I-6.Objectifs de recherche
Notre travail cherche à :
-Déterminer et analyser les facteurs qui empêchent
le Sénégal d'introduire les LN dans le SEF.
-Faire part aux chercheurs et politiques des dits facteurs afin
qu'ils s'investissent dans une logique d'action et de résolution
pragmatique et durable.
- Déterminer des stratégies d'introduction et de
maintien des LN dans le système éducatif
sénégalais.
1-7.Hypothèses de la recherche
L'usage du français comme langue d'enseignement dans
les écoles du Sénégal de la colonisation jusqu'à
nos jours, est demeurée un instrument administratif d'un poids
décisif. L'ensemble de l'appareil étatique reste régi par
des textes en français : « le français demeure la langue
privilégiée de la diplomatie et de la politique
sénégalaise : c'est la langue de l'autorité, celle de
l'Etat » précise P.DUMONT
Ainsi, pour être bien considéré ou se
valoriser dans certains milieux administratifs socioprofessionnels, il faudrait
faire « preuve d'une bonne élocution en français
».Certains sénégalais continuent à croire que la
bonne maitrise de la langue française est synonyme `'d'éveil'',
de `'progression'' ou de `'civilisation''25.
C'est à cet état de fait et de croyance que mon
objet de recherche s'oriente en partant des hypothèses ci-dessous :
25 Souleymane GOMIS, 2003, op.cit, p18.
Hypothèse principale
-La velléité politique linguistique
de l'Etat du Sénégal (des décideurs politiques),
conséquence des représentations sociales des LN
par la société sénégalaise et de la
reproduction de la violence symbolique
linguistique hélas, véhiculée par
l'administration coloniale, constitue un facteur de blocage pour l'introduction
des LN dans l'éducation formelle.
Hypothèse secondaire
-Les parents d'élève en tant qu'acteurs
socioéducatifs ne sont pas contre l'enseignement des LN à
l'école mais sont mal informés sur les programmes et politiques
éducatifs mis en oeuvre par l'Etat.
En effet, dans la perspective de vérifier nos
hypothèses nous nous proposons par le biais de l'empirie de recueillir
la conception des acteurs professionnels et socioéducatifs tels que les
inspecteurs de l'enseignement, les actuels et anciens enseignants, les parents
d'élèves, les chefs d'établissement, les maitres
expérimentateurs, les membres de syndicat de l'enseignement, les
élus locaux (maire, conseillers régionaux etc.).
I-8.Analyse conceptuelle
Cette partie sera le point de procéder à une
définition des concepts de nos hypothèses qui font l'objet de
notre étude. Qu'est ce que conceptualiser ? WEBER l'a définit par
sa finalité : le but du concept, c'est de dominer la
réalité par la pensée, un enjeu soumis à
conditions, mais aussi exposé à l'échec. Il s'agit de
comprendre ; non seulement d'expliquer par la (ou les)causes(s)prochaine(s),
mais de rassembler à un tout indicatif tous les signes qui contribuent
à « faire sens », en signifiant pour commencer la fin par
rapport à laquelle s'ordonnent tous ces signes26. En effet,
notre étude cherchera à éclairer les concepts suivants :
Education formelle, politique linguistique, reproduction, violence
symbolique linguistique et représentation
sociale.
*Education formelle
Le mot éducation vient du latin «
e-décerne » qui signifie conduire à partir de ;
c'est-à-dire tirer d'un état pour conduire à un autre.
Pris dans son sens le plus large, le terme `'Education»
recouvre toute activité visant à transmettre à des
individus l'héritage collectif de la société où ils
s'insèrent .Son champ de compréhension inclut tout autant la
socialisation du jeune enfant par la famille, la formation reçue dans
des institutions ayant une visée éducative explicite
(écoles, mouvement de jeunes) ou dans le cadre de groupements divers
(associations sportives, culturelles, des mass-médias etc.
L'activité éducative est une
réalité immanente à la nature humaine. C'est par elle que
l'homme cherche à léguer à sa progéniture la somme
de ses expériences indispensable à sa survie, ses techniques
professionnelles, ses convictions morales et religieuses, les convenances
sociales, ses aspirations, ses espérances.27
Selon DURKHEIM, elle est : « l'action exercée
par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore
mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de
développer chez
26 D.DELEULE et alii, 1990, Le commentaire de
textes de philosophie. Psychologie. Sociologie, NATHAN, p156- 157.
