3) Promotion de la lecture et de la culture à la
BNUT
a) Le service de prêt-distribution
Le service phare de la BNUT, jusqu'à la crise des
année 1990-2000, a été le service de
prêtdistribution et de consultation des collections du magasin,
doté de fonds éclectiques à la fois anciens (avant 1930)
et modernes. Les usagers pouvaient emprunter les livres du dépôt
légal et des collections ajournées, ce qui correspondaient
à une véritable politique d'acquisition, correspondant aux
missions de la bibliothèque et aux besoins des usagers. Aujourd'hui, on
constate un déclin de l'emprunt à la BNUT crise qui ressemble
à celle des bibliothèques de lecture publique anglo-saxonne ou
française. Par exemple, en 2009, sur les 54 026 personnes admises au
service de prêt, un peu moins de la moitié (20 125) ont
utilisé ce service. Les chiffres du carnet de bord Tous publics
appuient le constat des professionnels, puisque les livres les plus lus
à la BNUT sont ceux de la salle de consultation (33%), lorsque l'emprunt
des monographies n'est effectué que par 21% des publics.
Pour l'emprunt des documents, les analyses
croisées51 démontrent que généralement
les étudiants sont ceux qui ont le moins répondu à la
question des collections et les autres publics aussi. Quant aux chercheurs, on
se rend compte qu'ils empruntent par contre régulièrement
à la BNUT : 50% affirment avoir utilisé le service de prêt
le mois dernier et 20% aujourd'hui.
L'emprunt des documents est aussi caractérisé
par une différence entre le public étudiant et les autres
publics: 27% du nombre total des publics dit avoir emprunté un document
le mois dernier, soit 23% des étudiants, contre 31% pour les autres
publics. Par contre la tendance s'inverse pour l'utilisation de documents sur
place, le jour même avec 14,8% des étudiants contre 7% des autres
publics. Les autres
50 SCALE Luciano, Biblioteche statali : a che punto siamo
?, « Biblioteche oggi », novembre 2006, p. 14- 15
51 v. Annexe 2, L'enquête quantitative,
Tableaux croisés, p. 55-57
publics sont aussi ceux qui empruntent le plus sur le long
terme, puisque 31% disent avoir emprunté le mois dernier. Les
étudiants généralement ont donc une consultation assez
éphémère des documents, c'est-à-dire sur place,
tandis que les autres publics ont une utilisation plus équilibrée
des différentes collections de la BNUT.
Hormis l'emprunt des documents, un autre clivage existe entre
les publics actifs, les chercheurs et les étudiants. Il s'agit du genres
de livres empruntés au service de prêt-distribution, puisque les
autres publics utilisent surtout les livres d'histoire, de politique, de
littérature moderne et classique, des genres particulièrement
présents dans le magasin de la BNUT, et les chercheurs empruntent
principalement la critique littéraire, l'histoire et la politique,
lorsque les étudiants utilisent les manuels scolaires et les livres de
sciences humaines, ce qui caractérise une fois encore leur utilisation
de la BNUT comme un espace privilégié pour l'étude.
Ces chiffres et ces usages diversifiés des collections
soulignent que les publics ont des besoins très diversifiés, pour
lesquels la constitution de politiques d'accueil adaptées s'avère
nécessaire.
En effet, tant dans l'enquête quantitative, que dans
l'enquête qualitative, la bureaucratie du système d'emprunt et la
politique d'accueil a été vivement critiqué par les
étudiants, principalement, mais aussi par les autres publics. Les
premiers ont affirmé ne pas vouloir emprunter de documents car le
système de prêt est plus compliqué que dans les autres
bibliothèques turinoises, reprochant ainsi à la BNUT son
côté bureaucratique et « à l'ancienne ». Le
"décorticage" de la procédure mise en place pour emprunter les
livres à la BNUT permet toutefois de comprendre pourquoi les
étudiants se passent du service de prêt et de consultation. A la
BNUT les livres ne sont pas en accès direct, un phénomène
récurrent dans l'ensemble des bibliothèques du territoire
italien. Les bibliothèques municipales, telles que la Civica
(bibliothèque de lecture publique centrale), ont un magasin et peu
de livres en libre-service, et toutes les bibliothèques universitaires
fonctionnent aussi par le biais du magasin. Seules les bibliothèques de
proximité ont l'avantage de disposer d'étagères en
libre-service. Ce phénomène trouve son explication dans
l'architecture des bibliothèques italiennes : la plupart d'elles sont
dans des bâtiments historiques, où des travaux nécessitent
de suivre un cadre législatif stricte et difficilement applicable. Un
étudiant fait une telle remarque dans l'enquête quantitative :
« Mettez tous les livres après 1900 dans les étagères
! ». Ainsi, pour pouvoir consulter un livre et l'emprunter, l'usager de la
BNUT doit passer par quatre services distincts :
1. il doit compiler un document, qui requiert nombreuses
informations sur le livre et le lecteur, à écrire deux fois (un
volet pour l'administration, l'autre est mis à la place du livre dans le
magasin), et qui est à consigner au service de distribution ;
2. la demande est envoyée au magasin, une immense tour
de six étages, et elle revient avec le livre au service de distribution,
où un bibliothécaire appelle le lecteur par les 3 derniers
chiffres de sa carte et lui consigne le livre pour la consultation;
3. si le lecteur souhaite emprunter le livre, il doit aller
au service de prêt et
4. repasser pas le service de distribution pour tamponner une
attestation d'emprunt.
