4.1. Aperçu sur l'enquête
Dans cette partie il est question de faire le compte rendu des
donnés quantitatives et qualitatives obtenues sur le terrain et de
pouvoir les analyser sociologiquement pour mieux visibiliser le comportement du
fait étudié. Pour ce faire, nous présenterons des tableaux
qui mettront en exergue les croisements de variables telles que le sexe,
l'âge, les perceptions sur les LN, la catégorie
socioprofessionnelle des acteurs socioéducatifs etc. Dans la suite nous
allons en effet, interpréter nos investigations dans le but de
vérifier nos hypothèses de recherche.
Notre questionnaire a été administré aux
acteurs socio éducationnels notamment les PE en se basant sur un
échantillon de 20 personnes comportant des hommes et des femmes dont la
tranche d'âge se situe entre vingt (20) et plus de soixante(60) ans.
4.1.1. Présentation par identification
sociologique des PE50 *
Tableau 1 : Répartition selon l'âge et le
sexe
Age
|
20 -30
|
31-40
|
41-50
|
51-60
|
60 ou plus
|
Total
|
Sexe
|
|
|
|
|
|
|
Homme
|
00
|
03
|
06
|
01
|
03
|
13
|
Femme
|
01
|
00
|
03
|
01
|
02
|
07
|
Total
|
01
|
03
|
09
|
02
|
05
|
20
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
Le tableau ci-dessus met en exergue l'âge et le sexe des
personnes enquêtées(les PE). Elles sont en effet, au nombre de
vingt(20) dont treize (13) hommes et sept (07) femmes. L'âge moyen des
personnes interrogées est de quarante sept (47) ans. Ce qui permet
d'affirmer en substance que ces derniers ont une connaissance ou
expérience sur le fonctionnement du SEF du fait de leur statut de PE. En
effet, nous nous permettons de dire dans l'esprit de notre
50 Parent d'élève
recherche que : Le PE est un membre de la
société qui peut être à la fois actif et passif par
rapport à la vie de l'école .C'est un individu-acteur social qui
a sa perception et son action à donner ou à faire sur
l'enseignement par rapport à ses orientations, son fonctionnement et ses
reformes. Il a, susceptible d'avoir ou avait des agents éducatifs
(apprenants) sous sa responsabilité et sous sa tutelle. En effet, le PE
n'est pas obligatoirement le parent ou le tuteur qui assiste aux
réunions de l'établissement ou participe aux activités
élaborées par l'association des PE, mais il peut être
passif tout en ayant sa vision par rapport aux données éducatives
de sa localité ou de sa société.
*Tableau 2 : Répartition selon l'ethnie et le
sexe
Ethnie
sexe
|
Sérère
|
Wolof
|
Peulh
|
Autres
|
Total
|
Homme
|
05
|
03
|
04
|
01
|
13
|
Femme
|
05
|
01
|
01
|
00
|
07
|
Total
|
10
|
04
|
05
|
01
|
20
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
Notre démarche quantitative n'a pas manqué de
prendre en compte la dimension genre au niveau des PE en la mettant en
corrélation avec la dimension ethnique. Ainsi, cette dernière
constitue un élément fort en ce qui concerne le choix et la
conception des PE sur la problématique des langues ou de la langue
d'enseignement.
Par ailleurs, la configuration ethnique et linguistique
plurielle de la commune da Fatick, comme partout dans le pays, nous
amène et nous oblige à procéder à un diagnostic
dèmolinguistique de nos résultats. Notre enquête au niveau
des PE a fait ressortir généralement ces trois appartenances
ethnolinguistiques : les sérères, les wolofs et les peulhs. En
effet, le tableau montre que la majorité des enquêtés
appartienne à l'ethnie sérère et par conséquent la
langue sérère constitue leur langue maternelle. Nous avons eu :
dix (10) sérères dont cinq(05) hommes et femmes, quatre(04)
wolofs dont trois (03) et une (01)
femme, cinq(05) peulhs dont quatre (04) hommes et une 01
femme.51En effet, cette analyse socio ou ethnolinguistique de nos
données nous permettra plus tard de décrypter les
déterminants socioculturels ou multilinguistiques (s'ils existent) sur
les facteurs de blocage de l'insertion des LN à l'école
élémentaire formelle.