27 Assane SYLLA, 1994, La philosophie morale du
wolof, publié avec le concours de la coopération
belge-2e édition IFAN, p 1167.
l'enfant un certain nombre d'états physiques,
intellectuels et moraux que réclament de lui et de sa
société politique dans son ensemble et le milieu spécial
auquel il est particulièrement destiné » (Durkheim,
Education et Sociologie (1922).
Par ailleurs, lorsqu' elle est suivie du qualificatif
`'formel», elle devient alors un champ plus spécifique et
restreint. Ainsi, l'éducation formelle concerne plusieurs niveaux et
types d'enseignement. Elle est composée de l'éducation
préscolaire, de l'enseignement élémentaire, de
l'enseignement moyen et secondaire général, de l'enseignement
technique et de la formation professionnelle et de l'enseignement
supérieur.
A chacun de ces niveaux, on retrouve à
côté de l'enseignement public, un enseignement privé. De
même, l'éducation spéciale occupe une place de plus en plus
importante dans le système.
Pour sa part, la Classification Internationale Type de
l'Education (CITE) définit ainsil'éducation formelle :
« enseignement dispensé dans le système des
écoles, des collèges, des universités et d'autres
établissements éducatifs formels. Ils constituent normalement
une `'échelle» continue d'enseignement à plein temps
destinés aux enfants et aux jeunes, commençant en
général entre cinq et sept ans et se poursuivant jusqu'à
vingt ou vingt cinq ans... »28.
Appelée également `'scolaire»,
l'éducation formelle a pour cadre une organisation nationale relevant du
domaine de l'Etat. Elle est dispensée dans les institutions dûment
mandatées (écoles) par des professionnels (formés et
rémunérés par l'Etat), selon un processus
pédagogique déterminé (objectifs, contenus,
méthodes et outils)
Les principales caractéristiques de l'éducation
formelle sont :
*l'unité et la normativité : l'éducation
formelle est prédéfinie dans un cadre législatif
applicable pour tous sur l'ensemble du territoire national ;
*la hiérarchisation des enseignants(en programme et
cycles) et des entités éducatives suivant une organisation
verticale ;
*la cohérence et la permanence des enseignants à
travers des programmes et des cycles allant du préscolaire à
l'enseignement supérieur ;
28 CITE, 1997, UNESCO, p41.
*le paradigme d'une éducation gratuite,
égalitaire, globale et universelle : l'éducation formelle
s'adresse à tous les citoyens « scolarisables », elle est
censée leur offrir des chances égales de réussite et
d'intégration sociale à travers un enseignement prenant en compte
les besoins essentiels d'éducation et de formation.29
Cependant, il semble plausible pour nous, d'évoquer
succinctement pour plus de distinction les caractéristiques de
l'éducation non formelle qui permettent de mieux se rendre compte des
deux concepts. Pour sa part, l'éducation non formelle se passe dans le
cadre extrascolaire, intègre tous les âges et ne suit pas
nécessairement une `'échelle».
Le secteur de l'éducation non formelle comprend
l'alphabétisation, les écoles communautaires de base etc.
*Politique linguistique
Par politique linguistique, il faut comprendre selon HALAOUI
comme étant « la conception théorique qui préside
à la réalisation des actions entreprises ou à entreprendre
sur la langue » (HALAOUI, 2003 :7).Elle désigne alors une
orientation qui sous-tend l'ensemble des activités qui
caractérisent ou favorisent l'utilisation de la langue. Elle
apparaît ainsi comme une dimension de l'aménagement linguistique
considérée comme plus large puisqu'il intègre la
totalité des actions de l'homme sur une langue.
La politique linguistique du Sénégal, à
l'instar de celle de beaucoup de pays africains, n'est pas clairement
définie. Mais, la nature des débats et des activités
menées dans le cadre de promotion des langues nationales, permettent de
la classer dans le groupe des politique de « facilitation de communication
». (HALAOUI, 1991, 2002,2003 :9).30
Ainsi, dans l'esprit de notre étude la définition
qu'en donne André BATTANA nous parait plus plausible. Selon lui la
politique linguistique consiste à « toute action des
décideurs
29 DIOUF (A) et Alli, Dakar, Mars 2001,
L'Education non formelle au Sénégal. Description,
évaluation et perspectives, UNESCO
30 Yéro Dia Abdoulaye BOUSSO et alii, 2008,
« l'introduction des langues nationales dans le système
éducatif formel .Entre medium de communication et outils
d'apprentissages scolaires »p8.
politiques et administratifs en vue de la
réglementation de l'utilisation des langues en présence sur le
territoire national »31
Sous ce rapport, la politique linguistique apparaît
à notre égard comme la capacité d'une synergie de la
volonté et des moyens mobilisée en vue de développer une
langue sur le plan socioéducatif. Par elle, la langue peut se hisser au
rang des langues traductrices de sciences et par là de se maintenir face
à `'la guerre des langues».
