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Malgré le soutien et bien d'autres opportunités,
force est de constater que la C.N.T.B. a réglé une infime partie
de litiges par rapport aux dossiers reçus, à la fin du
délai légal de son premier mandat.
Les principaux obstacles à son succès se
révèlent être le volume élevé des dossiers
à traiter, surtout avec le retour massif des réfugiés et
déplacés; l'exiguïté des terres; la complexité
de certains de ces dossiers; le manque de
212 Article 15 de loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
213 G. WAKANA, op.cit. , p.30
214 On signalera que cette loi est passée deux
fois successives au Parlement avant d'être promulguée à
cause des débats autour de cette disposition
témoignages dans certains cas impliquant les
sinistrés de longue date; et les manoeuvres dilatoires de certaines
personnes. A cela s'ajoute le fait qu'en ces derniers jours, les moyens
financiers commencent à tarir215.
Le caractère étendu de la compétence
matérielle de la C.N.T.B. qui couvre tous les biens détruits ou
volés au Burundi du fait de la guerre a entraîné des effets
fcheux sur l'accomplissement du mandat de la C.N.T.B. Elle s'est vite vue
débordée par le nombre trop élevé de dossiers
relatifs surtout aux « autres biens », étant donné que
la quasi-totalité des ménages burundais ont été
privés, chacun d'au moins un bien du fait des différentes crises
qu'a connues le pays. Elle réclame aujourd'hui l'organisation d'un
atelier national216ayant pour objectif de discuter et de
dégager des solutions à cette question ainsi que d'autres
notamment celle de l'indemnisation des sinistrés.
De même, l'Etat ne dispose pas d'assez de terres
à octroyer aux sinistrés qui n'ont pas pu être
rétablis dans leurs droits fonciers. Pour le Gouvernement, la solution
privilégiée est le partage de la propriété
foncière de l'occupant actuel. Cette mesure est de nature à
attiser le conflit. En effet, d'une part, chacune des deux parties n'a pas
reçu d'indemnisation pour la partie de sa propriété
occupée par l'autre, ce qui entraînera une frustration chez elles.
D'autre part, les suspicions mutuelles resteront vives du fait de cette
cohabitation et de ce partage « forcés» et risquent
d'être aggravées par les conflits de voisinage.
2. Les limites des nouveaux textes régissant la
C.N.T.B.
Il subsiste plusieurs problèmes non résolus par
la loi n°1/17 du 04 septembre 2009 portant révision de la loi
n°1/18 du 04 mai 2006 ainsi que le décret de son application.
D'abord, ces textes ne se prononcent pas sur la nature
juridique de la C.N.T.B., en l'occurrence la nature d'administration de
mission. Ensuite, ils restent muets sur la nature juridique des actes de la
C.N.T.B. ainsi que les types de recours dont ils sont susceptibles. Ces textes
ne contiennent pas de solution à la question relative aux
modalités de résolution des litiges liés aux biens non
fonciers mettant en cause les sinistrés. Et pourtant, la C.N.T.B.
mérite d'être érigée en un vaste programme qui soit
à même de répondre à la nécessité
de
215 Voir C.N.T.B., Rapport d'activités, exercice
2007, p.59 ; Rapport d'activité du 1er trimestre 2008,
pp.67-68 et Commission Nationale des Terres et autres Biens : Deux ans
après, p.16.
216 Le Ministre de l'intérieur est allé jusqu'
à évoquer la redistribution des terres comme solution à la
question foncière lors de la descente d'une délégation
gouvernementale dans la zone Mugara en Commune Rumonge au mois d'aoüt 2009
pour apaiser les tensions liées aux conflits fonciers entre les
rapatriés et les occupants actuels
réhabilitation patrimoniale des victimes des guerres
que notre pays a vécu, dans le cadre de la Justice Transitionnelle. Du
même coup, la tâche de la C.V.R. serait allégée car
elle se limiterait à la réhabilitation extrapatrimoniale des
sinistrés en facilitant la connaissance de la vérité sur
les exactions du passé, la réparation des dommages corporel et
moral qui en ont résulté et la réconciliation. En d'autres
termes, la C.N.T.B. devrait s'occuper de la réparation du dommage
matériel, tandis que la C.V.R. s'occuperait de la réparation des
dommages corporel et moral.
On relève aussi dans la loi n°1/17 du 04 septembre
2009 une certaine tentation à multiplier les tâches et les
effectifs de la C.N.T.B., et donc à faire de celle-ci une administration
de gestion, ce qui est une déviation de sa vocation de faire faire ou de
coordonner le programme de restitution dans un laps de temps le plus court
possible.
