WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'administration de mission en droit burundais: cas de la Commission Nationale des Terres et autres Biens (C. N. T. B. )

( Télécharger le fichier original )
par Emmanuel NIYOMWUNGERE
Université du Burundi - Licence 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

E. LL11 Ll13 INIsLCARACAeLIpnpADl

Malgré le soutien et bien d'autres opportunités, force est de constater que la C.N.T.B. a réglé une infime partie de litiges par rapport aux dossiers reçus, à la fin du délai légal de son premier mandat.

Les principaux obstacles à son succès se révèlent être le volume élevé des dossiers à traiter, surtout avec le retour massif des réfugiés et déplacés; l'exiguïté des terres; la complexité de certains de ces dossiers; le manque de

212 Article 15 de loi n°1/17 du 04 septembre 2009 précitée

213 G. WAKANA, op.cit. , p.30

214 On signalera que cette loi est passée deux fois successives au Parlement avant d'être promulguée à cause des débats autour de cette disposition

témoignages dans certains cas impliquant les sinistrés de longue date; et les manoeuvres dilatoires de certaines personnes. A cela s'ajoute le fait qu'en ces derniers jours, les moyens financiers commencent à tarir215.

Le caractère étendu de la compétence matérielle de la C.N.T.B. qui couvre tous les biens détruits ou volés au Burundi du fait de la guerre a entraîné des effets fcheux sur l'accomplissement du mandat de la C.N.T.B. Elle s'est vite vue débordée par le nombre trop élevé de dossiers relatifs surtout aux « autres biens », étant donné que la quasi-totalité des ménages burundais ont été privés, chacun d'au moins un bien du fait des différentes crises qu'a connues le pays. Elle réclame aujourd'hui l'organisation d'un atelier national216ayant pour objectif de discuter et de dégager des solutions à cette question ainsi que d'autres notamment celle de l'indemnisation des sinistrés.

De même, l'Etat ne dispose pas d'assez de terres à octroyer aux sinistrés qui n'ont pas pu être rétablis dans leurs droits fonciers. Pour le Gouvernement, la solution privilégiée est le partage de la propriété foncière de l'occupant actuel. Cette mesure est de nature à attiser le conflit. En effet, d'une part, chacune des deux parties n'a pas reçu d'indemnisation pour la partie de sa propriété occupée par l'autre, ce qui entraînera une frustration chez elles. D'autre part, les suspicions mutuelles resteront vives du fait de cette cohabitation et de ce partage « forcés» et risquent d'être aggravées par les conflits de voisinage.

2. Les limites des nouveaux textes régissant la C.N.T.B.

Il subsiste plusieurs problèmes non résolus par la loi n°1/17 du 04 septembre 2009 portant révision de la loi n°1/18 du 04 mai 2006 ainsi que le décret de son application.

D'abord, ces textes ne se prononcent pas sur la nature juridique de la C.N.T.B., en l'occurrence la nature d'administration de mission. Ensuite, ils restent muets sur la nature juridique des actes de la C.N.T.B. ainsi que les types de recours dont ils sont susceptibles. Ces textes ne contiennent pas de solution à la question relative aux modalités de résolution des litiges liés aux biens non fonciers mettant en cause les sinistrés. Et pourtant, la C.N.T.B. mérite d'être érigée en un vaste programme qui soit à même de répondre à la nécessité de

215 Voir C.N.T.B., Rapport d'activités, exercice 2007, p.59 ; Rapport d'activité du 1er trimestre 2008, pp.67-68 et Commission Nationale des Terres et autres Biens : Deux ans après, p.16.

216 Le Ministre de l'intérieur est allé jusqu' à évoquer la redistribution des terres comme solution à la question foncière lors de la descente d'une délégation gouvernementale dans la zone Mugara en Commune Rumonge au mois d'aoüt 2009 pour apaiser les tensions liées aux conflits fonciers entre les rapatriés et les occupants actuels

réhabilitation patrimoniale des victimes des guerres que notre pays a vécu, dans le cadre de la Justice Transitionnelle. Du même coup, la tâche de la C.V.R. serait allégée car elle se limiterait à la réhabilitation extrapatrimoniale des sinistrés en facilitant la connaissance de la vérité sur les exactions du passé, la réparation des dommages corporel et moral qui en ont résulté et la réconciliation. En d'autres termes, la C.N.T.B. devrait s'occuper de la réparation du dommage matériel, tandis que la C.V.R. s'occuperait de la réparation des dommages corporel et moral.

On relève aussi dans la loi n°1/17 du 04 septembre 2009 une certaine tentation à multiplier les tâches et les effectifs de la C.N.T.B., et donc à faire de celle-ci une administration de gestion, ce qui est une déviation de sa vocation de faire faire ou de coordonner le programme de restitution dans un laps de temps le plus court possible.