*Violence symbolique linguistique
Le concept de symbolique a en anthropologie une acception
restreinte et un sens large. Dans son acception restreinte ou
spécialisée, il sert à qualifier des oeuvres de cultures
qui ont pour caractéristiques d'être pourvues d'une valeur
perçue comme immédiatement expressive : mythes, rites, croyances,
etc.
Dans son acception large le symbolique renvoie donc à
ce processus constitutif de l'état de culture qu'est l'attribution de
sens au monde. Chaque société sélectionne des
significations ; chacune classe, réunit, oppose et hiérarchise
les objets de la réalité selon la manière propre qui est
à la fois le cadre d'intelligibilité qu'elle se donne de la
communication entre ses membres.
Au sens sociologique, il importe de mentionner la conception
bourdieusienne de la `'violence symbolique» .P. BOURDIEU, le
théoricien du « structuralisme constructiviste » entend
souligner que la capacité des agents en position de domination à
imposer leurs productions culturelles et symboliques joue un rôle
essentiel dans la production des rapports de domination.
Ainsi, il définit la violence symbolique comme «
la capacité à faire méconnaitre l'arbitraire de ces
productions symboliques, et donc de les faire admettre comme légitimes
».Dit autrement, il peut représenter un «
mécanisme premier d'imposition des rapports de domination .Elle
renvoie à l'intériorisation par des agents de la domination
sociale inhérente à la position qu'ils occupent dans un champ
donné et plus généralement à leur position
31 André BATTANA, 1995, «
problématique d'une politique linguistique : le cas du Burkina Faso
»in Les politiques linguistiques, mythes et réalités,
UREF, 351pp.
sociale. Cette violence est infra-consciente et ne
s'appuie pas sur une domination intersubjective (d'un individu sur un autre)
mais sur une domination structurelle (d'une position en fonction d'une autre)
»Cette structure qui est fonction des capitaux possédés
par des agents fait violence car elle est non perçue par les agents
.Elle est source d'un sentiment d'infériorité ou d'insignifiance
qui est uniquement subi puisque non objectivé.
La violence symbolique euphémise les rapports de force
qui se donnent à voir comme irréductibles dans la
société .La légitimation est un masque qui cache la
dimension arbitraire du pouvoir. Il ya domination symbolique toutes les fois
qu'un dominé accepte de croire qu'il est juste, bon et nécessaire
que les détenteurs de certaines caractéristiques factuelles
dominent les autres. Pour qu'une domination soit durable, il faut qu'elle se
transforme en contrat, en échange réciproque, en consensus qui
maintient la violence physique à l'horizon des rapports sociaux.
Autrement dit, la reconnaissance est toujours aussi une méconnaissance
...de l'arbitraire. Le consentement des dominés implique une forme de
cécité qui fait voir l'arbitraire comme légitime. On fait
adopter des représentations pour en censurer d'autres.32
Dans l'esprit de notre problématique de recherche, en
référence au concept de « violence symbolique »
décrit par BOURDIEU nous y conjuguons l'adjectif « linguistique
»dans la perspective de décrire la manière dont nos
langues sont confrontées à une violence symbolique consciente ou/
et inconsciente. En effet, cette domination symbolique apparait comme
légitime du fait qu'elle est acceptée et n'étant
généralement pas sur la sellette. Elle continue de
déterminer notre système éducatif dans sa
globalité.
Ainsi, nous entendons par violence symbolique linguistique
l'attitude des acteurs et agents sociaux sénégalais qui consiste
à légitimer la domination des valeurs linguistiques occidentales
au détriment des nôtres en considérant que ces
dernières ne peuvent aucunement être génératrices de
connaissances via l'enseignement formel. Cette vision arbitraire des acteurs
sociaux sénégalais ne s'inscrit dans aucune logique palpable mais
se forge à partir d'imagination ou de représentation. On peut
dire qu'elle se base sur des idées toutes faites voire sur des
clichés sociaux. Cet imaginaire collectif : « les langues
occidentales valent plus que les nôtres » est tellement ancré
dans la conscience individuelle et collective des sénégalais. De
ce fait, nous concevons juste, bon et nécessaire de faire primer ou
de
32 Pascal BALANCIER et alii, 2008,
Epistémologie de la sociologie. Paradigmes pour le XXI e siècle,
de boeck, sous la direction de Marc JACQUEMEAIN et Bruno FRERE, p196.
privilégier, sans en avoir pleinement conscience, la
langue occidentale au détriment des nôtres.