*Tableau 3 : Répartition selon la catégorie
socioprofessionnelle
Catégorie socioprofessionnelle
|
Fonctionnaire de l'Etat
|
Travailleurs du secteur privé
|
Travailleurs du secteur informel
|
Sans activité
|
Total
|
Effectifs
|
14
|
00
|
04
|
02
|
20
|
Pourcentage
|
70 %
|
0%
|
20%
|
10%
|
100%
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
Notre entretien directif constitue en outre, le moment de
repartir les répondants en fonction de leur catégorie
socioprofessionnelle. En effet, soixante dix pour cent (70 %) des PE
interrogés sont des fonctionnaires de l'Etat contre vingt pour cent (20
%) et dix pour cent (10%) qui sont respectivement dans le secteur informel et
des non travailleurs.
51 Nous avons mis en exergue seulement les ethnies ou
LN dominantes dans notre questionnaire. Celles qui ne sont pas fortement
représentées sont mises dans la rubrique « Autres
».
*Tableau 4 : mesure de la volonté des PE sur
l'introduction des LN à l'école
Position
|
Pour
|
Contre
|
Tacite
|
Total
|
Effectifs
|
19
|
01
|
00
|
20
|
Pourcentage
|
95 %
|
05 %
|
00%
|
100%
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
« Ce sont les parents qui n'aiment pas l'introduction
des langues nationales à l'école » : disait plus d'une
fois le ministre de l'Education nationale, Kalidou DIALLO dans certains medias
sénégalais. Cette affirmation du ministre nous a poussé
à vouloir diagnostiquer la conduite des PE face à la
problématique d'introduction des LN dans le SEF. Les parents sontils
contre un enseignement bilingue (français +LN) à l'école ?
Voila la question à laquelle tente de répondre notre
démarche quantitative en essayant de mesurer le sentiment des PE sur
l'enseignement de nos langues dans les programmes scolaires.
Ainsi, sur vingt (20) PE enquêtés, dix neuf (19
%) approuvent l'introduction des LN dans le système éducatif .En
valeur relative, ils constituent quatre vingt quinze pour cent (95 %) des
répondants.
Cependant, cet accord n'est pas sans raison dans la mesure
où la justification de cette volonté est sous tendue par des
arguments de ce type : « parce que cela permet la connaissance de
toutes nos valeurs (enracinement) et l'ouverture s'en suivra » ; «
c'est un point positif dans la mesure où nos enfants deviennent
performants surtout dans les domaines scientifiques » ; « permet
à l'élève d'avoir une plus grande connaissance et une plus
nette maitrise des apprentissages » ; « permet une bonne
communication entre les enseignants et les apprenants, permet une bonne
compréhension des enseignements, c'est dans sa langue nationale que
l'enfant a une meilleure compréhension des apprentissages » ;
« mieux on utilise sa propre langue, plus on est à l'aise dans les
autres langues. Ça permet aussi la sauvegarde des valeurs culturelles
propres » ; « peut permettre une mobilisation sociale autour de nos
valeurs nationales » ; « permet une amélioration des
résultats scolaires ». (Enquête de terrain, commune
de Fatick, avril 2011). La problématique de l'enseignement bilingue
à l'école intéresse les PE. Ces discours témoignent
une volonté ô combien déclamée par les PE par
rapport au projet d'introduction des LN dans le SEF. En effet, l'utilisation
des LN dans les programmes scolaires permettrait
au moins deux choses : le développement cognitif rapide
des jeunes apprenants et leur endoculturation-rèenculturation »
52 par rapport à leurs environnement et valeurs culturels. En
effet, les parents sont conscients que la transmission de connaissances n'est
facile que si le moyen linguistique utilisé émane de sa propre
culture. Si nous sommes d'avis avec cet argumentaire, il serait alors pertinent
de dire que le choix et le comportement éducatif d'un pays doivent avoir
une relation avec son comportement socioculturel. C'est dans ce sens que KI
ZERBO parlait d'Education endogène pour le continent africain. Comment
analysons - nous les pléthoriques dictons et proverbes en LN très
souvent utilisés dans la vie sociale sénégalaise sans
qu'ils puissent avoir accès au SEF de base ? L'absence de ces proverbes
et dictions dans le SEF est la résultante de l'absence des LN dans ce
dit système. Intitule de rappeler que l'essai de leur traduction ou leur
équivalence en langues occidentales trahirait en substance leur sens et
par là, les apprenants pourraient en amont ignorer le vrai sens et le
contexte culturel des codes sociaux mis en exergue par ces styles
linguistiques. Par conséquent, ces mediums de transmission de
connaissances mis en oeuvre dans l'enseignement élémentaire
formel, auraient comme atouts la compréhension des cours qui corsera
ensuite les résultats scolaires. A supposer que ces arguments soient
pertinents, nous confessons que ce projet d'introduction des LN à
l'élémentaire conduirait à un double succès qui se
range, entre autres, dans le domaine cognitif et socioculturel.
