UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET
POLITIQUES DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC
MASTER 2 DE RECHERCHE EN DROIT DE L'ENVIRONNEMENT ET
DE LA SANTE
OPTION : DROIT DE LA SANTE
MEMOIRE DE MASTER2
|
LA NOTION DE FAUTE MEDICALE EN DROIT DE LA
RESPONSABILITE
|
|
Présenté par : Sous la direction
du :
IBRAHIMA FAYE Pr IBRAHIMA LY
Agrégé en Droit Public et Science Politique
Directeur du Laboratoire de l'Environnement et de la Santé
FSJP UCAD
Année académique :
2010-2011
|
|
1
|
La notion de faute médicale en droit de la
responsabilité
|
|
|
INTRODUCTION
Pendant des siècles, le médecin, peu
éclairé par les balbutiements d'une science naissante,
n'était guère que le témoin compatissant de la souffrance
humaine, son impuissance avait pour corolaire sa totale immunité. Dans
notre société actuelle ou le besoin de sécurité est
devenu primordial, les événements malheureux qui étaient
autrefois acceptés avec résignation ne sont plus
considérés de la même manière. Et se sont les
succès de la médecine qui ont créé les conditions
favorables à ce nouvel état d'esprit. Toute personne, saine ou
malade finit par se persuader que la santé est un droit fondamental de
l'individu, conformément à la constitution du
Sénégal du 22 Janvier 2001 qui dans son préambule
réaffirme son attachement à la Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789,de la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme de 1948,du Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels de 1966,de la Charte Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples de 1981 .Tous ces instruments juridiques
internationaux reconnaissent en leur sain le droit à la santé
comme un droit fondamental. Le constituant Sénégalais va plus
loin en consacrant en son article 8 le droit à la santé
contrairement à la France qui n'a pas garantie de manière
explicite ce dit droit. Cependant, il n'existe pas encore au
Sénégal un code réglementant l'ensemble des aspects
juridiques de l'activité médicale, contrairement à de
nombreux autres secteurs du droit. Or les juges sont de plus en plus
confrontés aux relations conflictuelles entre les médecins et
leurs patients. L'évolution des techniques médicales suscite de
nouvelles attentes chez les patients qui espèrent en
bénéficier et font naitre d'épineuses questions juridiques
et éthiques. La recrudescence du recours à la profession
médicale conjuguée à la juridicisation croissance de notre
société font que le droit est appelé de plus en plus
à régir et si possible à aider à résoudre
les incidents pouvant émailler la relation médicale. La
réflexion juridique au sujet de l'activité médicale prend
une importance croissante à l'heure actuelle. L'on s'interroge non
seulement sur les contours exacts de la relation de soins classiques dans un
contexte ou la responsabilité du praticien est de plus en plus mise en
cause, mais l'on souhaite également encadrer de manière efficace
et pondérée les nouvelles interventions scientifiques sur le
corps humain notamment au stade expérimental. Aujourd'hui, le patient ne
considère plus le médecin comme l'homme providentiel, il ne
perçoit même plus dans l'homme soignant l'homme de science et de
conscience. Le patient considère son médecin comme un
|
|
2
|
La notion de faute médicale en droit de la
responsabilité
|
|
|
professionnel de la santé auquel il demande d'utiliser
ses connaissances, son savoir faire pour lui rendre jeunesse et beauté
,comme un technicien qui doit répondre à une demande de plus en
plus forte sur le marché de la part de clients qui achètent des
services médicaux de qualité comme il achèteraient
n'importe qu'elle autre prestation de service à la différence que
c'est leur vie qui est en jeux. Ces patients- clients entendent très
largement la notion de maladie comme la jurisprudence d'ailleurs, tout devient
maladie, tout devient prétexte à consommer de la médecine.