En effet, ces jugements de valeur existant depuis la
période coloniale ne cessent de se perpétuer tant sur le plan
national comme international. Rappelons l'affirmation de L.V.THOMAS lorsqu'il
dixit : « les négres sont des primitifs (...)L'africain n'a pas
de langue mais tout au plus des idiomes ou des dialectes ,pas d'histoire mais
à la rigueur des chronologies ,pas d'art mais seulement un folklore...Il
n'est pas capable de science ou de philosophie, son seul savoir était
magique ou empirique ;ni de morale puisqu'il obéit,
singulièrement à celle du sexe »33
Cette sournoise et insultante pensée de L.V.THOMAS
continue de dominer certaines mentalités africaines qui, sans fondement
pensent que nos langues sont loin d'être des vecteurs de
développement et de progrès socioéducatifs.
*Reproduction
Selon BOUDON et BOURRICAUD dans Dictionnaire critique de
la sociologie, le concept de reproduction dans son acception sociologique
est dû à MARX. Les processus économiques qualifiés
par MARX de processus de reproduction simple sont caractérisés
par la constance de la reproduction et de la stabilité des relations de
production : les individus sont remplacé dans le temps mais le
système se reproduit à l'identique. Un processus est dit par MARX
de reproduction élargie lorsque la production est croissante mais que
l'organisation économique ou les rapports de production demeurent
stables : la production augmente, mais les relations entre les classes comme
les relations des individus à l'intérieur des clases (par exemple
la concurrence entre les capitalistes) demeurent
constante34.Cependant, MARX a orienté le concept de
reproduction sous l'angle économique. Ce qui lui confère une
dimension réductionniste qui nous oblige à revisiter d'autres
conceptions.
33 L.v.THOMAS, 1974, « acculturation et nouveaux
milieux socioculturels en Afrique Noire », Bulletin de l'IFAN,
série B, T.XXXI, p172.
34 Boudon et Bourricaud, 1982, Dictionnaire
critique de la sociologie, PUF, pp500-504.
Par ailleurs, la conception bourdieusienne semble plus
adéquate pour notre problématique dans la mesure où il a
opéré une analyse socioéducative de la reproduction
prenant en compte le facteur enseignement.
Selon lui, la reproduction sociale est « le principe
qui dévoile l'illusion de l'indépendance et de la
neutralité des structures sociales ». Elle légitime un
arbitraire culturel, reproduit la structure de la distribution du capital
culturel et met à nu les contradictions qui affectent le système
d'enseignement présentant les agents à la fois comme produits et
reproducteurs des structures. La reproduction de la domination s'effectue par
le biais de la violence symbolique, c'est à dire la capacité
à faire méconnaître l'arbitraire de ces productions
symboliques, et donc à les faire reconnaître comme
légitimes.
En effet, la reproduction consiste dans l'esprit de notre
étude à la répétition permanente et
incalculée du système d'enseignement légué par nos
maitres d'hier(les colonisateurs).Ce système demeure oppressif et
anesthésiant en ce qui concerne nos identités intellectuelles et
culturelles dans la mesure où nos valeurs culturelles ne peuvent
être traduites et interprétées que par nos valeurs
linguistiques.
*Représentation
L'expression « système de représentation
» désigne d'une manière générale l'ensemble
des idées et des valeurs propres à une société. Ces
données traitées par la sociologie comme des
réalités autonomes existant indépendamment de ce les
psychologues appellent des « représentations » ou des «
images » mentales .Toute société élaborait ainsi
plusieurs systèmes de représentations spécialisées
: du cosmos, de la totalité sociale, de la magie et de la sorcellerie,
etc. Dans l'esprit des individus, de tels systèmes ne sont
présents que de façon généralement
incomplète et particulièrement conscient : on parlera de
représentations collectives, qui témoignent d'attitudes
intellectuelles du groupe et non de dispositions mentales individuelles. Cette
conception antipsychologique a principalement été défendue
par DURKHEIM et par ses continuateurs.35Le théoricien de
l'holisme méthodologique pour qui les représentations collectives
sont extérieures aux consciences individuelles, les conçoit
35 Bonté -Izard, 2000, Dictionnaire de
l'ethnologie et de l'anthropologie, QUADRIGE /PUF, pp 626-627.
