Cette étude présente un intérét
particulier à notre sujet sur le fait qu'elle est couramment
citée lors des débats publics par les autorités, les
acteurs de la filière cotonnière ouest africaine et du
centre22 pour dénoncer les effets pervers des subventions des
pays développés et surtout les Etats- Unis sur le cours du coton
et les recettes d'exportation.
L'étude de L. Goreux a comme cadre d'analyse un
marché international où l'offre, la demande, et les prix
d'équilibres ne sont pas déterminés simultanément,
mais de manière séquentielle.
Tout d'abord, on commence par calculer quel serait le niveau de
production dans les pays qui pratiquent les subventions justement en l'absence
de ces subventions.
Ensuite on détermine l'équilibre mondial sans
subvention, et on en déduit le nouveau prix mondial sans subventions.
Enfin pour terminer, on recalcule le niveau de production
correspondant au nouveau prix d'équilibre dans les pays africains
producteurs de coton.
Les subventions considérées sont celles de la Chine
pour 19.4cts/livre, celles des USA pour 34cts/livre, 62cts/livre pour la
Grèce, et enfin, 32cts/livre en Espagne.
Selon les élasticités de la demande retenues,
l'impact de l'abandon des subventions sur les prix auraient un impact compris
entre 2.9 et 13.4%.
22 Le document du BENIN, du BURKINA FASO, du MALI et
du TCHAD intitulé : « Réduction de la pauvreté :
Initiative sectorielle en faveur du coton » s'appuie sur cette
étude.
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Avec une élasticité de 0.5 (hypothèse
assez réaliste compte tenu de la substituabilité limitée
entre les fibres synthétiques et le coton du fait du prix
élevé du pétrole), on obtiendrait un impact de 12%,
c'est-à-dire que l'abandon des subventions entraînerait une hausse
des cours du coton de 12%.
C'est sur cette étude que se sont basés les
quatre pays Africains pour demander l'abandon des subventions.
En effet Cette étude, commanditée par la
conférence des ministres de l'Agriculture des pays d'Afrique de l'Ouest
et du centre (CMA/OAC), repose sur un modèle d'équilibre partiel.
Le raisonnement est le suivant :
- A partir d'un prix mondial d'équilibre établi
par la confrontation de l'offre et de la demande mondiale, on simule une
élimination des subventions (celles portant sur les cinq
dernières années avant l'étude);
- L'élimination des subventions entraîne alors
une réduction de l'offre mondiale d'exportation car les exportateurs
auparavant subventionnés ne toucheront plus que le prix mondial
(déplacement vers le haut et vers la gauche de la courbe d'offre
d'exportation);
- Un nouveau prix d'équilibre- plus élevé
que le précédent- s'établit ainsi sur le
marchémondial, en fonction de la demande mondiale et de la
nouvelle offre ;
-Les quantités et le prix d'équilibre sont ensuite
calculés algébriquement en résolvant simultanément
les équations d'offre et de demande mondiales.
Cette démarche a l'avantage de la simplicité.
Elle permet en outre- ce qui fait l'objet de l'étude- d'évaluer
quantitativement les gains potentiels en recettes d'exportation pour un groupe
de pays considéré.
Les simulations effectuées avec le modèle
donnent, suivant les élasticités d'offre et de demande retenues
une augmentation de l'indice A de Cotlook (indicateur du marché mondial
des prix du coton) de l'ordre de 2, 9 à 13,4% et un gain de recettes
d'exportation.
Ainsi pour (Eo= 0.5 et Ed= -0,1) on note une augmentation de
l'indice A de 12% et des recettes d'exportation de 250 millions de dollars sur
la période 1997/1998- 2001/2002.
Cependant plusieurs limites sont inhérentes à ce
genre d'analyse, entre autres :
- comme toute approche d'équilibre partiel, elle repose
sur l'hypothèse ceteris paribus et néglige de ce fait les autres
marchés, en particulier celui des produits concurrents du coton comme
les fibres synthétiques -;
- les résultats obtenus reposent essentiellement sur
les élasticités d'offre et de demande retenues. Une façon
intéressante de procéder consiste à les estimer
économétriquement. Faute de procéder à une telle
estimation, l'auteur retient plutôt les valeurs allant de 0,15 à
0,90 pour l'élasticité de l'offre et de -0,05 à -0,6 pour
la demande. Bien qu'évitant les restrictions théoriques
également inhérentes à l'économétrie- comme
la formulation d'hypothèses sur les élasticités-, la
démarche de l'auteur reste néanmoins sujette à critique
dans la mesure où la même valeur de l'élasticité est
retenue pour les pays.
Pour certains auteurs, l'utilité scientifique d'un
modèle est déterminée par sa capacité à
faire des prédictions qui seront après confrontées
à la réalité. Pourtant les prédictions du
modèle Goreux (2003) telles qu'elles se tiennent sont difficiles
à tester. En ce sens qu'elles réclament que les pays riches
acceptent d'éliminer leurs subventions, ce qui n'est pas sur le point
d'être observé maintenant. C'est cette situation qui amène
certains auteurs dont notamment Benjamin Shepherd à dire que
l'étude de Goreux n'est pas empirique dans un sens réel, mais
elle est plutôt une traduction de la théorie à
l'algèbre et finalement aux nombres.