On remarque également que le caractère
exécutoire des décisions de la C.N.T.B., nonobstant tout recours
judiciaire, qui est porté par l'article 19 de la loi n°1/17 du 04
septembre 2009, est une fuite en avant sur le plan de l'application des
principes qui gouvernent la procédure civile. En effet, cette
disposition s'écarte de l'article 233 du Code de procédure civile
burundais actuel217 qui stipule que « les jugements ne sont
exécutoires qu'à partir du moment où, n'étant plus
susceptibles de recours suspensif, ils passent en force de chose jugée,
à moins que l'exécution provisoire n'ait été
ordonnée. »
Dans le même ordre d'idées, le recours à
la Commission Nationale contre les recommandations de solutions des
délégations provinciales ne signifie juridiquement pas grand
chose d'autant plus que la nouvelle loi et le décret de son application
ne prévoient pas de conséquences en cas d'absence d'un tel
recours. Normalement, on forme un recours contre une décision qui peut
produire des effets juridiques. Cela n'est pas le cas pour les
recommandations.
Enfin, la nouvelle loi soustrait les magistrats des
délégations provinciales dans le dessein de respecter l'article
18 de la Constitution sur la séparation des pouvoirs218. A
notre sens, cette solution est un porte-à-faux. La soustraction des
magistrats des délégations provinciales ne résout pas la
question de l'attribution de la fonction juridictionnelle à la C.N.T.B.
Elle continue à remplir la mission de rendre justice aux
sinistrés.
217 Loi n°1/010 du 13 mai 2004 portant Code de
procédure civile, B.O.B. n°5 bis/2004, pp. 1-46
218 Voir le Projet de loi portant modification de certaines
dispositions de la loi n°1/18 précité, Exposé des
motifs, point 11, p.2
Cette attitude du législateur serait guidée par
le souci d'esquiver le risque d'inconstitutionnalité des actes
posés par la C.N.T.B. Cependant, elle s'écarte de la vocation
d'une administration de mission comme la C.N.T.B. qui est celle de coordonner
tous les intervenants dans la mise au point des solutions destinées
à résoudre des problèmes inédits. Les magistrats
sont les mieux indiqués pour apporter une contribution à la
résolution des questions des biens fonciers et non fonciers des
sinistrés. Donc, la réponse au risque
d'inconstitutionnalité des décisions de la C.N.T.B. se trouve
dans la vocation de cette dernière à être un des
mécanismes de Justice Transitionnelle.
C. Les effets des décisions de la C.N.T.B.
à l'égard des parties
D'emblée, les résidents sont hostiles aux
décisions de la C.N.T.B., et sont réticents à leur
exécution. Les rapatriés, pour la plupart d'eux, sont contents de
ces décisions car, dans la plupart des cas, elles leur sont favorables.
Cela étant, les décisions de la C.N.T.B. sont bien accueillies
par les parties de façon générale, d'autant plus que la
grande majorité des litiges sont réglés à l'amiable
(à peu près 60 % des litiges sont réglés à
l'amiable)219. La question foncière étant
jalonnée de passion et d'intérêt, on remarque que sa
résolution de cette question est entourée de voies de fait qui
vont parfois jusqu'aux heurts ou aux graves violations des droits de
l'homme.
Ainsi, le Projet Monitoring du Rapatriement que la LIGUE ITEKA et
le HCR exécutent conjointement donne l'état des lieux suivant:
*le type de violation le plus enregistré est l'entrave
à l'accès à la propriété à 42% suivi
de la destruction méchante à 25%, de l'arrestation arbitraire
à 16.2% et des mauvais traitements (coup et blessures) à
16.1%220;
*42,06% des incidents sont répertoriés dans la
province de Makamba et dans toutes les provinces, les résidents
occupants, la famille ou les voisins sont les principaux auteurs au taux de
87,58 %. Aussi, les autorités locales dont les chefs administratifs (de
la colline à la commune) et la police sont aussi ciblés comme les
auteurs des incidents dans la province de Makamba et Bururi au taux de 5,51%
sur le total des incidents relevés. Ces derniers sont identifiées
comme auteurs du moment qu'ils prennent part aux conflits en procédant
à des arrestations arbitraires ou en agissant en connivence avec les
personnes civiles qui commettent les incidents de protection ;
219 C.N.T.B., La problématique foncière face au
rapatriement massif des réfugiés et à la
réinsertion des déplacés, 2009, p. 24
220 Ligue ITEKA/HCR, Projet Monitoring du rapatriement,
Rapport annuel 2009 de la région sud, p.16
* les membres de la C.N.T.B. ne donnent pas assez de temps aux
parties pour s'exprimer, ce qui a pour corollaire l'attribution à
certains rapatriés des propriétés qui ne sont pas les leur
;
* il y a enfin le problème des personnes qui louaient
les palmiers à huile et lesquels palmiers ont été
attribués aux rapatriés, ce qui amène à des
solutions controversées221.
Tous ces incidents pourraient diminuer si ceux qui agissent au
nom de la C.N.T.B. accomplissaient leur mission correctement, avec l'objectif
d'assurer la paix sociale et la réconciliation nationale et la loi.
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