B. Les critères fondamentaux des administrations
de mission
La plupart des définitions proposées indiquent
que l'Administration de mission devrait répondre à un certain
nombre de critères. Faute de référence dans la doctrine
burundaise, nous avons fait recours à la doctrine
étrangère pour les dégager.
1. La spécificité
Ce genre de structures administratives se voit confier une
tâche spécifique, toujours bien délimitée dans le
temps et dans l'espace mais également dans le domaine de la technique.
La délimitation dans le temps veut dire que la mission est assortie d'un
délai déterminé. La délimitation dans l'espace et
dans le domaine de la technique signifie que la mission est
localisée14 et qu'elle consiste dans un objectif ou un mandat
bien défini par le législateur ou le gouvernement.
2. La mobilité
Les agents qui font partie desdites structures doivent
être présents successivement au lieu d'accomplissement de leur
tâche et au siège du gouvernement ou de l'organe
interministériel auxquels ils doivent rendre compte du
déroulement de l'opération. La mobilité est à ces
fonctionnaires ce qu'est l'itinérance aux juges.
3. La double appartenance
Les agents qui accomplissent la mission, même s'ils sont
détachés à plein temps, ne cessent pas d'appartenir au
corps des fonctionnaires dans lequel ils ont été recrutés.
Dans la plupart des cas, ces fonctionnaires sont en position de
détachement, c'est-à-dire employés dans deux ou plusieurs
structures simultanément.
14 A l'étranger, en France (la Délégation
à l'Aménagement du Territoire et à l'Action
Régionale (D.A.T.A.R.), le Commissariat au Plan, ...) et aux Etats-Unis
d'Amérique (la Tennessee Valley Athority, la Port of New-York
Authority,...) par exemple, il s'agit souvent de la réanimation d'une
région. Au Burundi, les sociétés régionales de
développement auraient eu le même statut juridique si elles
n'avaient pas été érigées en Etablissements Publics
à caractère Industriel et Commercial (E.P.I.C.), puis en
Sociétés publiques
4 t 9EKAR4RP 111Geifpouvoirs
juridiques
Les administrations de mission ont l'autonomie du pouvoir
d'émettre des directives, de prendre des décisions,
d'édicter des prescriptions, de définir des orientations et d'en
contrôler l'application. Elles ont pour rôle de définir les
objectifs, de coordonner les actions qui doivent permettre de les atteindre et
de contrôler l'exécution de celles-ci.
5. La légèreté et la
maniabilité
A ces critères fondamentaux s'ajoutent d'autres plus ou
moins secondaires
tels que l'esprit « missionnaire» de ses agents et
l'échange d'information entre
eux15
Les structures de mission sont très souvent
légères et faciles à manier. Pour titre
légère et maniable, l'Administration de mission doit etre
composée d'une toute petite équipe affectée à son
service. Ceci est la condition essentielle pour son dynamisme et son
efficacité.
. Soulignons enfin cette idée originale de C. DEBBASCH
selon laquelle tous ces critères ne se retrouventpmais à
l'état pur16; ce qui laisse subsister une certaine
ambiguïté de la formule1 .
11 17 \ SRIRT111G1pGP i4iiArEAiR4i GIIP IiiiR4
eA OKIi rESSRIAi ENIFIei autres institutions administratives
proches
Dans les développements qui suivent, nous allons
essayer d'opérer une classification des administrations de mission et de
les comparer avec les administrations connexes.
$ 17 \ SRIRTH GMEGP i4iiAIEAiR4i GHP iiiiR4
Plusieurs classifications sont possibles selon les
critères considérés. Le cadre d'un mémoire
étant réduit, nous avons retenu seulement trois critères
à savoir la durée de l'administration de mission, le secteur dont
relève la mission et la technique d'organisation administrative
utilisée.