Ainsi les liens privilégiés existant entre le praticien et son
patient sont en voie de se dissoudre pour laisser place à des rapports
de type professionnel-consommateur. Autres signes de l'évolution de
l'état d'esprit des patients et des médecins, les progrès
techniques ne sont plus connus des seuls initiés. Autrefois le
médecin détenait seul le savoir et toute l'information
médicale, peu à peu les malades ont acquis une maturité
parfois dérangeante et inconfortable pour le corps médicale
d'oü la montée en puissance du droit de la responsabilité
médicale. Si la responsabilité médicale pouvait être
autrefois des questions surtout psychologiques et morales des médecins
individuels qui pouvaient se sentir responsable ou coupable, surtout à
la suite d'un échec, mais toujours hors des regards de la corporation,
et presque jamais à la vue de la justice, de nos jours ce n'est plus le
cas. La nature particulière de la relation thérapeutique et de
l'ampleur des dommages que le patient peut être amené à
subir rendent nécessaire un examen attentif des conséquences
juridiques d'un échec médical. L'accident thérapeutique
préoccupe à juste titre tout professionnel de santé
exerçant en institution de santé. La justice française
connait environ deux milles affaires par an relatives à
l'activité sanitaire. Ce chiffre est peut élever s'il est
comparé au quatre cent millions d'actes médicaux (environ)
pratiqués chaque année dans le pays et au cent quatre vingt mille
médecins inscrits à l'ordre. On évalue entre dix milles et
vingt milles le nombre d'accidents réellement survenus ; restés
en l'état ou transmis à une compagnie d'assurance sans suite
juridictionnelle .Au Sénégal à défaut de
recensement global et national des accidents liés à une
activité sanitaire, il est à ce jour impossible de disposer de
statistiques précises en la matière. Cet échec
médical peut être consécutif d'une faute médicale
qui engagera la responsabilité du médecin ou de la structure
hospitalière. Le médecin commet une faute s'il intervient sans
respecter les obligations et garanties auxquels il est astreint d'o~
l'importance de la caractérisation de la faute médicale en droit
de la responsabilité qui sera l'objet de notre étude. Ainsi, la
caractérisation de la faute médicale n'est pas aisée
puisse qu'elle n'est pas définie par la loi seule la
doctrine et la jurisprudence tentent de donner une
ébauche de définition. Ainsi le droit sénégalais
présente une singularité1 parce qu'il tente de
définir ce qui est une faute bien que la notion soit flexible. En effet,
aux termes de l'article 119 du COCC « la faute est un manquement à
une obligation préexistante de quelque nature qu'elle soit ».La
singularité de cette distinction c'est qu'elle tente d'unifier la notion
de faute, parce qu'il s'agit d'un manquement, d'une obligation telle qu'elle
soit. Donc peu importe qu'il s'agisse d'une obligation légale ou
conventionnelle .Cette définition à pour effet de remettre en
cause la distinction classique que l'on retrouve ailleurs, notamment en France
entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité
délictuelle .La responsabilité contractuelle serait celle qui
résulterait d'une faute contractuelle, alors que la
responsabilité délictuelle renverrait à une faute
délictuelle. L'avantage du droit sénégalais c'est
d'unifier les deux régimes de responsabilité en adoptant une
définition de faute unitaire, contrairement en France ou la controverse
existe toujours même si elle est souvent contestée .Depuis
l'arrêt MERCIER rendu par la cour de cassation,
le 20 Mai 19362 qui disposait que « l'obligation de soins
découlant du contrat médical et mise à la charge du
médecin est une obligation de moyens ; le médecin ne peut
s'engager à guérir, il s'engage seulement à donner des
soins non pas quelconques mais consciencieux, attentifs et conformes aux
données acquises de la science ». Ainsi, le contrat médical
comprend à la charge du médecin une obligation de moyens et la
responsabilité médicale est une responsabilité
contractuelle pour faute. Or très souvent, les victimes n'étaient
pas indemnisés car elle ne parvenait pas à établir
l'existence d'une faute du médecin. De ce fait, la faute médicale
peut être considérée de manière
générique comme le manquement à l'obligation faite aux
médecins de prodiguer des soins consciencieux, attentifs et conformes
aux données acquises de la science. Tandis que la responsabilité
médicale se traduit par la nécessité cumulative d'une
faute commise par le professionnel de santé, d'un préjudice subit
par le patient et d'un lien de causalité entre la faute et le
préjudice. Dés lors, dans le cadre de notre étude nous
allons faire fi de la responsabilité objective c'est-à-dire la
responsabilité sans faute, cette responsabilité s'est
développée il y'a quelques années sous l'influence de la
juridiction administrative. Les années 1990 donnent la sensation
d'être les années de la responsabilité sans faute. Tout
à commencer avec le retentissant arrêt Gomez3.
1 Cours de deuxième année de droit des
obligations de I V ND
2 Arrêt Mercier Cour de Cass Fr 20 Mai 1936
3 CAA Lyon 21Dec.1990, Gomez, rec.p.498 ;
jcp1991.II.21698 note J Moreau
L'oeuvre de la solution c'est d'avoir engagé la
responsabilité d'un hôpital, en l'espèce, un adolescent de
15 ans atteint d'une cyphose est hospitalisé afin de subir une
intervention chirurgicale. Les médecins utilisent une technique nouvelle
quelques heures après son réveil le jeune homme souffre de
paraplégie. Les parents saisissent le tribunal administratif aux fins de
voir condamner l'hôpital et obtenir une indemnisation. Mais deux experts
vont conclure qu'aucune faute n'a été commise au sein de
l'hôpital .Le tribunal administratif va débouter les deux parents
de leur demande. Ils vont donc saisir la cour administratif d'Appel qui va
créer un régime de responsabilité sans faute du service
hospitalier. Après ce retentissant arrêt, le Conseil d'Etat
emboita le pas à la Cour d'Appel administratif avec l'arrêt
Bianchi4 qui va plus loin puisse qu'en l'espèce il s'agissait
d'un patient qui après avoir subi une artériographie
vertébrale se réveil avec une tétraplégie, les
experts ont conclu qu'il n'y avait pas de faute ceci est lié à
l'évolution normale de la maladie, l'hôpital n'a pas commis de
faute. Nous sommes bien dans le cadre de l'aléa thérapeutique,
pourtant le Conseil d'Etat va engager la responsabilité de
l'hôpital .Ces décisions ont crées une dynamique c'est
pourquoi le conseil d'Etat en Assemblée plénière du
contentieux le 26 Mai 1996 par trois arrêts a décidé qu'un
hôpital pouvait être responsable sans faute du fait des produits
sanguins viciés. On doit noter deux ans au paravent, le même juge
suprême avait engagé la responsabilité de l'Etat du fait de
sa mission de police en matière de transfusion sanguine. Il y'a aussi
l'extension de la responsabilité sans faute en matière de
santé publique, ceci est l'oeuvre du tribunal administratif de
Versailles qui, dans un jugement en date du 3 juillet 1997, a engagé la
responsabilité de l'Etat du fait de la contamination d'un chirurgien
dans l'exercice de ses fonctions par le virus du sida. Ainsi dans le cadre de
notre étude nous mettrons en exergue la responsabilité subjective
fondée sur la notion de faute, c'est pourquoi notre problématique
portera sur les agissements du praticien qui sont constitutifs de faute pouvant
engager sa responsabilité. En effet les Babyloniens avaient
déjà un code "le code d'Hammourabi" qui comportait 282
dispositions parmi lesquelles la règle 218: "si un médecin
incisant un abcès perd son malade ou l'oeil de son malade, on lui
coupera la main " Dans les siècles qui suivirent, se
succédèrent des périodes d'impunité totale puis des
retours à une recherche de responsabilité des médecins.