On remarque également que le caractère exécutoire des décisions de la C.N.T.B., nonobstant tout recours judiciaire, qui est porté par l'article 19 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009, est une fuite en avant sur le plan de l'application des principes qui gouvernent la procédure civile. En effet, cette disposition s'écarte de l'article 233 du Code de procédure civile burundais actuel217 qui stipule que « les jugements ne sont exécutoires qu'à partir du moment où, n'étant plus susceptibles de recours suspensif, ils passent en force de chose jugée, à moins que l'exécution provisoire n'ait été ordonnée. »

Dans le même ordre d'idées, le recours à la Commission Nationale contre les recommandations de solutions des délégations provinciales ne signifie juridiquement pas grand chose d'autant plus que la nouvelle loi et le décret de son application ne prévoient pas de conséquences en cas d'absence d'un tel recours. Normalement, on forme un recours contre une décision qui peut produire des effets juridiques. Cela n'est pas le cas pour les recommandations.

Enfin, la nouvelle loi soustrait les magistrats des délégations provinciales dans le dessein de respecter l'article 18 de la Constitution sur la séparation des pouvoirs218. A notre sens, cette solution est un porte-à-faux. La soustraction des magistrats des délégations provinciales ne résout pas la question de l'attribution de la fonction juridictionnelle à la C.N.T.B. Elle continue à remplir la mission de rendre justice aux sinistrés.

217 Loi n°1/010 du 13 mai 2004 portant Code de procédure civile, B.O.B. n°5 bis/2004, pp. 1-46

218 Voir le Projet de loi portant modification de certaines dispositions de la loi n°1/18 précité, Exposé des motifs, point 11, p.2

Cette attitude du législateur serait guidée par le souci d'esquiver le risque d'inconstitutionnalité des actes posés par la C.N.T.B. Cependant, elle s'écarte de la vocation d'une administration de mission comme la C.N.T.B. qui est celle de coordonner tous les intervenants dans la mise au point des solutions destinées à résoudre des problèmes inédits. Les magistrats sont les mieux indiqués pour apporter une contribution à la résolution des questions des biens fonciers et non fonciers des sinistrés. Donc, la réponse au risque d'inconstitutionnalité des décisions de la C.N.T.B. se trouve dans la vocation de cette dernière à être un des mécanismes de Justice Transitionnelle.

C. Les effets des décisions de la C.N.T.B. à l'égard des
parties

D'emblée, les résidents sont hostiles aux décisions de la C.N.T.B., et sont réticents à leur exécution. Les rapatriés, pour la plupart d'eux, sont contents de ces décisions car, dans la plupart des cas, elles leur sont favorables. Cela étant, les décisions de la C.N.T.B. sont bien accueillies par les parties de façon générale, d'autant plus que la grande majorité des litiges sont réglés à l'amiable (à peu près 60 % des litiges sont réglés à l'amiable)219. La question foncière étant jalonnée de passion et d'intérêt, on remarque que sa résolution de cette question est entourée de voies de fait qui vont parfois jusqu'aux heurts ou aux graves violations des droits de l'homme.

Ainsi, le Projet Monitoring du Rapatriement que la LIGUE ITEKA et le HCR exécutent conjointement donne l'état des lieux suivant:

*le type de violation le plus enregistré est l'entrave à l'accès à la propriété à 42% suivi de la destruction méchante à 25%, de l'arrestation arbitraire à 16.2% et des mauvais traitements (coup et blessures) à 16.1%220;

*42,06% des incidents sont répertoriés dans la province de Makamba et dans toutes les provinces, les résidents occupants, la famille ou les voisins sont les principaux auteurs au taux de 87,58 %. Aussi, les autorités locales dont les chefs administratifs (de la colline à la commune) et la police sont aussi ciblés comme les auteurs des incidents dans la province de Makamba et Bururi au taux de 5,51% sur le total des incidents relevés. Ces derniers sont identifiées comme auteurs du moment qu'ils prennent part aux conflits en procédant à des arrestations arbitraires ou en agissant en connivence avec les personnes civiles qui commettent les incidents de protection ;

219 C.N.T.B., La problématique foncière face au rapatriement massif des réfugiés et à la réinsertion des déplacés, 2009, p. 24

220 Ligue ITEKA/HCR, Projet Monitoring du rapatriement, Rapport annuel 2009 de la région sud, p.16

* les membres de la C.N.T.B. ne donnent pas assez de temps aux parties pour s'exprimer, ce qui a pour corollaire l'attribution à certains rapatriés des propriétés qui ne sont pas les leur ;

* il y a enfin le problème des personnes qui louaient les palmiers à huile et lesquels palmiers ont été attribués aux rapatriés, ce qui amène à des solutions controversées221.

Tous ces incidents pourraient diminuer si ceux qui agissent au nom de la C.N.T.B. accomplissaient leur mission correctement, avec l'objectif d'assurer la paix sociale et la réconciliation nationale et la loi.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984