En effet, par le biais de notre questionnaire les PE n'ont pas
passé sous silence leur ferme dessein à l' égard de
l'accueil des langues maternelles des jeunes sénégalais à
l'école formelle.
En conséquence, sont fausses et aberrantes les
thèses qui affirment que les parents n'aiment pas l'introduction des LN
dans le SEF. Ces dernières s'inscrivent soit dans une perspective de
tromper l'opinion publique en usant du pseudo- refus des parents, soit qu'elles
sont le fruit d'une politique mal définie dont la communication
publique/sociale n'est pas bien formulée ou entreprise. Si les parents
n'ont pas manqué de montrer leur désapprobation par rapport aux
réformes linguistiques de l'école, c'est parce que la couverture
communicationnelle n'était pas assurée par l'Etat. Beaucoup de
nos enquêtés chargés de piloter les classes
expérimentales ont eu à déplorer ce manque d'information
à l'égard des parents. Ainsi, la majorité d'entre eux ne
sait pas comment doivent se passer les reformes de l'école et les
programmes qui s'y passent ou qui y sont envisagés. De ce fait, certains
parents n'ont pas su accueillir le
52 Selon le professeur Gora MBODJ, les termes
endoculturation et rèenculturation constituent le processus de retour et
de recours à sa culture après une phase d'acculturation ou
d'assimilation culturelle vécue.
projet de l'enseignement bilingue ou multilingue à
l'école puisqu'ils le considéraient comme anodin par rapport au
système classique. En somme, le tableau qui suit montrera l'enthousiasme
des parents face l'introduction des LN dans les programmes scolaires.
*Tableau 5 : considérations des LN dans le SEF par
les PE
Considérations
|
Très bonne
|
Bonne
|
Très mauvaise
|
Mauvaise
|
Non précis
|
Total
|
Effectifs
|
13
|
07
|
00
|
00
|
00
|
20
|
Pourcentage
|
65%
|
35%
|
00%
|
00%
|
00%
|
100%
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011
Ce tableau ci-dessus témoigne d'une interrelation par
rapport au tableau 4. Ainsi, décrire et analyser le comportement des
acteurs socioéducatifs (les PE) face à une éventuelle
réforme linguistique de l'enseignement élémentaire,
revient à s'interroger sur les perceptions ou considérations par
rapport à l'insertion des LN dans les enseignements de l'école
formelle. Par ailleurs, à travers les réponses collectées
au niveau des PE, les considérations des LN dans le SEF sont bonnes
voire très bonnes. En effet, soixante cinq et trente cinq pour cent (65
% et 35%) des parents interrogés estiment qu'il serait bon d'introduire
les LN dans le système d'enseignement actuel.
Cependant, notre enquête quantitative ne
décèle pas de mauvaises considérations venant des PE par
rapport à la mise en oeuvre des LN dans le SEF. Formellement, ces
acteurs socioéducatifs déclarent être consentants à
un système d'enseignement bilingue. En effet, le tableau 5 nous fait
remarquer que sur vingt répondants il n'y en a aucun qui fait preuve de
mauvaises considérations sur l'introduction de nos langues dans le
système éducatif actuel.
En somme, la majorité des parents considère
l'enseignement bilingue comme un atout pour le développement des
instances éducationnelles et socioculturelles. En effet, cette conduite
formellement exprimée par les PE dans le questionnaire est-elle toujours
le cas dans les discours formels ou/et informels de la réalité
sociale?