4 CE 9 Avril.1993,Bianchi,RFD adm.1993.573,cond Dael
;JCP1993.II22062
La responsabilité telle que les Romains5
l'ont conçue comprenait déjà des fondements objectifs. Ce
sont surtout les lumières et les rationalistes qui, dans leur conception
de personne libre, ont fondé le dogme d'une responsabilité
subjective. Pendant les invasions barbares, les hommes de religion étant
les seuls intellectuels ayant échappé à la
débâcle, ont conçu le droit et la responsabilité en
des termes religieux. L'image médiévale du juge qui a
survécu encore, est du " juge-dieu ». En Egypte pharaonique la
responsabilité médicale relevait d'un code en raison de son
caractère sacré. Le non respect de ce code engagerait la
responsabilité du médecin et était considéré
comme un sacrilège. Chez les Grecs une certaine irresponsabilité
était admise si le caractère involontaire du dommage causé
était établi. Cependant certains auteurs ont mentionné la
controverse relative aux choix de la personne compétente à
déterminer le bien fondé de l'action a intenté contre le
médecin soignant. Toutefois la différenciation qu'il
opérait entre le citoyen et l'esclave faisait que la
responsabilité du médecin n'était pas en jeu si l'acte
médical entrainait la mort de l'esclave, le médecin doit tout
simplement dédommager le maitre de l'esclave en lui fournissant un
esclave. Un arrêt du parlement de Paris en date du 25 juin 1696
réaffirmait la responsabilité médicale en
considérant que " le malade doit supporter les inconvénients
puisse que c'est lui-même qui la choisie ». En France au
début du 19 siècle, la promulgation par Napoléon du code
civil, du code pénal, du code de procédure pénale et du
code de procédure civile modifie notablement le paysage légal et
supprime l'immunité médicale. La responsabilité
médicale de droit commun restera théorique jusqu'à
l'année 1835 où l'affaire dit GUGNE contre
docteur Thouret Nauroy confirmera le déclin de
l'immunité civile des médecins. En l'espèce, le Dr Thouret
avait sectionné l'artère tumérale de son patient le sieur
Gugne ce qui lui avait valu l'amputation de son bras droit, le sieur Gugne
intenta une action au niveau du tribunal d'Evreux qui avait condamné le
médecin et le jugement a été confirmé par la Cour
d'Appel de Rouen, non satisfait de la décision ,le Dr Thouret s'est
pourvu en cassation, cette haute juridiction rendra le 18 juin 1835une
retentissante décision qui restera pendant un siècle la
référence en matière de responsabilité
médicale. L'arrêt dans son considérant de principe disait
que " du moment que les faits reprochés aux médecins sortent de
la classe de ce qui par nature sont exclusivement réservés au
doute et aux discussions de la science. Du moment qu'ils se compliquent de la
négligence, de la légèreté ou d'ignorance des
choses que l'on devait nécessairement savoir, la responsabilité
de droit
5C ours histoire du droit de la santé du
professeur Seydou Diouf
commun doit être encourue et la compétence de la
justice est ouverte ».L'arrêt Yacynth Boulager
abonda dans le même sens dans son arrêt rendu le 21 juillet 1862
par la Cour de Cassation en considérant « il est des règles
générales de bon sens et de prudence auxquels ont doit se
conformer avant tout et un médecin est tenu de s'y soumettre ». La
problématique de la faute médicale est une question certes
difficile et appelle certainement à une réponse qui doit
mobiliser beaucoup d'éléments et qui peut avoir plusieurs angles
d'attaque. L'angle d'attaque suggéré ici pour apporter quelques
éléments de réponse à la problématique
soulevée est de passer en revue la caractérisation de la faute
médicale(Titre1) pour mettre ensuite en relief la mise
en oeuvre de la responsabilité médicale fondée sur la
faute(Titre2).
|