§2. L'appréciation du bilan de la C.N.T.B.
Nous basons notre appréciation sur l'analyse des atouts
et des contraintes de la C.N.T.B. dans l'accomplissement de son mandat. Et
puis, nous étudierons les effets des décisions de la C.N.T.B.
à l'égard des parties, avant de terminer par les perspectives
d'avenir.
A. Atout
1. Le soutien de la communauté nationale
et
internationale
On notera que la C.N.T.B. bénéficie dans
l'accomplissement de sa principale tâche d'un soutien important à
travers le projet « Appui au règlement pacifique des litiges
fonciers » qu'elle exécute conjointement avec le H.C.R. Les
fonds débloqués dans le cadre de ce projet sont alloués au
renforcement des capacités logistiques et institutionnelles de la
C.N.T.B. Ils servent ainsi à l'achat du matériel, à la
création de la base de données sur les conflits fonciers,
à la formation des ressources humaines et à la sensibilisation du
public pour adhérer à la mission. Plusieurs autres appuis
proviennent de la coopération bilatérale des bailleurs de fonds,
des organisations non gouvernementales tant étrangères que
nationales208, ainsi que la population soucieuse du succès de
l'action de la Commission.
D'où l'une des solutions durables consiste pour l'Etat,
à trouver des fonds nécessaires pour l'indemnisation des
différentes catégories d'ayants droit, ou à leur
délivrer des titres portant reconnaissance de dette envers elles.
Aussi, sur terrain plusieurs organisations de la
Société civile telle que la Ligue Iteka, le H.C.R., le Conseil
Norvégien pour les Réfugiés (C.N.R.), ACCORD, les
Bashingantahe, etc. interviennent dans la médiation des conflits
fonciers pour épauler la C.N.T.B.209.
208 Voir supra, p. 23
209 Ligue ITEKA/HCR, Projet Monitoring du rapatriement,
Rapport annuel 2009 de la région sud , p.18
83 2. La forte volonté politique
On remarque une grande implication des autorités
politiques dans la prévention et la résolution des conflits
fonciers en général, et ceux qui mettent en cause les
sinistrés en particulier. Ceci se traduit notamment à travers les
modifications apportées par la nouvelle loi régissant la
C.N.T.B.
La première modification concerne l'alinéa1 de
l'article 5 de la loi n°1/18 qui conférait à la Commission
les pouvoirs de récupérer les terres domaniales
irrégulièrement attribuées. Cette compétence est
pourtant reconnue aux différentes autorités
désignées par les articles 253 et 254 du Code Foncier. C'est
pourquoi la modification donne à la C.N.T.B. la mission de proposer
à l'autorité compétente la récupération des
terres domaniales irrégulièrement attribuées. Une
modification similaire est telle que la Commission, au lieu d'attribuer
ellemême ces terres de l'Etat aux sinistrés comme cela ressortait
de l'alinéa 4 de l'article 5 de la même loi, propose à
l'autorité compétente l'attribution de nouvelles terres aux
sinistrés qui n'en ont pas.
En outre, la nouvelle loi supprime l'assistance
matérielle de l'alinéa 3 de l'article 5 qui est du ressort du
Ministre ayant la Solidarité dans ses attributions. Pour répondre
au souci de hâter le règlement des litiges par la C.N.T.B.,
l'article 6 est modifié afin de porter la composition de la Commission
de 23 à 50 membres.
De même, la nouvelle loi contient un nouvel article qui
accroît l'effectif des cadres des délégations provinciales
pour renforcer l'efficience de ces dernières. Etant donné que les
Communes disposent rarement de 2 représentants pour faire des descentes
sur terrain, il est décidé désormais qu'un seul puisse
faire partie des collaborateurs à la base. L'autre innovation de loi
n°1/17 du 04 septembre 2009 concerne la décentralisation des
pouvoirs de décision de la Commission au niveau des
délégations provinciales. Celles-ci sont habilitées
à faire des recommandations de solutions des litiges enregistrés
au 1er degré pour que la plénière de la
Commission devienne l'instance de recours contre ces recommandations.
Cependant, la nouvelle loi semble hésiter sur la portée des
pouvoirs à donner aux délégations provinciales. En effet,
elle qualifie ces pouvoirs soit de décisions210, soit de
recommandations de solutions211.
Pour remédier aux faiblesses relatives aux effets des
décisions de la C.N.T.B., la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée contient de nouveaux articles consacrant la distinction
entre les décisions de la Commission
210 Art. 10 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
211 Art. 16, 17 et 18 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
attaquables en justice et celles qui ne peuvent pas
l'être. Pour ce faire, les ententes à l'amiable devront être
constatées formellement par la Commission et mises en la forme qui les
rend propres à être gouvernées par les règles du
contrat civil212.
C'est de la sorte qu'elles deviendraient non susceptibles de
recours et partant assorties de la stabilité juridique.
Selon G.WAKANA, dans l'attente d'une législation
burundaise sur la médiation, la conclusion des accords par
médiation sous la forme de transaction peut aider à leur donner
une certaine efficacité et une durabilité sur le plan juridique.
En effet, la transaction n'est susceptible d'aucune voie de recours et est
irrévocable, sauf en cas de nullité contractuelle pour vice de
consentement213. En revanche, les décisions de la C.N.T.B.
qui interviennent en dehors de toute entente des parties en conflit
continueraient à être sujettes à recours.
La disposition portée par l'article 19 de la même
loi qui consacre le recours non suspensif de l'exécution des
décisions de la C.N.T.B. a soulevé de vives polémiques
aussi bien lors des séances d'adoption de la loi au Parlement que dans
l'opinion publique actuelle214. Elle stipule qu'« en cas de non
règlement à l'amiable par la Commission, la partie
intéressée peut saisir la juridiction compétente et la
décision de la Commission reste exécutoire jusqu'à
l'épuisement de toutes les voies de recours judiciaires. » La
polémique a pour objet l'attribution des fonctions juridictionnelles
à la C.N.T.B. et le caractère arbitraire du recours contre ses
décisions qui est non suspensif d'exécution.
Enfin, la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée renouvelle pour 24 mois la durée du mandat de la
C.N.T.B. initialement fixée à 36 mois.
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