*Tableau 6 : Types de causes de la non-introduction des
LN dans le SEF selon les PE
Causes
|
Politique
|
Economique et
didactique
|
Multilinguisme social
|
Autres
|
Sans réponse
|
Total
|
Effectifs
|
12
|
03
|
02
|
00
|
03
|
20
|
Pourcentage
|
60%
|
15%
|
10%
|
00%
|
15%
|
100%
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
La connaissance empirique durable et certaine sur le
système d'enseignement de la plupart des PE nous a permis
d'évaluer leurs perceptions sur les facteurs de blocage
c'est-à-dire les faits qu'ils estiment être les causes de la non
introduction des LN à l'école élémentaire formelle.
En d'autres termes, la connaissance des parents du mode de fonctionnement, des
reformes et des politiques linguistiques sur l'éducation formelle nous
permet de faire une analyse sur la vision ou la compréhension sociale
des blocages de l'enseignement de nos langue à l'école
formelle.
Selon les données de l'enquête, les
déterminants politiques, économico didactiques et multilingues
ont été signalés par les répondants. En effet, la
majorité des parents déclarent le manque de détermination
politique comme un facteur de blocage fondamental. Par ailleurs,
pusillanimité des politiques est ainsi mentionnée par
l'enquête : sur les vingt (20) PE, douze (12) soutiennent l'aspect
politique comme le premier facteur qui empêche d'introduire nos langues
à l'école. En valeur relative, ils constituent soixante pour cent
(60%) des enquêtes. Dans ce même ordre d'idée, les
illustrations faites par les parents sur la question de la
velléité politique sont sous tendues par des propos de ce genre :
« les expériences entamées ne sont jamais
arrivées à terme » ; « les politiques portent plus de
considérations aux projets d'enseignement d'un autre pays qu'à
l'introduction des langues nationales » ; « le SEF
sénégalais se fonde sur la volonté et les orientations des
bailleurs de fonds » ; « chaque année on nous parle de
l'introduction des LN dans le SEF.je pense que ça ne se produira pas car
nous vivons une nouvelle système de
colonisation »53 ; « le
gouvernement n'a pas mis les moyens » ; « depuis qu'on a lancé
l'idée ,on constate un manque de suivi de la part des autorités
» ; « si l'Etat voulait l'introduction des langues à
l'école ,il y aurait mis les moyens » ; « est ce que le
gouvernement aime ça » ; « les finalités
éducatives dépendent des décideurs
».(Enquête de terrain, commune de Fatick, Avril 2011).
Les parents interrogés dans notre enquête ayant
un niveau d'instruction élevé, moyen ou faible et même ceux
qui sont sans niveau ont conscience des blocages de l'enseignement bilingue au
Sénégal dus, selon la majorité d'entre eux à une
carence de traduction en actes concrets des projets, programmes et politiques
éducatifs. Lorsque nous analysons les propos des PE, la
responsabilité des politiques est mise en exergue par des concepts comme
: décideurs, Etat, autorité, gouvernement, bailleurs de
fonds. En effet, ces concepts mis en rapport causal avec les blocages de
l'introduction signifieraient que ces types- idéaux nommés par
les répondants, constituent en amont le noeud du problème. Pour
les parents, les acteurs ou agents cités n'ont pas su et pu s'engager
à fond afin de concrétiser les politiques théoriquement
élaborées depuis des décennies.
Ainsi, par rapport au comportement timoré des
politiques, certains PE ne manqueront pas de signaler l'influence de la
politique étrangère sur les orientations éducatives
sénégalaises. L'introduction des LN dans le système
éducatif est-elle ralentie, déconseillée ou «
interdite » par les grandes puissances qui financent en partie «
notre Education nationale » ? En tout état de cause, nous ne sommes
pas aptes à apporter une réponse à cette interrogation
dans la mesure où certaines de ces puissances interviennent même
sur la mise en oeuvre d'un enseignement bilingue au
Sénégal.54Comment comprendre donc l'intervention de
ces anciennes puissances « dèculturatrices » dans notre
politique éducative et linguistique ? En effet, nous tenterons d'y
apporter des réponses dans nos futures recherches.
Cependant, d'autres enquêtés ont axé leurs
réponses dans le domaine économico didactique et plurilingue.
