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Les étudiants et l'usage des services d'accueil de la Bibliothèque nationale universitaire de Turin

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par Jessica ROUSSEL
Institut universitaire de technologie de Dijon  - Métiers du livre et des bibliothèques 2010
  

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2) Les services les plus utilisés par les étudiants : la salle d'enregistrement, la salle de consultation

L'accroissement de la scolarisation et de la formation continue conduit de plus en plus d'étudiants à étudier à la BNUT. Comment les accueille-t-elle ? Quels services propose-t-elle à ces nouveaux publics ?

La vie des étudiants à l'intérieur de la BNUT est caractérisée par trois lieux emblématiques : l'enregistrement des publics à l'accueil - qui est aussi la salle des périodiques -, à côté de l'entrée principale ; les services de la salle de consultation au deuxième étage, lieu de prédilection des étudiants, où ils peuvent étudier sur des grandes tables ; la salle de distribution et de prêt, où les collections du magasin sont empruntables et où on peut, depuis un mois à peine, consulter le dépôt légal dans les étagères ouvertes.

a) L'enregistrement des usagers : l'accueil

Le décret DPR 1995/14744 stipule que dans les bibliothèques d'État et les BN les casiers sont obligatoires : avant d'entrer, les usagers doivent déposer leurs sacs et autres objets. Par contre, si du côté de la bibliothèque plusieurs raisons expliquent ce phénomène (un budget restreint, qui ne permet pas de magnétiser tous les livres), la nécessité de déposer ses affaires dans des casiers lors de sa venue à la bibliothèque a suscité de nombreux remous dans l'enquête, et notamment de la part des étudiants. Une critique récurrente vise en effet le manque endémique de casiers (160 environ pour 420 postes assis), ainsi que la perte de temps qu'ils engendrent. Il faut par contre souligner que la BNUT a modifié un point de l'ordonnance ministérielle, puisqu'avant 2006 il était interdit d'entrer dans la salle de consultation avec son propre matériel, tandis que maintenant il est désormais possible d'entrer avec ses

42 v. Annexe 2, L'enquête quantitative, Tableaux de bord, p. 41

43 cf. supra, p. 6

44 DPR.1995, n°147, Titre IV, service au public : lecture, points 31. Conditions d'admission et 32. Accès et comportement.

propres livres, crayons et matériel informatique. Cette modification atteste l'acceptation de la part de la Direction que la plupart des usagers ne viennent plus pour consulter les livres ou les manuscrits, mais pour travailler sur ses propres documents.

Après avoir laissé ses affaires dans les casiers, l'enregistrement est le premier service rencontré à la BNUT. Les service d'accueil délivre aux nouveaux usagers une carte d'accès aux différents services de la bibliothèque. C'est avec cette carte que l'usager doit se rendre dans la salle d'enregistrement pour déclarer son entrée et sa sortie. L'enregistrement est effectué à l'aide d'Erogazione servizi, un logiciel informatique inventé par un des informaticiens de la BNUT. Un logiciel simple d'accès, qui permet d'enregistrer en moins de 15 minutes l'usager. Pour les étudiants, l'information la plus difficile à comprendre et à appliquer est la norme qui les oblige à passer à l'accueil pour déclarer qu'ils rentrent ou sortent de la bibliothèque, mesures qu'ils considèrent comme un acte de contrôle qu'ils aiment déjouer. Un local, situé entre l'enregistrement et les escaliers principaux qui mènent à la salle de consultation, sert en effet à la surveillance des usagers. Ces mesures sont par ailleurs justifiées par la sécurité de l'établissement, mais aussi afin de connaître le nombre d'usagers et leur identité en cas d'incident, ainsi que pour protéger le patrimoine de la bibliothèque, qui possède une salle des manuscrits rares.

Pourtant, malgré la volonté de simplifier les conditions d'accès à la bibliothèque, le nombre d'usagers insatisfaits par le service d'accueil est assez élevé. Les enquêtes quantitative et qualitative démontrent le mécontentement des étudiants. Dans la première, à la question « Dans quels espaces t'estu rendu aujourd'hui ? », les étudiants ont répondu à 13% seulement qu'ils se sont rendus à l'accueil-salle des périodiques, les autres n'ayant certainement pas compilé cette partie, par agacement, par méconnaissance du nom de service dans lequel ils étaient - ou par déstabilisation par le nom accueilsalle des périodiques, puisque souvent ils utilisent l'un ou l'autre service sans penser qu'ils sont dans un même et unique espace. Des commentaires négatifs apparaissent dans les réponses ouvertes : « Devoir signaler par une carte son entrée et sa sortie fait perdre beaucoup de temps et je ne pense pas que ce soit utile. » Certains étudiants vont jusqu'à ajouter que l'enregistrement à l'accueil «dérange les activités d'étude et de recherche ». Dans l'enquête qualitative, le témoignage de l'étudiante n° 6 confirme un tel constat, et elle critique par ailleurs l'ensemble du système des services de la BNUT, défini « trop bureaucratique », un jugement récurrent des entretiens.

Hormis l'enregistrement, l'autre service proposé par la salle d'enregistrement est l'accueil des étudiants, par l'information et l'orientation, c'est-à-dire indiquer la présence d'autres services dans la bibliothèque, leur localisation, leurs horaires etc.

Par ailleurs, des hausses journalières de la fréquentation (11h, 14h, 18h), ne permettent pas de gérer les différents publics efficacement. Par la quantité d'usagers quotidiens, ce service n'est pas toujours un service d'accueil, puisqu'il faut enregistrer et aider les usagers le plus rapidement possible, afin de ne pas entraîner le mécontentement des autres usagers qui patientent. Les étudiants, souvent nouveaux dans ce service, peuvent donc être désorientés et perdus, car les bibliothécaire n'ont pas le temps de délivrer toutes les informations nécessaires. Des brochures n'existent pas à l'heure actuelle, bien qu'une une Touch box soit présente, mais elle est peu utilisée, sinon par les professeurs qui organisent des visites de la BNUT pour leurs étudiants.

Les bibliothécaire de la salle d'enregistrement-périodiques sont donc confrontés tous les jours au problème de l'accueil des publics étudiants, nouvelle forme d'accueil qui entraîne des problèmes dans la qualité des informations premières à délivrer pour orienter l'usager. Afin d'améliorer la politique d'accueil des l'établissement, envers les étudiants mais aussi les lycéens, à se repérer dans les locaux de la bibliothèque, d'ici quelques semaines, un guide sur les différents services d'accueil de la BNUT devrait être disponible, en italien, anglais et français et ce grâce à l'association Les amis de la BNUT.

Association qui soutient la bibliothèque et l'aide financièrement. Une carte de la qualité des services a été mise en ligne en 2008 et est en cours de restructuration actuellement, afin d'améliorer le rapport entre l'usager et les services de la bibliothèque.45 De plus, une signalétique introduit la zone d'accueil, sous la forme de flèches.

b) La salle de consultation

La salle de consultation est le service le plus utilisé par les étudiants universitaires et les lycéens de la BNUT (77%), contre 70% pour les autres publics. Ce « succès » s'explique parce que la salle est spacieuse et munie de tables d'études grandes, qui peuvent accueillir jusqu'à 420 personnes. Elle est la deuxième plus grande salle de consultation italienne, après celle de la BN de Florence. 88,5% des étudiants universitaires viennent à la BNUT pour étudier et 25% pour ses concentrer, c'est-à-dire qu'ils se rendent surtout dans la salle de consultation et ne sont pas spécialement intéressés par les autres services.

Dans la salle de consultation des matériels bibliographiques sont mis à disposition des usagers pour les aider à effectuer leurs recherches. Contrairement à ce que dit l'enquête de 2010, les usagers semblent consulter habituellement les livres de ce service (40% les étudiants, 55% les autres), utilisés d'ailleurs le jour même par un nombre correct d'étudiants universitaires (29%). Un autre point intéressant de l'enquête est le jugement des usagers sur la signalétique de la salle de consultation, ainsi que son système de classification. 70 000 volumes sont en effet mis en libre-service sur les étagères : encyclopédie générales, dictionnaires, répertoires biographiques, bibliographies générales, langue et littérature moderne etc., ce qui donne une soixantaine de cotes, classées de haut en bas (des balcons de la salle, vers l'espace inférieur) alphabétiquement (de CONS.A à CONS. X). De plus, les ouvrages sont classés par sections. Un système qui semble être compliqué au premier abord, puisque le nombre de sections et de cotes est élevé, mais aussi à cause du manque de visibilité des ouvrages sur les étagères, dont la classification est mentionnée sur de petites étiquettes, visibles seulement de près. On peut comprendre qu'à la vue de toutes ces étagères pleines de volumes savants, dont les contenus sont aujourd'hui « dépassés » à cause de leur date de publication ancienne, l'étudiant - habitué désormais plus aux couleurs et aux multimédias d'Internet qu'à l'ambiance sacrée d'une bibliothèque nationale - puisse être désorienté. En outre, la signalétique dans ce secteur n'est constituée que par un unique panneau, ancien, daté des année 1980, ce que confirme que seul 29% des publics interrogés dit ne pas avoir de problèmes dans la recherche d'un livre. Les ennuis que rencontrent les étudiants de la BNUT avec les collections de la salle sont d'ailleurs confirmés par quelques commentaires ouverts de l'enquête quantitative,46 par des adjectifs qui qualifient les collections de « désuète », « vieille ». Mais aussi, à « améliorer avec un système classificatoire plus visible, pastilles de couleur », etc. Il est à noter que les étudiants n'ont majoritairement pas répondu à cette question, car elle était textuelle et les obligeait à s'exprimer sur un sujet que, peut-être, ils ne connaissent pas véritablement. Différemment des étudiants, les autres publics se montrent plus à l'aise avec les systèmes bibliothécaires traditionnels, car ils se servent davantage de la salle de consultation, comme nous avons vu, où ils manifestent un bon sens de l'orientation, puisqu'ils trouvent les livres très facilement (60%), lorsque les étudiants rencontrent certaines difficultés (38%) et ont aussi l'habitude de demander de l'aide à un bibliothécaire (33%), ce qui arrive aux plus « expérimentés » uniquement dans 14% des cas.

Autre problème rencontré dans le classement des livres sur les étagères, les livres manquants. En

45 Biblioteca Nazionale Universitaria, Ministero per i beni e le attivita'culturali, Carta della qualità dei servizi, 2008 non disponible actuellement, mais en ligne à l'adresse suivante: <http://www.bnto.librari.beniculturali.it/ >. Consulté le 29 mai 2011

46 v. Annexe 2, L'enquête quantitative, Réponses ouvertes, p. 60

effet, normalement l'usager qui emprunte un livre doit mettre à sa place un « marque-livre », avec le numéro de la table qu'il occupe. Mais ces consignes ne sont pas toujours respectées, notamment par les étudiants, et il arrive que les livres soient volés, car non magnétisés, ou ne soient pas rangées au bon endroit, ce qu'on retrouve dans les commentaires de l'enquête quantitative47 : « Parfois, certains livres ne sont pas rangés à leur bonne collocation ou alors ils résultent présents sur internet, mais une fois sur place, ils sont manquants ».

Il faut souligner que, pour résoudre ces problèmes, les ressources traditionnelles de la salle de consultation ont été progressivement intégrées par les ressources électroniques, selon le projet d'une salle de consultation virtuelle, en partie déjà réalisée.48 Six postes informatiques sont mis à disposition des usagers, qui peuvent les utiliser pour accéder aux catalogues en ligne (Librilinea pour le Piémont, Banca dati pour les journaux numérisés etc), ainsi que pour repérer les livres dans la salle de consultation. Il est en outre possible de se connecter à internet depuis son ordinateur personnel, même si les deux enquêtes ont souligné les difficultés des étudiants vis-à-vis d'une utilisation optimale de la salle de consultation et de ses ressources, à cause du wi-fi qui ne marche pas toujours bien, et pour lequel seuls 200 usagers peuvent se connecter en accès limité. En effet, seules vingt prises pour recharger les batteries des ordinateurs existent : « il y a peu de prises pour les PC, pour la batterie [...], parfois je ne viens pas parce que je sais que les prises sont déjà prises. ».

L'autre problème majeur est celui du bruit que font les étudiants, même si cinq bibliothécaires sont au centre de la salle de consultation, une disposition qui rend difficile la surveillance sur toutes les extrémités et les balcons, où les étudiants peuvent donc parler librement. Aucune solution n'a encore été mise en pratique pour assurer la tranquillité des usagers, mais aussi afin de permettre de travailler en groupe à ceux qui en ont besoin. Les commentaires à ce sujet sont récurrents tant dans l'enquête quantitative que dans l'enquête qualitative : « Une fois (il y a deux ans) le silence régnait dans tout l'édifice [...] et cela me déplaît à chaque fois que j'ouvre la porte de ce magnifique édifice historique » ; « Je trouve toujours plus difficile de faire des recherches à la BNUT, comme si elle faisait partie du passé. L'ambiance est devenue bruyante, ce qui n'aide pas à la concentration. » ; « Je pense que créer des espaces dédiés aux chercheurs, qui ont besoin de silence et de prendre de la distance avec les étudiants universitaires serait une très bonne idée. ». Le bruit dans la bibliothèque se propage surtout au niveau des balcons et à cause de la grande hauteur des plafonds. Ce problème permet de mieux saisir dans sa complexité le phénomène de l'accueil des publics et de leur cohabitation dans un espace décloisonné, où la bibliothèque doit assumer un double rôle: être un lieu d'étude, permettant le travail intellectuel, et être un lieu de sociabilité favorisant les échanges et les rencontres. La BNUT doit donc réfléchir sur les façons de faire cohabiter des publics aux usages plus diversifiés qu'autrefois et à la question des espaces et de leur division afin qu'un public n'en chasse pas d'autres.

Ainsi 49« L'accueil des publics en bibliothèque est une pratique politique d'ouverture sans perdre ni exclure. » Un autre problème est aussi la présence de certains publics "agressifs". En effet, en moins d'un an la bibliothèque a eu nombre de cas de violences physiques entre les usagers, constatées dans les toilettes, mais aussi en salle de consultation, à l'exemple d'un usager qui a provoqué un second étudiant en lui jetant son ordinateur sur le visage, lui cassant le nez. Ou encore, il y a moins d'une semaine deux usagers (étudiants et non étudiant) se sont disputés, un des deux allant jusqu'à mordre le petit doigt du second...

47 ibidem

48 DE PASQUALE ANDREA, L'integrazione tra risorse tradizionali e risorse elettroniche: come cambia la sala di consultazione di una Biblioteca Nazionale. Roma : « Bibliocom », 2002

49 CHEKIB Vincent, L'accueil des publics en bibliothèque: une pratique politique d'ouverture sans se predre ni exclure. Villeurbanne, ENSSIB, 2008

Ce ne sont pas les étudiants et leurs comportements qui sont à fustiger, mais le manque de personnel de la bibliothèque pour surveiller les usagers. La BNUT, composée aujourd'hui d'à peine 80 personnes et elle assume depuis quatre ans une trentaine de départ à la retraite. Luciano Scale,50 ministre des Biens Culturels, en 2006 souligne le manque et l'âge du personnel : les bibliothèques publiques d'État ont environ 3500 personnes avec une moyenne d'âge comprise entre 50 et 60 ans. Et pour avoir des bibliothèques publique d'État fonctionnelles il faudrait 750 personnes en plus...

A côté de ce jugement, pourtant, les étudiants universitaires expliquent dans les deux enquêtes qu'ils aiment venir à la bibliothèque pour le silence qui règne, le fait qu'elle soit une bibliothèque assez calme par rapport aux autres réseaux de lecture publique, comme le témoignage dans l'enquête qualitative de l'étudiant n°10, qui nous explique que la première pensée lui ayant traversé l'esprit lorsqu'il a pénétré le hall d'entrée de la BNUT, est le film allemand Les ailes de la liberté, de Wim Wenders, à cause de la luminosité de l'édifice, de ses espace et du silence qui règne.

En conclusion, le débat sur la salle de consultation et sur son utilisation par des publics distincts démontre que la politique d'accueil mise en place dans ce secteur est aujourd'hui en partie désuète : le nombre de bibliothécaires dans ce secteur est insuffisant, ou en tout cas mal réparti dans les différents espaces de la bibliothèque afin d'assurer un service de surveillance optimal; les heures de pointe, qui voient le public attendre longtemps à la salle d'enregistrement et remplir la salle de consultation, rendent l'aide aux recherches bibliographiques de plus en plus difficile pour une partie du public, et notamment des chercheurs et actifs occupés si on se réfère aux enquêtes, tandis que les étudiants apprécient fortement cette partie de la bibliothèque pour son calme et sa tranquillité.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault