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Le "mouvement du 20 février" au Maroc, une étude de cas de la coordination locale de Rabat

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par Romain Chapouly
Institut d'études politiques de Lyon - Master 2 2011
  

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6) Tansikiyate et démocratie horizontale : nécessité ou projet ?

Il nous reste à évoquer le fonctionnement des tansikiyates du 20 février, et notamment celle de Rabat. Rappelons que le mouvement s'est organisé de telle sorte qu'une prise de pouvoir par une force politique particulière soit rendue impraticable. Premièrement en refusant l'existence d'une entité représentative du mouvement au niveau nationale (principe d'autonomie et de décentralisation), deuxièmement en n'acceptant la représentation d'aucune structure dans le mouvement (les militants investissent le 20 février en qualité de « citoyens »), et troisièmement en interdisant l'usage du vote en AG.

Alors que les manifestations dominicales de Rabat rassemblent un cortège composé en moyenne de 2000 personnes (sur le base de nos observations faites entre juin et juillet) et un éventail d'âge très large, les assemblées générales (AG), quant à elles, ne sont composées que d'une soixantaine de personnes dont la moyenne d'âge se situe entre 16 et 35 ans. Ce « jeunisme » caractéristique des AG provient de la volonté initiale des fondateurs de créer un mouvement dirigé par la « jeune génération », perçue, à tort ou à raison et en tout cas sous l'influence directe des événements tunisien et égyptien, comme la population la plus apte à changer le système. Révolutionner le régime suppose en effet de changer au préalable les méthodes de lutte et le personnel préposé à cette lourde tâche. La virginité supposée de la jeunesse serait donc cette qualité indispensable pour se débarrasser en premier lieu des obstacles idéologiques et méthodologiques imbibant la culture de l'ancienne génération de militants. Cette exclusivité du pouvoir décisionnel réservée à la jeunesse a justement produit la dichotomie du mouvement décrite plus haut (un mouvement de jeunes épaulé par un comité d'appui). Mais ce monopole du pouvoir par la jeunesse relève de l'accord tacite avec les structures associatives et partisanes et leurs dirigeants, et ne repose pas sur des règles précises (il n'y a pas de chasse au vieux, ni de filtrage au faciès !). A ce propos, il faut bien le dire, quelques rares individus présents dans les AG contrarient la juvénilité d'usage, puisqu'il arrive en effet que quelques quadragénaires investissent parfois les lieux.

Depuis le début du mouvement du 20 février, l'assemblée générale de ses membres est l'instance où se prennent les décisions. Celles-ci concernent essentiellement l'organisation des manifestations et des divers rassemblements publics hebdomadaires, la composition des comités (comité de manifestation, de communication, de slogans, de veille...), ainsi que les grandes lignes stratégiques à adopter. Le plus souvent en AG les militants s'accordent sur un programme de manifestations mensuel, que les comités sont chargés de rendre effectif.

Dans les premières semaines de la mobilisation, les AG de la coordination de Rabat ont lieu au siège de l'AMDH, mais plus tard d'autres lieux vont servir de QG pour les assemblées du mouvement, comme le siège du syndicat UMT ou celui de la CDT, tous deux situés au centre ville de Rabat. Après les manifestations de rue, l'AG est le deuxième lieu où se rencontrent les militants. Un troisième lieu de rencontre militante est à mentionner. Ce troisième espace de rencontre équivaut à la face immergée de l'iceberg févriériste : le lieu pluriel des rencontres informelles. En effet ce troisième lieu est celui où les militants de chaque tendance se rencontrent pour discuter dans un « entre soi » des modalités stratégiques, des opportunités politiques, ou simplement faire des bilans et réfléchir ensemble sur les aspects positifs et négatifs qui se dégagent des événements. Ce sont aussi des moments où l'on essaye de convaincre en aparté untel ou untel de choisir telle ou telle position, de souscrire à telle ou telle tendance qui se profile au sein du mouvement. Bien que ce soit des moments inidentifiables et des lieux imprécis, tout à fait informels, ils sont cruciaux pour les militants févriéristes. Ils y trouvent en effet de quoi échanger et exprimer ce qu'ils ne peuvent faire en AG pour cause de bienséance (les AG sont des espaces décisionnels fragiles, un mot de trop, un faux-pas et l'ont peut facilement, en heurtant une sensibilité, bloquer le mouvement). C'est ainsi que les cafés populaires du centre ville font bien souvent office de lieu de rendez-vous pour les groupes de militants. Le café de l'hôtel Balima, exactement en face du Parlement, est particulièrement fréquenté par les militants du 20 février. Les terrasses de ce café accueillent quotidiennement des groupes de jeunes militants qui semblent s'agrandir au fil des heures et palabrer infiniment, commentant la presse, la prochaine manifestation où la dernière AG.