Contrairement à la vision précédente, celle-ci n'est pas
très bien représentée ou prise en compte par les PE. Seul
quinze pour cent (15%) et dix pour cent (10%) soutiennent respectivement les
facteurs économiques et multilingues comme les blocages premiers
liés à ce projet d'enseignement des LN à l'école.
En valeur absolue, ils constituent seulement trois
53 Dans le souci de respecter la méthode de
transcription des réponses des enquêtés, nous nous sommes
nullement engagés à corriger certaines fautes ou erreurs
d'orthographe ou grammaticales.
54 Le projet EMILE (première édition
2010-2011) financé par World Vision dans le département de Fatick
pour l'enseignement du sérère dans certaines classes des
écoles élémentaires formelles.
(03) et deux (02) parents qui soutiennent cette thèse :
les facteurs de blocage sont à rechercher dans le comportement
économique et socioculturel de l'Etat du Sénégal.
Ainsi, le contexte de dépendance économique de
notre pays fait que le système éducatif est anéanti et ne
parvient pas en retour à se doter de moyens pour la réalisation
de ses entreprises élaborées. Ils utilisent des propos de ce type
pour justifier leur vision : « les langues
nationales qui ont été introduite l'ont été avec
beaucoup de difficultés faute de support, de matériel et de
formation continuée et de suivi » ; « parce que se serait
difficile de payer des enseignants en wolof, sérère ; peulh etc.
». (Enquêtes de terrain, commune de Fatick, Avril 2001).
En outre, selon la configuration sociographique et
sociolinguistique du pays certains la considère comme un facteur de
blocage à ne pas négliger. En effet, ces facteurs
sévissent dans l'espace intra et extra scolaire dans la mesure où
certains comportements linguistiques de la vie sociale sont transposés
dans le milieu éducatif. Ceci peut être remarqué dans les
propos suivants avancés par certains répondants : «
Certains enseignants sont mal à l'aise dans cette LN » ; «
problème de cohésion nationale ». (Enquêtes
de terrain, commune de Fatick, Avril 2001).
En somme, ces dernières remarques sont en amont
rangées dans le système de représentation sociale que les
sénégalais font des LN par rapport à une historique
linguistique marquée par la domination de la langue française. En
effet, cette situation sera prise en compte dans notre analyse et
interprétation des entretiens que nous aurions à
réaliser.
*Tableau 7 : relation entre la langue de l'ethnie et le
choix de la LN à introduire dans le SEF
Ethnie
LN
préférée
|
Sérère
|
Wolof
|
Peulh
|
Autres
|
Total
|
Sérère
|
09
|
01
|
00
|
00
|
10
|
Wolof
|
00
|
03
|
01
|
00
|
04
|
Peulh
|
01
|
02
|
02
|
00
|
05
|
Autres
|
00
|
01
|
00
|
00
|
01
|
Effectifs
|
10
|
07
|
03
|
00
|
20
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
Nous avons dans notre recherche jugé opportun de
ressortir la relation qui existe entre langue de l'ethnie des PE et leur choix
ou préférence de la LN pour l'éducation de leurs enfants.
Dans la mesure où le facteur multilinguisme social est prononcé
comme un élément lié à la non introduction des LN
dans les programmes scolaires, il serait pertinent de mesurer et d'analyser le
comportement des sénégalais (surtout des PE) face au
plurilinguisme par rapport à l'éducation formelle. Ainsi, dans le
tableau 7 il apparait clairement que la langue maternelle ou ethnique est
primée sur toutes les autres par les répondants. En effet, sur
dix (10) PE appartenant à l'ethnie sérère, les neuf(09)
prônent pour l'enseignement de la langue sérère, trois (03)
PE de l'ethnie wolof sur quatre (04) préfèrent en premier
l'introduction du wolof et sur cinq (05) parents de l'ethnie peulh, deux(02)
recommandent la langue peulh contre deux (02) sont pour le wolof et un(01) seul
pour le sérère. En effet, la justification du choix des
enquêtés est à rechercher dans leur appartenance socio
ethnique et non dans la logique des faits. C'est que nous appellerons plus tard
la tendance à l'ethnocentrisme de la société
sénégalaise.
