2) Mo, militant USFP dissident
Mo fait parti des militants de la jeunesse USFP de Rabat, il a
rejoint très tôt les rangs du 20 février65 et
s'est rapidement imposé comme un cadre essentiel de la coordination de
Rabat, ses qualités orales et le mélange de détermination
et d'humilité bienveillante lui valent une sympathie particulière
au sein du mouvement du 20 février. En plus d'être un membre
éminent de la section jeunesse du plus grand parti de la gauche
marocaine, ce qui lui vaut d'être entouré d'un réseau
étoffé, il cultive en même temps un regard
extrêmement critique à l'égard de la direction du parti.
C'est d'ailleurs une des marques
65 Le groupe << USFPistes du 20
février » est créé le 19 février, à la
veille de la manifestation nationale. Ce groupe rassemble 540 jeunes dans tout
le Maroc (selon les chiffres recensés lors d'une rencontre nationale en
avril 2011) et une quarantaine d'individus à Rabat.
saisissantes d'une partie de cette jeunesse ittihadie
engagée dans le mouvement du 20 février que d'avoir coupé
les liens avec l'appareil tout en continuant de se réclamer du parti. En
effet les jeunes militants de l'USFP sont nombreux et pèsent
énormément sur la nouvelle scène politique qui s'ouvre
à partir de la date du 20 février 2011. Plusieurs fois,
investissant massivement les AG pour faire basculer les décisions, ils
ont créé le doute et divisé le corps militant de la
section de Rabat. Jusqu'à ce que la décision soit prise que le
groupe des ittihadis clarifie leur position par rapport à la
mobilisation et le sort à réserver au référendum
constitutionnel. Mo a été l'artisan de la création du
groupe des « févriéristes ittihadie >> qui au moment
de la campagne référendaire s'aligne sur la position commune du
mouvement du 20 février appelant au boycott, contrairement au mot
d'ordre du parti appelant quant à lui à voter « oui >>
le 1er Juillet. Entre le 20 et le 21 juillet, une majorité de
la jeunesse USFP choisit de se positionner en défaveur du projet
constitutionnel, dans la foulée un communiqué est sorti pour
appeler au boycott. Dés lors la jeunesse USFP s'est retrouvé
scindée en deux : ceux qui donnent un blanc-seing au mouvement et qui le
suivent dans ses décisions (au mépris de la ligne du parti) et
ceux qui se trouvant par trop distants des options choisies s'en
écartent quelque peu, sans rejeter le mouvement pour autant. Toujours
est-il que c'est le côté « militant dissident >> qui
offre à Mo une légitimité que n'ont pas ses camarades plus
orthodoxes. Quant à l'appareil, il n'a pas réagi et a
préféré garder le silence face à cette mutinerie,
sûrement par peur de commettre une erreur supplémentaire. Et puis
il faut préciser qu'en prenant cette décision les jeunes
ittihadis se référent à une décision prise lors du
8ème congrès du parti qui appelle à la création
d'une réelle monarchie parlementaire, objectif qu'ils estiment
impossible à réaliser compte tenu des dispositions du nouveau
projet et surtout des conditions de son élaboration.
Mo nourrit des sentiments contradictoires envers son parti.
Pour lui l'USFP, c'est le parti de gauche qui sait allier l'esprit de la
justice sociale avec le pragmatisme. C'est aussi et surtout une affinité
historique qui donne cet attrait à l'USFP, car en effet l'USFP est pour
Mo le parti historique de la gauche marocaine, celui qui longtemps a
reçu le plus grand soutien dans l'opinion, notamment grâce
à des figures charismatique tel qu'Abderrahim Bouabid. Mais la grandeur
passée du parti qui suscite chez Mo cette fidélité
n'efface pas pour autant les tares présentes. Pour Mo le parti
d'aujourd'hui est dans l'impasse depuis qu'il a congédié la
politique de proximité des masses pour souscrire à la
stratégie des notables, qui offre au parti des places d'élus par
le biais du
réseautage et de l'influence nobiliaire, plutôt
que par l'adhésion populaire à un projet politique. La
défaite électorale du parti aux législatives de 2007, est
selon Mo le symptôme des ces changements structurels qui, dans un
contexte de défection généralisée pour la chose
politique, érodent l'adhésion du peuple pour les projets
alternatifs aux « gouvernements d'administration » (au Maroc les
gouvernements sont « fantoches » dans le sens où ils servent
de paravent, avalisant tout ce qui vient du Palais et portant le chapeau pour
lui en cas d'échec). L'expérience de l'alternance politique de
1998 avec l'arrivée à la primature du secrétaire
général de l'USFP, A. Youssoufi, a été
traumatisante, et selon Mo on ne peut comprendre l'opiniâtreté du
mouvement du 20 février et son refus catégorique du compromis
avec le pouvoir si l'on ignore l'intensité du choc subi par le
militantisme de gauche après l'échec de Youssoufi. L'année
1998 est pour Mo une victoire décisive du Makhzen sur les forces
d'opposition, le régime n'a fait aucune concessions véritables,
alors qu'en revanche il a créé les conditions du discrédit
des projets d'alternatives en donnant à la gauche un semblant de
pouvoir. L'expérience du gouvernement d'alternance fonctionne pour la
jeune génération de militant comme un épouvantail, en tant
qu'il est l'illustration parfaite de ce qu'il ne faut pas faire :
considérer le makhzen comme un interlocuteur.
Il milite au sein de l'USFP depuis 2006, l'année de son
baccalauréat, et a occupé le poste de secrétaire
général de la jeunesse ittihadie de Salé. Son milieu
familial est fortement politisé et lié à l'USFP. Ses
parents, tous deux instituteurs, ont été des militants du parti,
bien que son père ait rejoint dernièrement le «
congrès national ittihadie », qui est une branche dissidente de
l'USFP située plus à gauche. Mo s'amuse à dire qu'il est
plus modéré que son père, ce qui est
généralement le contraire dans les représentations
communes. Durant son parcours militant il multiplie les expériences
professionnelles qui le dotent d'une compétence croissante et d'un
réseau. Il fait quelques piges au journal Libération (proche de
l'USFP) et y fait l'expérience de la censure. Il rejoint aussi le monde
associatif par le biais du FMAS66 et de sa branche « ejoussour
» chargée de rendre visible et de documenter les initiatives
provenant de la société civile et des mouvements sociaux. Il a
également été chargé de communication à la
fondation Abderrahim Bouabid de Salé. Mais ces 5 ans de vie militante
l'ont amputé d'un investissement scolaire plus conséquent. Son
militantisme n'est pas infaillible, et il
66 Forum des alternatives Maroc, créé
par Kamal Lahbib
avoue lui-même ne pas voir son engagement dans une
perspective de carrière. D'ailleurs et quoiqu'au sommet d'une gloire
militante avec le 20 février, il prévoit de s'éloigner
quelques temps de la scène politique et reprendre ses études,
qu'il envisage même de faire à l'étranger.
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