Alors que pendant les manifestations tout est réglé à l'avance, et tout semble se dérouler
comme un rituel répétitif, les AG sont bien plus anarchiques, bruyantes et

cacophoniques parfois. Si la manifestation est le lieu où tout le monde est unanime et synchrone, l'AG est celui où la divergence règne mais où tout le monde doit finalement parvenir à se mettre d'accord. C'est donc un lieu où l'on fabrique du collectif, et où bien souvent on s'évertue plutôt à le réparer, à rafistoler les points d'accrochage. Si l'adhésion collective est l'objectif final, celle-ci ne s'obtient pas sans épreuves tumultueuses. L'absence de l'usage du vote comme outil de décision rend le processus de mise au diapason collective lent et laborieux. La modalité choisie est celle de l' « unanimité sans vote », c'est-à-dire que l'AG ne finit que lorsque la totalité des membres s'accordent sur les thématiques mises à l'ordre du jour (l'ordre du jour étant décidé en début d'AG). Un bureau chargé de superviser l'AG est mis en place au tout début de celle-ci, et une personne en particulier (le modérateur) est chargée à chaque AG de distribuer la parole et de veiller à ce que les temps de parole ne soient pas dépassés. En général une minute de parole est accordée à chacun des militants désirant intervenir sur les sujets soulevés. A raison d'une cinquantaine de participant en moyenne dans les AG de Rabat, dont le tiers prend en général la parole (dépassant évidemment à chaque fois la minute allouée) et sur trois, quatre ou cinq thématiques différentes ; sans compter les tours de paroles qui suivent les décisions, le déroulement d'une AG est nécessairement très long. A titre d'exemple l'AG du 25 juillet, particulièrement houleuse à cause d'une dissension interne liée à des accusations mutuelles d'instrumentalisation, a rassemblé une soixantaine de personnes et a duré plus de cinq heures (de 18h à 23h environ, au siège de l'UMT).

A l'intérieur de ces AG, le participant a indéniablement l'impression de peser dans la décision, d'être un élément important car toujours capable de provoquer une instabilité, et non d'être un participant auxiliaire dont le principal rôle serait d'avaliser des décisions qui sont prises de toute façon ailleurs et qui ne souffrent d'aucune possibilité de remise en cause. Cette instabilité, toujours susceptible d'être causée par un élément isolé, génère cette responsabilité éprouvée collectivement. Par ailleurs plus l'organisation grandit et prend en cohérence, plus l'individu participant gagne en importance en devenant l'architecte indissociable de cette mise en cohérence collective. Il serait illusoire de croire que les AG mettent tous les participants d'accord, au regard du large spectre idéologique que connaît le mouvement, cela relève de l'utopie. Simplement il y a, fortement présente, une culture du compromis qui, posée en postulat de la stabilité du mouvement, invite les militants à composer avec les desiderata de

chacun. Le consensus et les facilités décisionnelles sont rendus possibles par une forte adhésion individuelle et par un moment très porteur, celui du contexte du printemps arabe. Nous ne sommes pas dans l' << affirmation de soi », mais dans la mise à disposition de soi (de ses compétences, de ses réseaux) au sein d'une action collective locales aux visées nationales, et dont les perspectives sont incertaines. Les mêmes personnes, un an plus tôt, n'auraient sans doute jamais pu se mettre d'accord sur des questions qui sont actuellement tranchées aujourd'hui. C'est un moment de syncrétisme dans le champ contestataire marocain, et dont les jeunes militants sont les artisans moteurs. Evidemment cette culture du compromis ne règle pas tout, les divergences apparaissent tout de même de manière récurrente.

La modalité décisionnelle adoptée par les coordinations, souvent érigée en emblème comme l'incarnation de la forme démocratique optimale, semble pourtant au final moins voulue que subie. L'acéphalie et l'horizontalité sont toutes deux avancées comme les éléments centraux de l'identité du 20 février, comme autant de signes ostensibles marquant la rupture avec les façons de faire bureaucratiques et inégalitaires prévalant dans les partis, mais en réalité ces éléments idéalisés sont surtout des pis-aller. Il s'agit davantage d'un fonctionnement minimaliste visant avant tout à préserver la virginité idéologique du mouvement des prédations partisanes et de l'influence du nombre présagé de chaque tendance, que d'une pure volonté de dépasser une modalité démocratique considérée comme désuète. Il y a en effet dans ce processus horizontal qui se veut démocratique, une évidente part d'arbitraire et d'inégalité d'accès à la décision. Comme le formulent pertinemment P. Corcuff et L. Mathieu << se réclamer d'un fonctionnement « horizontal » et « en réseau » ne suffit pas à garantir l'égal accès de tous à la prise de parole et à la décision, lesquelles ont toutes les chances d'être réservées aux seuls individus disposant d'une compétence militante suffisante pour se sentir autorisés à intervenir dans les débats et, ce faisant, de produire des rapports de dépossession et de domination d'autant plus efficaces qu'ils sont niés »45. Le pouvoir existe toujours, on peut le diluer mais pas l'abolir. Le mouvement du 20 février est en train d'expérimenter dans un même moment l'alternative au pouvoir et ses limites organisationnelles. Partout où l'on souhaite échapper aux problématiques liées à la

45 Corcuff Philippe et Mathieu Lilian , Partis et mouvements sociaux : des illusions de « l'actualité » à une mise en perspective sociologique , Actuel Marx, 2009/2 n° 46, p72

question du pouvoir (comme structure opérationnelle et doctrinale) celles-ci reviennent en force immanquablement et peut-être plus violemment.

Chaque AG est une sorte d'enceinte où les paroles militantes expertes rivalisent de formules pour emporter l'adhésion du grand nombre, les corps et les paroles charismatiques s'incarnent chez des leaders que tout refuse à reconnaître comme tels. Alors que les militants en herbe tentent de donner une tournure performative à leurs paroles, que l'horizontalité démocratique du mouvement leur autorise presque. L'AG de Rabat du 25 juillet (au siège de l'UMT) est emblématique de cette théâtralisation des paroles et des corps. Effet cathartique peut-être de cette agora où l'on donne en spectacle la dissension dans une sorte d'intrigue en attente de sa résolution annoncée. Axée ce jour là sur la problématique de l'indépendance du mouvement, la polémique qui remplit la salle suit la tenue de réunions organisées à la seule initiative d'al-Adl et d'Annahj, suspectés de vouloir court-circuiter les décisions prises lors de l'AG du 11 juillet, qui disposait notamment de l'organisation de la prochaine manifestation en date du 31 juillet. Dans leur volonté d'occuper un maximum l'espace public, certains militants de la coordination de Rabat en désaccords avec ces positions organisent deux AG (le vendredi 15 juillet et le lundi 18) toutes deux boycottées par une grande partie des févriéristes de Rabat continuant, quant à eux, de se référer aux décisions initiales du 11 juillet. Ce lundi 25 juillet, après deux manifestations (17 et 24 juillet) auxquelles a participé massivement la coordination de Salé, et qui ont été boycottées par beaucoup de militants de la coordination de Rabat, l'heure est au règlement de compte. L'AG qui débute fait apparaître au grand jour les différences idéologiques et stratégiques, qui naguère n'étaient qu'en suspend, pudiquement cachées derrière un voile de bienséance. Au bout d'une heure le ton monte, on s'échauffe de toutes parts. Le modérateur de la séance, à la manière d'un chef d'orchestre faisant face à une mutinerie de musiciens, s'égosille au milieu de l'auditoire, tente de faire taire les bavards, et de faire cesser les imbroglios. On accuse ici les leaders « autoproclamés » de prendre des décisions individuelles (O. Khlifi, militant de Salé qui est la coqueluche de la presse, avait fait la veille une déclaration à titre individuel qui engageait le mouvement dans son ensemble alors qu'aucun membre n'est autorisé à prendre des décisions individuelles au nom du 20 février). On accuse ailleurs des groupes de vouloir secrètement récupérer le mouvement par quelques pernicieuses combines. Certains pointent du doigt les islamistes d'al-Adl wal-Ihssan, les accusant de vouloir utiliser la coordination de Salé