En effet, seul un(01) PE sérère, par ailleurs
maitre expérimentateur, donne la priorité au wolof dans la mesure
où, selon lui la langue wolof regorge des richesses techniques et
sémantiques qui rendent facile la transmission de connaissance, par
exemple les dictons et proverbes largement partagés par tous les groupes
ethniques sénégalais.
En conséquence, cet ethnocentrisme peut être
qualifié d'aveugle ou d'irrationnel dans le fait que même les
agents qui s'y adonnent n'ont, pour la plupart, pas de compétences
formelles (écriture ou lecture) sur leurs langues d'appartenance
ethnique. Le tableau suivant mettra en exergue ce que nous venons d'aborder.
*Tableau 8 : compétences en LN des
enquêtés
Capacités
|
Lire seulement
|
Ecrire seulement
|
Lire et
écrire
|
Ni lire ni
écrire
|
Total
|
Effectifs
|
02
|
00
|
13
|
05
|
20
|
pourcentage
|
10 %
|
00%
|
65%
|
25%
|
100%
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
La compétence linguistique ou pour parler comme BOURDIEU
le « capital
linguistique »constitue un indicateur
éminent concernant la politique de promotion des langues et le sens
donné à la langue par la société où elle est
parlée. Ainsi, à travers notre enquête nous remarquons que
la société sénégalaise n'est pas en reste pour ce
qui est de l'écrire et de la lecture des LN. Notre tableau ci -dessus
montre que sur vingt (20) PE, les treize (13), soit soixante cinq pour cent
(65%) déclarent être en mesure de lire et d' écrire leur
langue maternelle. Par contre vingt cinq pour cent (25%), soit cinq sur vingt
(5 /20) des répondants ne savent ni lire ni écrire leur langue
maternelle.
Par ailleurs, le capital linguistique en LN existant chez la
plupart des PE peut s'expliquer par un contexte sociohistorique bien
déterminé. En effet, pendant les premiers moments des
indépendances et un peu plus tard dans les années 1990 avec la
redéfinition de nouvelles politiques linguistiques, le
Sénégal s'était inscrit sur les bases d'une politique
dynamique de promotion des LN. Cette politique était sous tendue par ce
qu'on appelé l` alphabétisation. Cette dernière
consiste à enseigner la lecture et l'écriture d'une langue aux
adultes et aux adolescents qui n'ont pas été scolarisés.
Cependant, au Sénégal cette alphabétisation était
aussi ouverte aux personnes instruites ou scolarisées en français
mais qui ne le sont pas en langue nationale.
C'est dans ce sillage que la quasi-totalité des PE
interrogés fait parti de la génération qui a eu à
se doter des attributs linguistiques plus soutenus que les
générations actuelles.
*Tableau 9 : information sur les programmes
d'introduction des LN dans le SEF au niveau des PE
PE
|
PE informés
|
PE non informés
|
Total
|
Effectifs
|
12
|
08
|
20
|
Pourcentage
|
60%
|
40%
|
100%
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
L'existence des programmes ou projets d'un enseignement
bilingue ou multilingue n'a jamais été non connue par les
populations sénégalaises. La grande majorité des parents
ou des acteurs socioéducatifs est plus ou moins consciente de
l'idée sur les reformes linguistiques élaborées par l'Etat
du Sénégal. Ainsi, ce qui reste à savoir ou à
mentionner c'est la non- connaissance totale ou suffisante de ces programmes.
En effet, nos enquêtes nous ont permis de remarquer que la plupart des PE
argue avoir connu les projets mis en oeuvre par l'Etat. Par ailleurs, soixante
pour cent (60%) des PE disent être informés(être ou courant)
des programmes qui ont eu lieu en ce qui concerne l'introduction des LN dans le
SEF ,soit douze (12)sur un total de vingt(20) PE. Cependant, quarante pour
cent(40) des PE ignorent l'existence de la mise en oeuvre des programmes
d'enseignement bilingue, soit huit (08) PE sur un total de vingt (20).A
rappeler, que certains PE déclarent être au courant de ces
programmes tout en se versant dans un amalgame : ils cofondent l'introduction
des LN dans les programmes scolaires avec les programmes
d'alphabétisation que nous avons récemment explicités.
*Tableau 10 : Langue parlée dans les lieux de
travail
Langue
|
LN
|
Français
|
LN et Français
|
Total
|
Effectif
|
14
|
05
|
01
|
20
|
Pourcentage
|
70%
|
25%
|
05%
|
100%
|
Sources : enquêtes de terrain dans
la commune de Fatick, Avril 2011.
Il existe un déphasage entre la langue de
l'administration qui est l'officielle et les langues locales/nationales et
parfois dites vernaculaires qui sont communément utilisées dans
les
interactions sociales, professionnelles ou interpersonnelles
à l'enceinte de tous les secteurs et services administratifs formels du
pays (écoles, institutions judiciaires etc.).C'est dans ce sillage que
nous nous sommes intéressé à ressortir le comportement et
le choix linguistiques des sénégalais par rapport au comportement
de la langue officielle optée par l'Etat du Sénégal. A ce
titre, nous décrirons à travers le tableau 10 la relation
existante entre langue officielle et LN dans les instances administratives par
rapport aux lieux de travail. En effet, dans les données obtenues
soixante dix pour cent (70%) soit quatorze (14) sur vingt (20)
répondants utilisent les LN pour communiquer dans leur lieu de travail.
Par ailleurs, ces chiffres peuvent être illustrés clairement par
les remarques faites sur ce sujet lors de nos observations : dans un de nos
lieu d'investigation ; l'école élémentaire Darel 2 dont le
directeur faisait parti des maitres expérimentateurs des classes
bilingues (2002-2010), nous avons pu assister à trois scènes qui
mettent en exergue le problème que nous venons d'exposer :
D'abord, une réunion du corps professoral tenue en LN
plus exactement en Wolof a attiré notre attention. Même le
directeur dans notre entrevue n'a pas manqué de nous signaler le fait
dans le but de mentionner l'incontournable recours aux LN dans les lieux de
travail formel: « tu as vu toi-même tout à l'heure, on
faisait notre réunion en wolof » disait-il. (Observations sur
le terrain, commune de Fatick, Avril 2011).
Ensuite, une enseignante qui répondait au
téléphone devant ses élèves n'a pas
échappé à l'automatisme linguistique
déterminé par la langue maternelle. Nous entendîmes ces
propos : « allô !ca va. Nanga deff ? (...) mala
raw (....) Ana sèn waa keur(...) naka ligguèy
bi nak (....) ah diam rek (.....) ». (Observations sur le terrain,
commune de Fatick, Avril 2011).
Nous avons pu remarquer en fin, des discussions permanentes
entre collègues de l'école. Ainsi, les enseignants
échangeaient des propos par le biais des LN, soit en wolof, soit en
sérère.
En somme, lorsque nous poussons l'analyse de ces faits
jusqu'à son terme nous dirons que les LN sont plus
représentées et plus usitées que le français dans
les instances administratives formelles. Ainsi, au Sénégal nous
passons d'une période d'interdiction des LN à un moment de
laisser parler au sein des secteurs ou services administratifs. La
première période remonte
au temps de la colonisation et quelques années
après l'indépendance où l'usage des LN dans les lieux
formels de travail (par exemple dans les bureaux) était formellement et
symboliquement proscrit. Par ailleurs, dans le deuxième moment (de nos
jours) la ligne de démarcation qui existait entre LN et langue
officielle est franchie. Il n'existe quasiment plus de limite en ce qui
concerne l'usage d'une LN ou de la langue officielle dans les services
administratifs formels. En conséquence, l'usage exclusif du
français est noté dans des cas rares.
Selon les données obtenues, seuls vingt cinq pour cent
(25%), soit cinq sur vingt (5/20) des répondants utilisent seulement le
français dans le leur lieu de travail. En revanche, seuls cinq pour cent
(5%) des enquêtés déclarent utiliser à la fois
langue officielle et langue (s) nationale (s).
En somme, d'après nos enquêtes la langue
officielle, constitutionnellement comme medium de communication dans les
services administratifs formels, est fortement engloutie par les LN à
travers les interactions des acteurs socioprofessionnels. Ce fait s'explique
t-il par un refus de parler la langue d'autrui ? L'habitus linguistique agit-il
en permanence dans les lieux de travail ?
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