Si on somme le temps pour remplir les documents (2 à 3
minutes chacun), l'attente, les passages d'un service à l'autre,
l'obtention d'un livre requiert une quinzaine de minutes minimum. En sachant
qu'il arrive que l'usager se trompe dans la collocation (ou autre indication
bibliographique) du document recherché (confusion avec les collocations
des autres bibliothèques) et qu'aucun service d'aide n'est alors
assuré par les bibliothécaires de ce secteur, les temps d'attente
peuvent s'allonger davantage. En effet, la salle était jusqu'à
présent dotée d'ordinateurs pour les recherches bibliographiques,
mais ce secteur a été délocalisé au niveau des
balcons de la salle de consultation, à l'autre côte de
l'étage, sans aucune visibilité ou signalétique claire
pour les lecteurs. En témoignent les étudiants n°6, 10 et 11
de l'enquête
qualitative,52 qui racontent en détail le
cheminement parsemé d'embûches qu'ils doivent suivre pour
accéder à un document, ou la fatigue et l'énervement
généré par le grand nombre d'opérations diverses de
la salle de distribution et de prêt.
Mais le phénomène le plus frappant, dont les
étudiants aussi font parti, est que 43,8% des usager a affirmé
qu'au moins une fois ils ont demandé un livre qui était
déclaré « présent » dans l'OPAC, mais les
bibliothécaires leur ont dit que le livre était « manquant
». Un phénomène vraiment inquiétant pour les
chercheurs, puisque 80% de ce public a été victime du
phénomène livre manquant, et d'ailleurs répandu en Italie,
comme témoigne la doctorante n°8 de l'enquête qualitative,
qui nous conte ses mésaventures à Rome, où elle
s'était déplacée spécialement dans le but de
consulter des livres, qui n'étaient pas présent à la
bibliothèque alors qu'ils apparaissaient sur l'OPAC de la
bibliothèque comme disponibles. Deux facteurs expliquent que les livres
soient manquants à la BNUT, soit le livre est mal rangé dans le
magasin, soit il n'est pas ramené par l'usager. Il faut noter que les
bibliothèques italiennes sont entièrement gratuites et qu'aucunes
pénalités financière n'existent dans le réseau des
bibliothèques turinoises. A la BNUT, aucune suspension ou sanction n'a
lieu si les livres sont manquants, et aucune lettre de rappel n'est
envoyée à l'usager retardataire. Ce qui peut effectivement
pousser certaines personnes peu scrupuleuses à faire leur shopping
à la bibliothèque...
La bibliothèque a tenté de faciliter le service
de prêt-distribution par le « prêt en ligne », mis en
place depuis moins d'un an, orientée d'ailleurs vers un public qui n'est
pas toujours étudiant. L'usager téléphone ou envoie par
courriel les informations bibliographiques du document qu'il recherche. Le
livre est ensuite recherché dans le magasin et mis de côté.
Si le livre n'est pas disponible ou manquant par contre, les usagers n'est pas
toujours prévenu, et l'usager se déplace alors à la
bibliothèque sans motif. Le problème étant que certains
usagers non turinois se déplacent à la bibliothèque pour
un document précis, dont la collocation apparaît sur le catalogue,
mais absent des rayons. Mais le prêt en ligne est récent et peu
connu des usagers à l'heure actuelle. L'accueil des publics en ligne
permet de faciliter l'accès pour faire gagner du temps, rendre visible
les collections, les services et le personnel.
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