pour influer sur les décisions de Rabat et de pousser à la provocation du régime. Les islamistes accusent les « athées » du MALI de vouloir étouffer la présence et les sacrifices concédés par les adlistes, afin de garantir une essence laïciste au mouvement. Certains veulent multiplier les sorties publiques du mouvement, augmenter la pression sur le régime quand d'autres militants (indépendants en l'occurrence) veulent impérativement une clarification des positions du mouvement avant l'organisation d'une manifestation supplémentaire. On en vient parfois aux mains, on s'attrape par le col à quelques reprises, front contre front on essaye d'intimider les rivaux du regard. Et puis contre toute attente tout finit bien, peu à peu tout s'apaise, les énervés vont prendre l'air, on se met à rire et à se prendre par l'épaule, on se tempère, quelques individus viennent calmer l'assistance et les camarades encore campés sur leurs positions. Et finalement la coordination réunie en AG finit par prendre des décisions pour que la réunion se termine au bout de cinq heures : On annonce une manifestation prévue pour le 31 juillet, un communiqué de presse pour le mercredi 27 juillet (que le comité de communication sera chargé de rédiger), et un programme spécial pour le mois du Ramadan (qui advient en août) basé sur des rassemblements publics réguliers après l'iftar et la tarawih.

Ainsi dans le mouvement du 20 fevrier, il y a toujours des modalités décisionnelles, mais celles-ci reposent sur quelque chose qui ne suffit jamais par lui-même : l'échange, la transparence et la confiance. Sans dispositif contraignant, une structure peut vaciller rapidement, car elle est tiraillée par des forces qui ne disent pas leur nom (la paranoïa peut s'installer et remplacer la confiance). Une petite défaillance dans le système tacite, peut provoquer de grands dommages pour la stabilité du mouvement (comme l'illustrent l'AG du lundi 11 juillet et celle du 14 juillet).

La question du leadership du mouvement du 20 février est un autre grand thème dont il faut dire quelques mots. Cette question a fait couler beaucoup d'encre dans la presse marocaine, nourrissant autant de questions légitimes que de fantasmes. Dans une société marquée par la force d'attraction de personnages charismatiques, où le pouvoir s'incarne et s'illustre par des visages, l'acéphalie du mouvement du 20 février provoque l'incompréhension voire le soupçon. Deux exemples tirés des événements orchestrés par le mouvement du 20 février peuvent être mis en exergue pour illustrer la manière dont l'impératif de l'acéphalie et la lutte contre les ambitions individuelles est gérée.

Saïd Benjebli, est un jeune militant marocain, ancien détenu et ancien militant d'al-Adl wal-Ihssan, et qui a fait parti des premiers cercles de févriéristes. Alors qu'il s'imposait comme une des figures motrices du mouvement, il a lancé le 17 avril de sa propre initiative un appel à constituer un mouvement structuré au niveau national et dont manifestement il briguait le leadership. Son initiative a été condamnée sans appel par les coordinations du 20 février, et il s'est soudainement retrouvé tout seul, interdit de prise de parole dans les AG, et désormais décrédibilisé. Une sanction qui est tombée comme un avertissement pour les éventuelles tentatives individuelles de court-circuiter les instances collectives dans le but avoué ou non de prendre le contrôle du mouvement. Un autre exemple d'application des règles « anti-césaristes » du mouvement se présente le dimanche 26 juin pendant une manifestation à Rabat. Alors que la police bloque le cortège dans l'avenue Mohamed V, Abdelhamid Amin, figure charismatique de l'AMDH et d'Annahj Addimocrati, prend subrepticement la parole au mégaphone et à gorge déployée appelle à un sit-in. Les jeunes militants févriériste de la coordination de Rabat lui reprocheront plus tard ce vieux réflexe de leader, dont F. Vairel nous explique les usages46, mais qui n'a plus court sous les drapeaux du 20 février. Les jeunes de la coordination sont attachés à ce que ce soit eux qui prennent les décisions et les initiatives pour parler en public dans les manifestations organisées par le 20 février. Bien d'autres litiges liés au leadership sont apparus au cours de la mobilisation et pourraient être mentionnés. Mais si les ambitions individuelles de certains sont avérées, la paranoïa du mouvement l'est aussi certainement, causée par l'ambiguïté même de son fonctionnement. Rien ne permet véritablement à l'intérieur d'un mouvement qui postule l'autogestion et la démocratie directe, de distinguer l'inévitable part du quiproquo ou de la maladresse (dans ce contexte de flou réglementaire) de celle de l'instrumentalisation délibérée.

On le voit, la démocratie directe et l'organisation horizontale du mouvement sont autant d'éléments structurant l'identité du collectif févriériste que des instruments servant de palliatifs à son manque d'homogénéité idéologique et stratégique parmi ses membres, et pouvant bien souvent se retourner contre l'efficacité même du mouvement.

46 Vairel Frédéric, L'ordre disputé du sit-in au Maroc, Genèses, n°59, 2005/2, p 47-70

Fouad Abdelmoumni résume bien la tension présente au sein du 20 février entre ce désir de construire des alternatives politiques et l'impératif de baser la mobilisation sur des modalités d'action efficientes, des principes crédibles et un collectif solide. « On a besoin d'agoras dans lesquelles l'essentiel est la prise de parole, la libre expression individuelle, dans un cadre horizontal où chaque parole de citoyen compte de manière égale. Mais il serait naïf de prétendre que la gestion d'une lutte sévère pour changer une telle situation politique puisse se faire sans des organisations solides et structurées. Les coordinations sont nécessaires, mais ce n'est pas suffisant. Il faut des organisations qui transcendent le local. Et cela ne se fera pas sans l'implication des forces sociales traditionnelles. Il faut des espaces de délégation, il faut que des grandes décisions puissent se prendre à la majorité. L'organisation actuelle du 20 février n'est pas une modalité optimale de la démocratie. Mais il y a un processus d'apprentissage à l'oeuvre, et donc un processus de fabrication du collectif où on commet des erreurs, car l'apprentissage c'est faire des erreurs et les corriger >> 47

Ainsi contrairement à son intention initiale le mouvement du 20 février a davantage pris la forme d'un mouvement de << militants >> que de << citoyens >>, dans le sens où des militants, certes jeunes mais déjà positionnés, sont venus investir un créneau protestataire rendu possible par les échos familiers provenant de Tunisie et d'Egypte. En voulant reconstituer les éléments ayant prouvé leur efficacité chez les pays voisins, le mouvement a certes réussi à s'égrainer sur l'ensemble du territoire marocain, et a inauguré indubitablement un renouveau des formes de mobilisations protestataires, en s'émancipant des structures et des modalités opératoires traditionnelles, mais cependant sans jamais réaliser la massification attendue, l'avènement d'une volonté générale aussi crédible que celles observées dans les cas tunisien et égyptien. Fouad Abdelmoumni résume ainsi la situation actuelle et les perspectives de mutation : << L'objectif sera désormais de transcender totalement la petite minorité agissante, car si le mouvement ne dépend que des militants « professionnels », il y a de fortes chances pour qu'il stagne et s'empêtre dans les rivalités, réduisant inévitablement sa force de frappe et sa capacité d'influencer l'orientation des réformes à venir ».

47 Interview de Fouad Abdelmoumni, militant de l'AMDH et membre du comité national d'appui, réalisée à Rabat le 15 juillet 2011

Enfin il faut signaler que l'idée initiale d'appeler le citoyen à prendre en charge son avenir et en insérant le mouvement dans une logique << localiste », a réveillé au bout de quelques mois de mobilisation, quelques << structures endormies » dans le corps social. A Rabat la réactivation par la coordination du 20 février des << comités de quartier » dans les zones les plus défavorisées de la ville, est sans doute le signe que des mutations du mouvement et des formes d'adaptation aux contraintes et aux limites des actions jusque là menées, sont en marche. Un travail d'observation et d'analyse reste à mener dans ce domaine.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein