2 - Acides du rumen
La dégradation des glucides alimentaires sous l'action
des microorganismes (fermentation), conduit à des acides qui
diffèrent en fonction des substrats fermentés et des conditions
du milieu.
La fermentation de la cellulose conduit aux acides gras
à chaîne courte (= acides gras volatils = AGV), utilisés
par le ruminant comme nutriments, et habituellement considérés
comme non dangereux, car la cellulolyse ne s'accompagne pas de baisse excessive
du pH .En réalité, ceci résulte à la fois de la
vitesse de réaction, relativement lente, surtout s'il s'agit de
celluloses fortement incrustées de lignine,et de l'étroite
association qui existe entre la digestion de matériaux cellulosiques et
la
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stimulation salivaire qui assure un apport de bicarbonates
concomitant de cette digestion, et donc la neutralisation immédiate des
acides lors de leur apparition.
La fermentation de l'amidon a été à juste
titre associée au risque d'acidose, car la réaction évolue
beaucoup plus rapidement, donne naissance à une forte proportion d'acide
lactique, moins rapidement métabolisé, et suit souvent un mode
irréversible .Induite par des matériaux à faible
fibrosité, elle ne s'accompagne pas d'une forte stimulation salivaire et
de l'apport de bicarbonates au rumen.
3-Complications infectieuses et locomotrices
Les dommages causés à la paroi ruminale,
l'inflammation et l'infection qui en résultent permettent aux
bactéries et/ou endotoxines d'entrer librement dans la circulation
sanguine et d'entraîner respectivement des complications d'ordre
infectieux ou locomoteur pour ne citer que les plus probables.
Les abcès hépatiques sont la première
complication infectieuse fréquemment associée à la
ruminite surtout chez les taurillons et les agneaux à
l'engrais (Espinasse et al 1995). Les bactéries
pathogènes colonisant la paroi ruminale passent dans la circulation
porte pour gagner le foie. L'infestation et la multiplication des germes dans
cet organe conduit à la formation d'abcès (Nagaraja et Chengappa
1998). Pour des formes sévères d'acidose, les bactéries
pathogènes peuvent dépasser la barrière du foie et
être relâchées dans la circulation générale.
Elles peuvent alors coloniser massivement d'autres organes (poumons, coeur,
reins, articulations) et provoquer des abcès disséminés
difficiles à diagnostiquer avant la mort (Nocek 1997, Oetzel 2000,
Enemark et al 2002).
Des troubles locomoteurs d'origine non infectieuse comme la
fourbure peuvent être associés à l'acidose ruminale quelle
que soit sa forme. Très douloureuse, la fourbure entraîne des
lésions à l'origine de boiteries. Même si la fourbure est
d'origine multifactorielle, la relation entre fourbure et l'acidose a
été mise en évidence et dépendrait de la teneur en
amidon de la ration (Nocek 1997). Elle serait largement favorisée par
certaines conditions de logement (sol dur tel que le béton)
(Brugère 2003). Ces problèmes de fourbure peuvent
apparaître plusieurs semaines à plusieurs mois après un
épisode d'acidose ruminale. Les différentes substances
vasoactives (histamine, endotoxines) libérées dans le rumen et
absorbées dans la circulation sanguine induisent des perturbations de la
vascularisation à l'intérieur du pied (vasoconstrictions,
ischémies) et une inflammation qui altèrent la production et la
qualité de la corne. Ceci constitue la première phase d'un
enchaînement pathologique aboutissant à la fourbure et qui a
été largement décrit dans la revue de synthèse de
Nocek (1997).Récemment, une bactérie autochtone (Allisonella
histaminiformans) a été identifiée comme étant
fortement productrice d'histamine à pH acide et incriminée dans
le développement des fourbures (Gardner et al
2004). Chez le cheval, une toxine libérée
par S. Bovisserait à l'origine de l'altération de
l'intégrité des sabots (Mungall et al 2001).Cette
théorie n'a pas encore été évaluée chez le
ruminant mais mériterait d'être étudiée sachant que
les bactéries amylolytiques telles que S. Bovis se
développent au cours de l'acidose latente.
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4 - Dissémination toxique, fourbure.
Le rumen est la source, en plus des germes pyogènes, de
facteurs pathogènes de nature humorale, qu'il s'agisse de petites
molécules comme l'histamine, ou de produits plus complexes tels que les
toxines bactériennes, en particulier les endotoxines. Ces produits sont
tenus pour responsables du développement de lésions podales qui
apparaissent comme une complication fréquente de l'acidose du rumen. Ces
troubles sont désignés sous le nom de fourbure, et anatomiquement
sous-tendus par une inflammation des lames du tissu podophylleux (Figure
12), d'ou le terme de «laminite» donné par les
anglo-américains ou, au plan terminologique, la «pododermatite
aseptique diffuse». Dans ce vaste syndrome que constituent les troubles
podaux, l'acidose est l'un des facteurs pathogènes, parmi beaucoup
d'autres, qui constituent des facteurs de risque largement suffisants pour
induire ces mêmes troubles en l'absence d'acidose. C'est donc dire que si
l'association de l'acidose et de la fourbure est fréquente, elle n'est
pas pour autant obligatoire.
La fourbure des bovins a été reconnue de longue
date et divisée initialement en une fourbure aiguë, avec
congestion, hémorragie, thrombose et oedème dans le pied et les
tissus environnants, et une forme chronique avec des modifications similaires
mais plus sévères concernant la compression des tissus
kératogènes. Le tissu laminaire est compressé par le
développement d'un tissu fibreux entre les lames et la corne.
· Mécanismes
Selon Nocek [20], on peut distinguer 4 phases:
Phase 1 :
vasculo-hémorragique
L'acidose ruminale et l'acidose plasmatique qui en
résulte produisent des modifications vasculaires (Figure 13). Les agents
vasoactifs libérés (histamine, endotoxines) produisent des
variations vasomotrices, ouvrent des shunts artérioveineux, et
accroissent la pression sanguine dans les tissus. La transsudation plasmatique
produit de l'oedème, et progressivement les vaisseaux sont
altérés, d'où l'apparition d'hémorragies et de
thromboses dans la membrane kératogènes de la sole.
L'oedème du tissu épithélial et son expansion produisent
une douleur sévère.
Phase 2 : ischémique
La première phase a déclenché une
lésion mécanique et des modifications vasculaires. Une fois que
l'oedème s'est installé, il se produit une ischémie des
tissus mous internes au sabot, conduisant à l'hypoxie, à la
baisse de l'apport des nutriments. L'ischémie elle-même peut
déclencher un renforcement des shunts artério-veineux.
Les évènements initiaux continuent
(élévation de la pression sanguine et transsudation vasculaire)
et se renforcent de manière cyclique.
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Phase 3 : lésion
épithéliale
Les lésions mécaniques et l'état
d'ischémie conduisent à une atteinte de l'épiderme, y
compris de la couche germinative.
Cela conduit à la rupture de la région des lames
à la jonction entre derme et épiderme
Phase 4 : modifications
Dans l'épithélium, il se produit une
séparation entre la basale et la couche germinative, suffisante pour
libérer la troisième phalange de sa fixation au sabot,
d'où un déplacement et un changement de rapport entre ces deux
éléments. Lorsque l'os change de position, il cause la
compression du tissu compris entre l'os et la sole, tissu très sensible
à la compression, d'où une hémorragie, une thrombose
et l'accroissement ultérieur de l'oedème et de
l'ischémie et la création d'un foyer nécrotique dans la
région de la sole. Des petites zones de tissu cicatriciel se
constituent, mais sans permettre de réparation définitive. Le
processus une fois commencé se perpétue car l'incorporation de
débris cellulaires conduit à la formation d'une corne de mauvaise
qualité.
Finalement, d'autres anomalies se produiront, telles les
hémorragies de la sole, la création de doubles soles, des
contusions, des lésions diffuses et la déstructuration par
effritement de la sole.
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