comme un « effet passif et souvent
déformé de ce monde par le biais des pratiques dont elles
seraient une reproduction simulée »36
Il s'agit donc d'un concept plus large que celui d'attitude
car l'attitude ne permet qu'un positionnement par rapport à un seul
objet. La représentation sociale, par ailleurs, fonctionne comme un
`'système d'interprétation régissant notre relation au
monde et aux autres, orientant et organisant les conduites et les
communications sociales».Elle fonctionne comme un système cognitif
(avec ses interprétations affectives, sociales et normatives)
d'interprétation et d'action sur le monde. Les représentations
sociales d'un groupe prennent appui sur la mentalité du groupe,
c'est-à-dire reliées à son système de valeurs et
à sa vision du monde. `'Une représentation s'inscrit toujours
dans un cadre de pensée préexistant»
Une représentation sociale est le résultat de la
transformation d'une série d'expérience concrètes
vécues en une sorte de `'théorie spontanées» à
propos des expériences. Cette `'théorie spontanée' est le
résultat d'une sélection des informations, dune
`'neutralisation» de certaines d'entre elles (c'est-à-dire, de
transformation en choses concrètes).
Les représentations sociales interviennent ensuite dans
la perception de la réalité en proposant des schémas
touts- faits. Elles sont alors à l'origine de préjugés.
Elles exercent sur tous les membres du groupe une influence qui les poussent
à adopter la représentation sociale dominante et, plus s'y
conformer, lorsque cette représentation sociale concerne leur
identité.37
Dans un autre angle, JODELET en dira : « c'est une
forme de connaissance, socialement élaborée et partagée,
ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une
réalité commune à un ensemble social. Egalement
désignée comme `'savoirs de sens commun'' ou encore `'savoir
naïf'', `'naturel'', cette forme de connaissance est distinguée,
entre autre, de la connaissance scientifique »38
Par ailleurs, les représentations sociales apparaissent
comme un ensemble symbolique exerçant une influence effective sur les
groupes et leurs conduites .Dans une perspective quasi similaire que celle de
JODELET, J.M.SECA, la notion de représentation sociale est
analysée comme un « système de savoirs pratiques
(opinions, images, attitudes, préjugés,
stéréotypes, croyances) générés en partie
dans des contextes d'interactions interindividuelles
36 Denise JODELET, 1994, Les
représentations sociales, Paris PUF.
37 Alex MUCCHIELLI, 2001, La psychologie
sociale, Hachette, p92-93.
38 Denise JODELET, op.cit.1994, pp36-37.
ou/et intergroupaux »39.En d'autres
termes, la représentation sociale est comprise comme une organisation
sociale des pratiques immatérielles d'une société
donnée. Elle peut être également un point d'arrivée
après un long travail de perception réalisé par
l'interrelation des membres du groupe social par rapport aux données
environnementales ou contextuelles.
En effet, à supposer que ces deux définitions
soient pertinentes parmi tant d'autres, elles s'inscrivent en substance dans la
logique de notre problématique de recherche. A ce titre, nous concevons
que le terme `'représentation» désigne tout simplement un
ensemble de comportements psychiques ou mentaux collectifs et/ou individuels
à priori qui orientent la façon de voir ou de considérer
les choses (de se les représenter) par un agent social. Elle peut
être selon le comportement du groupe, une bonne ou mauvaise
représentation qui peut être sous-tendue par le contexte
sociohistorique de ce groupe. C'est pour dire, par exemple comment le
sénégalais individuellement ou /et les sénégalais
collectivement perçoivent les langues nationales par rapport au
système éducatif formel et leurs comportements moraux qu'ils
entretiennent à l'égard d'elles après un contexte
marqué par la colonisation.
Ainsi, comme nous le savons bien, cette période de la
vie des sénégalais plus que jamais marquée par une
politique d'acculturation entreprise par l'envahisseur ou l'usurpateur (les
colonisateurs) constitue un contexte fort par rapport aux
représentations sociales de nos objets matériels et
immatériels longtemps affaiblis par le pouvoir de la domination mentale
ou symbolique des colonisateurs.
39 J.M.SECA, 2002, Les représentations
sociales, ARMAND COLLIN.
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