sont pas
motivés uniquement par des fins professionnelles et qui profitent
également à la personne. L'acquisition d'une langue
étrangère par exemple représente de plus en plus un
élément de capital humain. Une même formation peut
être considérée comme «professionnelle» ou non
selon les personnes. Il est donc difficile en théorie et impossible en
pratique de distinguer entre la formation suivie par un individu en tant que
consommation ou en tant qu'investissement. Les objectifs économiques
visés par l'éducation peuvent contribuer à des missions
sociales et démocratiques, et dans une certaine mesure culturelle et
personnelle : capacité à s'informer et à résoudre
des problèmes, motivation et capacité à se former.
Les services de santé sont similaires aux services
d'éducation, ils constituent des investissements dans le capital humain
des personnes. Des enfants malades constituent un fardeau financier pour les
parents qui doivent leur consacrer du temps précieux, ne peuvent se
développer convenablement et devenir des citoyens productifs. De
même des adultes malades ne peuvent plus subvenir à leurs besoins
et à ceux de leur famille.
Dans le contexte des pays en développement et du
Bénin en particulier, caractérisé par un taux
élevé d'analphabétisme, le développement du capital
humain doit prendre en
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compte non seulement les compétences consacrées
par des diplômes académiques et l'expérience acquise dans
l'exercice d'une activité moderne mais également celle du secteur
informel et du secteur des technologies traditionnelles. Le capital humain est
en conséquence constitué de toutes les forces productives actives
participant à la production de la richesse nationale. La position d'un
individu dans l'échelle sociale est naturellement fonction des
compétences acquises et du réseau social auquel il appartient.
L'individu ne peut être seul responsable du financement de ses
qualifications ou requalifications puisqu'en fin de compte c'est l'Etat qui est
le maître d'oeuvre.
La faiblesse de l'infrastructure de base
L'investissement public peut être complémentaire
à l'investissement privé lorsqu'il est réalisé dans
les infrastructures et l'approvisionnement des biens publics dans des pays qui
en manquent cruellement (Rama, 1993). L'infrastructure est relative aux routes,
à l'énergie, aux télécommunications, à
l'eau, etc. Le problème est en général de savoir si la
fourniture de l'infrastructure est capable de générer des
externalités propres à provoquer un effet d'entraînement ou
crowding in. La réponse est certainement évidente. En effet, les
infrastructures dans une économie comme celle du Bénin
handicapent l'investissement privé. Le programme routier, à titre
d'exemple, n'a été important au Bénin qu'après
1980. Dans ces conditions, tout investissement dans un endroit
éloigné des grands centres urbains (marché
intérieur) ou/et du port (exportation), est impossible ou non rentable
en raison des coûts exorbitants de transport imputables au mauvais
état des routes. Le code des investissements donne même des
avantages particuliers aux firmes qui s'installeraient en dehors des zones
à forte concentration industrielles. Mais les investissements restent
concentrés autour des principales villes.
Le second élément de l'infrastructure en
question est constitué par le capital humain. Il s'agit plus
précisément de l'investissement qui améliore la
productivité du travail de l'homme parce qu'il est produit dans les
secteurs de l'éducation et de la santé. Des faiblesses sont
notées dans les qualifications et parfois certaines
n'existent pas. Ainsi, le capital humain doit être
construit et adapté aux besoins du marché.
> Développement humain
Au début des années 1990, sous la direction de
Mahbud ul Haq et en référence aux travaux de A.K. Sen, le PNUD
lance le concept de "développement humain". Un concept qui, pendant une
décennie, va s'affiner en abordant chacune de ses dimensions à
travers la production de rapports annuels au niveau mondial, puis à
partir de 1993 de rapports nationaux abordant des thèmes
spécifiques (modes de consommation, financement, croissance,
problème de genre, sécurité, mondialisation, gouvernance,
etc.) (UNDP, 1999).
Le développement humain et les politiques
associées visent à accroître la capacité des
individus à mieux "fonctionner", c'est à dire à vivre
mieux et ainsi à s'épanouir (Sen, 1987,1993). Dans cette optique
: " Les individus sont la véritable richesse d'une nation. Le
développement doit donc être un processus qui conduit à
l'élargissement des possibilités offertes à chacun. Il a
pour objectif fondamental de créer un environnement qui offre aux
populations la possibilité de vivre longtemps, et en bonne santé,
d'acquérir les connaissances qui les aideront dans leur choix et d'avoir
accès aux ressources leur assurant un niveau de vie décent "
(PNUD, 1990).
Cette nouvelle approche du développement
complète (pour ne pas dire s'oppose) à l'objectif prioritaire
d'équilibre monétaire et de croissance économique qui a
été plus facilement préconisé par la Banque
mondiale pour lutter contre la pauvreté au début des
années 1990. Un objectif qui demeure toujours très présent
même si l'ouverture s'est faite sur l'étude de nouveaux facteurs
de croissance : le capital social, la participation, la gouvernance, la
sécurité, etc. (Banque mondiale, 2000). Si la justification de la
croissance fait référence à une finalité
hédoniste ou utilitariste à travers la recherche de la
satisfaction du plus grand nombre, c'est aussi la simplicité d'une
mesure monétaire unique s'exprimant par le revenu réel (et donc
le PIB réel par tête) qui explique la préférence de
cette approche par les courants économiques classiques. Une orientation
trop "mono-concentrée" alors qu'il faudrait se référer
aux
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multiples dimensions et besoins du fonctionnement humain tels
qu'on peut les observer (Sen, 2000a).
Sur le plan éthique, la problématique du
développement humain, largement inspirée de A.K Sen (2000b), est
très différente. Le problème est d'assurer à tous
les individus, quelles que soient leurs particularités et
différences, les capacités de mieux fonctionner en saisissant les
opportunités qui se présentent à eux, et ceci dans le but
de mieux vivre. Cette finalité n'est plus explicite, même si rien
n'empêche, implicitement, qu'elle puisse le demeurer en termes de mesure
des conséquences (Sen, 1984). Mais, surtout, cette approche ouvre aussi
la voie à la possibilité d'autres éthiques philosophiques
visant à privilégier, au delà du Bien, la justice (Rawls,
1971), les droits, la responsabilité (Jonas,1992) et, plus
généralement, la relation à l'autre pour justifier les
choix du développement.
Il en résulte que le développement humain ne
peut se réduire à accroître les seuls produits ou biens et
services, ni les seuls échanges marchands. Il se doit d'intégrer
dans le raisonnement économique les multiples dimensions du
bien-être que celles-ci soient d'ordre économique, social,
culturel, politique ou éthique. Cette vision reprend, en l'actualisant
et en l'internationalisant les orientations débattues au cours des
années 60 concernant les caractéristiques respectives de la
croissance et du développement (Perroux, 1961) et leur application
à l'élaboration des politiques de développement des pays
du Tiers-Monde (Lebret, 1967).
Dans ce contexte, améliorer le bien-être des
individus - pris dans son sens global "well- being" dépassant le
bien-être économique "welfare" - demande d'accroître leurs
capacités à mieux fonctionner dans tous les domaines. Or ceci
impose deux conditions : d'une part un accès à un certain nombre
de fonctionnalités et d'autre part, dans ce cadre, la possibilité
de développer, par accumulation, ses propres potentialités.
Pour fonctionner, il faut, tout d'abord, avoir accès
à un certain nombre de biens, de services, d'échanges, de
relations à autrui, de valeurs, d'informations, etc... Il se pose, plus
généralement, un problème d'accessibilité qui peut
être lié à une insuffisance de droits. On peut ainsi parler
d'une "pauvreté d'accessibilité" qu'il convient de combattre.
Dans ce cadre, on met l'accent sur l'accès à
tout ce qui permet de combler un manque particulier : à l'emploi, au
logement, à la santé et à l'éducation, mais aussi,
plus généralement, la participation aux décisions, la
sécurité sous toutes ses formes (notamment alimentaire et
politique), l'appartenance à une communauté, le respect des
droits, etc.
Une fois les problèmes d'accessibilité
résolus, il faut que la personne puisse librement disposer de son stock
d'actifs, (Sen, 1981), en vue d'améliorer son fonctionnement, de devenir
moins vulnérable, d'innover et, plus généralement, de
s'épanouir. En fait, il s'agit de renforcer les potentialités
individuelles, comme objectif de développement, et donc de lutter contre
la "pauvreté des potentialités" avec l'objectif implicite que les
pauvres pourront ainsi se prendre en charge et contribuer à la
croissance.
Ceci impose de privilégier les dotations en capital des
personnes sous leurs différentes formes (physique, financière,
humaine, sociale, etc.), d'encourager les aptitudes personnelles à
utiliser ces dotations, enfin de favoriser les opportunités
d'utilisation de ces dotations en diminuant les contraintes ou interdictions
sociales.
Pour mesurer l'évolution de la pauvreté, quatre
indicateurs sont le plus utilisés à savoir : l'IDH, l'IPH, l'IPF
et l'ISDH.
Ces indicateurs prennent en compte l'alphabétisation,
l'universalité de l'enseignement primaire, l'inégale
répartition du revenu, les progrès ou retards enregistrés
dans les secteurs sociaux tels que la santé et l'éducation.
L'IDH est un outil synthétique de mesure du
développement humain. Il chiffre le niveau moyen atteint par un pays
donné sous trois aspects essentiels : aptitude à vivre longtemps
et en bonne santé, représentée par l'espérance de
vie à la naissance ; Instruction et accès au savoir,
représentée par le taux d'alphabétisation des adultes et
par le taux brut de scolarisation, tous niveaux confondus ; possibilité
de bénéficier d'un niveau de vie décent,
représentée par le PIB par habitant (en parité du pouvoir
d'achat -PPA-).
L'IPH mesure les défavorisations dans les trois
dimensions fondamentales du développement humain capturées
dans l'IDH : Une vie longue et en bonne santé
- vulnérabilité au décès à un âge
relativement jeune, telle que mesurée par la probabilité
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à la naissance de ne pas survivre jusqu'à
l'âge de 40 ans ; Connaissances - exclusion du monde de la lecture et des
communications, telle que mesurée par le taux d'alphabétisation
chez les adultes ; Un niveau de vie décent - manque d'accès aux
approvisionnements économiques généraux, tel que
mesuré par la moyenne non pondérée de deux indicateurs, le
pourcentage de la population sans accès à une source d'eau
assainie et le pourcentage des enfants en sous poids pour leur âge.
Tandis que l'IDH mesure des résultats moyens, l'ISDH
ajuste le résultat moyen pour traduire les inégalités
entre les hommes et les femmes dans les dimensions suivantes : une vie longue
et en bonne santé, telle que mesurée par l'espérance de
vie à la naissance ; connaissances, telles que mesurées par le
taux d'alphabétisation chez les adultes et le taux combiné brut
d'enrôlement primaire, secondaire et tertiaire ; niveau de vie
décent, tel que mesuré par les revenus estimés (PPA
USD).
L'IPF se concentre sur les opportunités qui s'offrent
aux femmes plutôt que sur les capacités qui sont les leurs. Il
s'attache aux inégalités femmes-hommes dans trois domaines
essentiels ; participation et pouvoir décisionnaire dans la
sphère politique, exprimés par la répartition des
sièges de parlementaires entre hommes et femmes; participation et
pouvoir décisionnaire dans l'économie, exprimées par deux
éléments : pourcentages respectifs d'hommes et de femmes;
occupant, d'une part, des fonctions de représentation parlementaire, de
direction et d'encadrement et fonctions techniques; maîtrise des
ressources économiques, mesurée par la part masculine et
féminine du revenu estimé du travail (PPA).
Face à ces nombreux défis à relever, le
Bénin à l'instar des autres pays pauvres s'est doté de
plusieurs programmes de lutte contre la pauvreté ces dix
dernières années. Il faut citer : les Etudes Nationales de
Perspectives à Long Terme (NLTPS) en 2000, le Document de
Stratégie de Réduction de La Pauvreté (DSRP) (2003-2005),
les Orientations Stratégiques de Développement (OSD) en 2006, la
Stratégie de Réduction de la Pauvreté (SRP) (2007-2009) et
la Stratégie de Croissances de Réduction de la Pauvreté
(SCRP) (2010-2014) tous visant l'atteinte des Objectifs du Millénaire
pour le Développement (OMD) dont le but recherché est de
permettre aux pays pauvres de réaliser un développement humain
durable et d'éradiquer la pauvreté, en réduisant de
moitié le nombre des pauvres à l'horizon 2015.
1.2 Contributions antérieures
Le capital humain a semblé réunir les
qualités requises à un moteur de la croissance économique
parce qu'il est susceptible à la fois de connaître une
accumulation à rendements au moins constants mais aussi de justifier
l'existence d'externalités. Il se présente également comme
un déterminant primaire de la productivité du travail et du
capital.
La connaissance ne semble pas être régie par une
décroissance des rendements au fur et à mesure de son
accumulation. Au contraire, un certain niveau de connaissance peut
paraître indispensable à l'acquisition de nouveaux savoirs et
à leur mise en oeuvre au sein de l'entreprise. En ce sens, le capital
humain est sujet à des phénomènes d'apprentissage et donc
à des rendements au moins constants.
Cette qualité de la connaissance serait, en revanche,
inopérante si les propriétaires de ce capital humain
étaient incapables de transmettre leur savoir d'une
génération à l'autre. Pour pallier à ce
problème, les économistes ont d'abord supposé des
individus à durée de vie infinie. Moins sommaire que
l'idée d'un agent économique vivant éternellement, il est
possible d'aboutir aux mêmes conclusions en adoptant, à la suite
de Lucas(1988) et Azariadis et Drazen(1990), une vision dynastique du
patrimoine culturel. Ceci revient à mettre en avant le caractère
social des individus en soulignant leur appartenance à un contexte
familial et le rôle de ce tissu familial dans la transmission du savoir.
Ce legs agit comme une externalité positive dans la mesure où
bien qu'étant involontaire de la part des parents, il influe
positivement sur le salaire des générations futures et donc du
bien-être.
Dans son modèle de learning or doing, Lucas(1988)
propose un cadre analytique alternatif à celui de Solow(1956) dans
lequel l'accumulation du capital à rendements constants permet de
justifier l'existence d'une croissance économique auto-entretenue. Sur
le sentier de croissance équilibrée, le taux de croissance des
variables par tête est «tiré» par le taux d'accumulation
du capital humain. En d'autres termes, le capital humain est, de par la
croissance de ses rendements, générateur de croissance
endogène. De plus, et cela constitue la démarcation majeure de ce
courant avec la théorie solowienne, les différences dans les
rendements du capital humain ou dans le
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temps alloué à la scolarité entre les pays
peuvent justifier une divergence persistance entre les taux de croissance
économique.
Une hypothèse d'externalité lors du
développement économique permettrait, elle aussi, de justifier
l'endogénéité de la croissance. Romer(1986) et Lucas
montrent, à ce propos, qu'en présence d'externalités de
production liées soit à l'accumulation de capital physique
(Romer, 1986), soit à celle du capital humain (Lucas, 1988), il est
possible de retrouver au niveau macro-économique des rendements
constants du facteur accumulable tout en conservant, au niveau
micro-économique, des conditions de concurrence et d'atomicité
des agents. Lucas(1988) insiste sur la pertinence à lier
externalité de production et capital humain : les individus
choisissaient de se former de manière individuelle, mais leur choix
aurait un fort impact au niveau macroéconomique via
l'élévation de la productivité globale des facteurs que
cela entraînerait. Lucas(1988) modélise ce lien entre le terme de
productivité globale de la fonction et le niveau général
de formation d'un pays en intégrant à la fonction de production
ce que les agents considèrent comme une constance et ce que l'auteur
définit comme la moyenne des niveaux d'éducation
d'externalité de la population active.
Enfin, le capital humain se présente comme un
déterminant de la capacité à innover. Contrairement
à Lucas, qui endogénéisait la variable de capital humain
en faisant dépendre son accumulation de sa productivité et du
temps passé à la formation, Romer (1990) suppose un stock de
capital fixe. Le capital humain est donc considéré, à
présent, comme un facteur non accumulable. C'est l'accumulation des
variétés d'inputs nécessaires à la production qui
devient moteur de la croissance, cette accumulation dépendant
positivement de la main-d'oeuvre qualifiée allouée au secteur de
recherche et développement. C'est donc le capital humain en niveau,
approximé par la quantité de main-d'oeuvre qualifiée, qui
détermine le degré de dynamisme d'une économie.
Plusieurs travaux ont été effectués dans le
domaine des infrastructures de base.
Il s'agit entre autre d'une proposition de recherche
réalisée par M. Roland M-P MEDJIGBODO sur le thème
Analyse de l'efficacité des infrastructures en matière de
réduction de la pauvreté. A l'aide de la théorie des
ensembles flous, il s'est intéressé à la
mesure de l'efficacité de l'installation dans la lutte
contre la pauvreté. Cette étude a révélé
qu'il est indispensable de faire l'état des lieux de la couverture des
infrastructures de manière à rendre compte de l'efficacité
ou non des politiques initiées jusque là pour la mise en place
des infrastructures dans la lutte pour la réduction de la
pauvreté. Il affirme que l'efficacité des infrastructures est
affectée par la densité de la population. Le rôle des
infrastructures est davantage plus important en zone rurale quand on tient
compte du fait que dans certains départements, une grande fraction de la
population est éloignée d'un centre urbain. L'auteur pose une
question à laquelle il n'a pas répondu : «Est-ce que
l'installation des infrastructures se fait dans des environnements où se
situe une grande proportion des ménages pauvres ? » Une question
qui pourrait faire l'objet d'une étude approfondie. Cette
dernière étude qui pourrait mettre l'accent sur toutes les
couches sociales et sur l'approche genre.
Il faut souligner la contribution de Elisee Borid Barnard
Gnamoy GNAMOY sur le thème La politique budgétaire et la lutte
contre la pauvreté en Côte d'Ivoire, dans la qualité
des débats sur la place des infrastructures. A l'aide du modèle
de KOYCK et d'une modélisation par MCO, il montre qu'il faut
accroître les dépenses publiques de santé, de
l'éducation et des infrastructures dans la réduction de la
pauvreté et par conséquent dans l'accroissement du capital
humain. Il affirme que l'amélioration du niveau des dépenses
sociales permet une meilleure valorisation des ressources humaines. Nous
parlerons aussi des travaux de Rodrigue KUITCHA KWANDJEU sur le thème
Infrastructures publiques et croissance au Cameroun. A l'aide d'une
modélisation des séries temporelles, il conclut que le
gouvernement camerounais se doit d'améliorer le niveau de croissance et
par là celui du niveau de ses habitants en redéployant les
dépenses publiques vers le secteur des infrastructures sociales et
autres services sociaux afin d'accroître le niveau de vie de sa
population.
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