15 G. WIBAUX -- MARTINAUT, «
Délégation à l'emploi et Administration de mission »,
L'Administration et l'Emploi, Journées d'études, Paris,
Documentation française, 1981, pp.98-100
16 Idem, p.96
17 L'illustration de la formule d'Administration de
mission à travers le cas de la C.N.T.B. se trouve au dernier chapitre de
ce travail
1. Classification selon la durée de
l'administration de mission
Si nous considérons le critère temporel, nous
aurons trois types d'administrations de mission.
a. Une entité temporaire
Le premier type correspond, en théorie, à une
administration particulière chargée d'une mission
déterminée et temporaire qui devra disparaître sitôt
son rôle achevé. C'est le cas de la C.E.N.I. de 200518,
de la C.N.T.B. de 200619, et du Comité d'Orientation du
Recensement de la population et de l'habitation de 2008 (C.O.R.)20
.
b. Une entité transitoire
Le deuxième type est un système
expérimental destiné par la suite à être
étendu et à devenir une administration de gestion. On peut citer
à ce sujet, par exemple, le C.N.R.M.21 transformé tour
à tour en Centre de Perfectionnement et de Formation en cours d'emploi
(C.P.F.)22 et en Ecole Nationale d'Administration
(E.N.A.)23. Il en est de même de la Commission Nationale
chargée du Retour, de l'Accueil et de la Réinsertion des
réfugiés burundais (C.N.R.A.R.) de 1991 étendue cinq ans
après en Ministère à la Réinsertion et à la
Réinstallation des Déplacés et des Rapatriés
(M.R.R.D.R.).
18 Art. 2 du D. P. n°100/102 du 5 août 2004 portant
organisation et fonctionnement de Commission Electorale Nationale
Indépendante tel que modifié à ce jour, B.O.B.
n°8/2004, pp.535 -537
19 Art. 26 de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009
précitée
20Voir .D.P. n°100/238 du 30 août 2007
portant la création et la compétence du Comité
d'Orientation du Recensement de la population et de l'habitation de 2008
(C.O.R.), B.O.B. n°8/2007, pp.1405-1406
21 D.P. n°1/38 du 11 juillet 1969 portant création du
Comité National de Réforme et de Modernisation du secteur public
(C.N.R.M.), B.O.B. n°9/1969, p.257
22 Voir D.P. n°100 /148 du 08 novembre1979 portant
création du Centre de Perfectionnement et de Formation en cours d'emploi
(C.P.F.), B.O.B. n°12 /79, pp.537 -540
23 Voir D.P. n°100/253 du 30 août 2007 portant
création, organisation et fonctionnement de l'Ecole Nationale
d'Administration (E.N.A.), B.O.B. n °8/2007, pp.1414 -1418
c. Une entité permanente
Le troisième type est une administration «
carrefour »24 créée sans limitation de
durée et destinée à coexister avec l'Administration de
gestion. On peut ranger dans cette catégorie la Commission Nationale de
Démobilisation, de Réinsertion et de Réintégration
des ex-combattants (C.N.D.R.R.)25 qui coexiste avec le
Ministère de la Défense Nationale et des anciens combattants
ainsi que le Conseil National de Lutte contre le SIDA (C.N.L.S.)26
qui coexiste avec le Ministère de la Santé et de la Lutte contre
le SIDA.
2. Classification selon le secteur dont relève la
mission
Le champ d'application de l'Administration de mission peut
être subdivisé en quatre secteurs principaux.
a. Le secteur politique
C'est la nécessité de régulation et de
transparence politiques, mais surtout de rapidité des opérations
de vote qui font intervenir la création d'une administration de mission.
Celle-ci se rapproche dans ce cas d'une Autorité Administrative
Indépendante.
Au Burundi, l'organisation des consultations
électorales pour la mise en place des institutions étatiques est
dorénavant l'apanage de la C.E.N.I. qui vient de refaire surface pour le
rendez-vous électoral de 201027.
b. Le secteur économique
Dès son accession à l'Indépendance, le
Burundi a été rapidement gouverné par des régimes
autoritaires avec une économie dirigée. La volte-face qu'il a
opérée sur le plan politique dans les années 1990 avec la
vague de la démocratisation des institutions s'est accompagnée
d'un mouvement de
24 R. DRAGO, op.cit., p.71
25 Voir D.P. n°100/127 du 28 août 2003 portant
structure institutionnelle du programme de démobilisation, de la
réinsertion et de la réintégration des ex-combattants,
B.O.B. n°8bis /2003, pp.549- 550
26 Voir art.2 du D.P. n°100/015 du 4 février 2002
portant organisation, fonctionnement, et composition du Conseil National de
Lutte contre le SIDA (C.N.L.S.) tel que modifié à ce jour,
B.O.B. n°2/2002, pp.62 -64
27 Voir D.P. n°100/22 du 20 février 2009 portant
organisation et fonctionnement de la Commission Electorale Nationale
Indépendante, B.O.B. n°2 bis/2009, pp. 440-443
libéralisme économique. L'une des manifestations
de ce dernier est le Programme d'Ajustement Structurel (P.A.S.)28
présenté par ses partisans comme la panacée du
développement. Pourtant, certains éléments contenus dans
le P.A.S. ont suscité très tôt des controverses et des
remous au sein de la population. C'est le cas de la privatisation des
entreprises publiques.
Comme pour rassurer les esprits échauffés, le
Gouvernement a opté pour la délégation de la mise en
oeuvre de la politique de privatisation à une administration de mission
qui coordonne l'intervention de tous les concernés. Ainsi est née
le Comité Interministériel de privatisation (C.I
.P.)29.
Par ailleurs, il est prévu la création d'un
Comité Interministériel d'Aménagement du Territoire et une
commission ayant le même objet dans le cadre de la stratégie
nationale d'utilisation durable des terres30.
c. Le secteur administratif
C'est dans ce secteur qu'est née la première
administration de mission burundaise dont le mandat était de concevoir
et de mettre en oeuvre la réforme et la modernisation du secteur public.
Il s'agit du C.N.R.M. qui, en 1979, a changé de configuration en
devenant le C.P.F., lui-même transformé récemment en
E.N.A.
d. Le secteur social
Le foisonnement des administrations de mission dans ce secteur
est lié au contexte post-conflit actuel où l'urgence est de
remettre le tissu social dans son pristin état. Le mandat prioritaire
des pouvoirs publics consiste à restaurer et stabiliser la paix,
à réintégrer les ex-combattants et les sinistrés
dans la vie sociale normale et amener la population à se
réconcilier. C'est à cette dynamique en trois étapes que
participent les administrations de mission intervenant dans le secteur
social.
La première étape, celle de la restauration et
de la consolidation de la paix est l'oeuvre des administrations de mission
telles que la Commission Technique de Désarmement de la population
civile et de lutte contre la prolifération des
28 Le Programme d'Ajustement Structurel (P.A.S.) a pour objet
principal la relance économique et est initié par les
institutions financières de Bretton Woods
29 Voir Loi n°1/07 du 10 septembre 2002 portant
révision de la loi sur l'organisation de la privatisation des
entreprises publiques, B.O.B. n°9bis/2002, pp.902 -905
30 Voir Ministère de l'Aménagement du Territoire,
du Tourisme, et de l'Environnement, Stratégie nationale
d'utilisation durable des terres, 2006, pp 69 et 99
armes légères et de petit calibre
(C.T.D.C.)31 dont le sigle est devenu actuellement C.D.C.P.A.
à la suite de la modification du décret
précédent.
Au second stade du processus se situent la C.N.R. du 30 juin
1977, la C.N.R.A.R. du 22 janvier 1991, la C.N.R.S. du 13 décembre 2002,
la C.N.D.R.R. du 28 août 2003 et la C.N.T.B. du 04 mai 2006.
La dernière étape s'étend sur les travaux
du Comité de pilotage tripartite en charge des consultations nationales
sur la justice transitionnelle au Burundi du 02 novembre 2007 et de la
Commission Vérité et Réconciliation (C.V.R.) qui n'a pas
encore vu le jour.
3.
administrative utilisée
Trois types d'administrations de mission apparaissent quand on
se réfère au critère de la technique d'organisation
administrative: les administrations de mission centrales; les administrations
de mission décentralisées et les administrations de mission
indépendantes.
a. Les administrations de mission centrales
Par administrations de mission centrales, il faut entendre
celles qui sont présidées par les autorités de
l'Administration centrale. Celles qui sont placées sous le haut
patronage du Président de la République sont le C.N.L.S. et la
C.D.R.R. Le C.I.P. est, à son tour, présidé par le
ministre ayant la privatisation dans ses attributions; tandis que le C.N.R.M.
et la C.N.R. de 1977 avaient respectivement à la tête le ministre
de la Fonction Publique et un membre du Conseil
révolutionnaire32.
L'appellation « administrations de mission centrales
» a été retenue pour marquer la différence qui existe
entre celles-ci et les structures administratives centralisées de
gestion qui sont placées sous l'autorité hiérarchiquement
supérieure. Or, ce n'est pas le cas en ce qui concerne le C.N.L.S. et la
C.N.D.R.R.
31 Voir D.P. n°100/123 du 29 avril 2006 portant
création, composition, organisation et fonctionnement de la Commission
Technique de Désarmement de la population civile tel que modifié
à ce jour, B.O.B. n° 5/2006, pp.460-461
32 Art. 2 al. 2 du D.-L. n° 1/21 du 30 juin 1977
précité
Même pour le C.I.P. et le C.N.R.M.
présidés par des ministres qui sont placés sous
l'autorité directe du Président de la République, ils ne
demeurent pas moins des administrations de mission centrales car le pouvoir
hiérarchique du Président de la République sur les
ministres est général et se trouvent agencés au niveau de
l'Administration centrale. Ainsi donc, pour une entité administrative,
être présidée par une autorité centrale et
être placée sous son pouvoir hiérarchique sont deux
situations juridiques plus ou moins différentes.
b. Les administrations de mission
décentralisées
Ce sont celles qui ont une compétence propre de
décision et autonomes par rapport au pouvoir politique qui les a
instituées et qui n'exerce sur elles qu'un contrôle
tutélaire. Elles sont dotées de la personnalité juridique
et ont par voie de conséquence un patrimoine et une gestion
financière propres.
Néanmoins, cette personnalité juridique ne leur
est conférée que pour la réalisation des missions en vue
desquelles elles sont instituées. Ainsi, elles ne peuvent
posséder ou acquérir que les biens qui sont nécessaires
à la réalisation de ces missions. Les administrations de mission
burundaises décentralisées sont la C.N.R.S.33, la
C.T.D.C.34 et la C.N.T.B.35
c. Les administrations de mission totalement
indépendantes
Elles se caractérisent par une autonomie absolue,
exempte de contrôle de la part des autorités de l'Administration
centrale. Cette indépendance totale est le prix que l'Administration
centrale paie pour un bon accomplissement des missions qu'elle confie à
ce genre de structures administratives et qui nécessitent une
impartialité et une sérénité les plus
complètes.
Rentrent dans cette catégorie la C.E.N.I. et le
Comité de pilotage tripartite en charge des consultations nationales sur
la Justice transitionnelle.
33 Voir Art.2 de la loi n°1/017 du 04 septembre 2009
précitée
34 Voir Art. 5 al. 2 du D.P. n°100/123
précité
35 Voir Art. 2 du D.P. n°100/196 du 24 novembre 2009 portant
application de la loi n°1/17 du 04 septembre 2009 précitée,
B.O.B. n°11 bis 2009, pp. 2290-2293
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