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Les étudiants et l'usage des services d'accueil de la Bibliothèque nationale universitaire de Turin

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par Jessica ROUSSEL
Institut universitaire de technologie de Dijon  - Métiers du livre et des bibliothèques 2010
  

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III) A la loupe : étudiants et politiques d'accueil à la BNUT selon trois grands secteurs

1) L'identité des étudiants de la BNUT

a) Origines sociales

Dans notre analyse, nous ne prendrons pas en compte les actifs inoccupés et les retraités, des publics anodins de la BNUT. Les tableaux de bord nous montrent immédiatement certaines caractéristiques des différents publics de la BNUT : ils sont majoritairement âgés de 20 à 34 ans (67%), avec un diplôme de baccalauréat (46%) ou universitaire (31%) ; plus de la moitié étudie à l'université, 13,6% est au lycée, un quart travaille37 ; 8,8% du public est composé par des chercheurs, accompagnés par quelques rares doctorants.

Au moyen des tableaux croisées,38 par rapport aux différents niveaux d'études et profils professionnels, on constate que la majorité des publics de la BNUT, qu'ils soient étudiants ou autres, sont issus des classes moyennes et des métiers d'employé-services (68,8% des lycéens, 49,2% des étudiants, 50% des doctorants), mais aussi des métiers d'agriculteurs, artisans, commerçants (18,8% les étudiants du supérieur, 28,8% les étudiants). Pour ce qui concerne les étudiants, il est intéressant de souligner le pourcentage relativement haut de ceux qui ont un père ouvrier (8,5%), dans une ville qui connaît depuis les années 90 une forte réduction des entreprises manufacturières suite à la délocalisation de FIAT. Le fait qu'aucun des lycéens interrogés sorte d'un milieu ouvrier est explicable par le fait que, si les étudiants viennent généralement d'ailleurs (de l'étranger, d'autres régions, du Piémont, de la périphérie de Turin), les lycéens habitent tous près de la BNUT, donc en plein centre ville.

De ces premières observation, on peut donc constater que le public de la BNUT est jeune et cultivé, composé pour ses 2/3 d'universitaires (étudiants, doctorants et chercheurs), issu en grande partie de classes moyennes.

b) Analyse du public étudiant de la BNUT

Le développement et la démocratisation des bibliothèques s'explique par la banalisation des études universitaires : en 2010, 94 757 étudiants étaient inscrits dans les université turinoises.39 En Italie, comme dans la plupart des pays européens, la condition d'étudiant s'est généralisée, puisque selon le Ministère de l'Instruction, de l'université et de la recherche, 56% des jeunes italiens sont étudiants et peuvent accéder à l'université, quand 39% des jeunes français accèdent aux études.

Étant donné que le public étudiant qui fréquente la BNUT est composé pour la plupart d'étudiants universitaires inscrit dans les filières de lettres, langues ou sciences humaines, sa majorité est de sexe féminin (65,6%). En effet, selon l'ISTAT, 60% des femmes sont titulaires de la laurea (licence) en Italie.40 Les usagers titulaires d'un doctorat41 sont aussi présents parmi les publics de la BNUT, 11%, ce qui démontre qu'elle n'est pas une simple salle d'étude, mais encore un lieu de recherches. 9% des publics étudiés sont enseignants-chercheurs et malgré l'émergence d'un nouveau public « étudiant » et l'absence d'espaces de lecture individuels, où il pourraient s'isoler des bruits qu'occasionnent les

37 Trois étudiants se sont aussi déclarés « actif occupé ».

38 Annexe 2, L'enquête quantitative, Tableaux croisés, p 55-57

39 Observatoire régional pour l'université et pour le droit aux études universitaire, [en ligne] < http://www.ossreg.piemonte.it/default_it.asp> Consulté le 05/06/2011

40 Ibidem

41 v. Annexe 2, L'enquête quantitative, Tableaux de bord, p. 35

étudiants, les chercheurs qui fréquentent régulièrement les lieux de la BNUT sont relativement nombreux. Il faut en outre souligner que l'enquête s'est déroulée pendant l'après-midi alors que, à cause de leur emploi du temps chargé et pour éviter la gêne occasionnée par le public étudiant, les enseignants-chercheurs ne se déplacent que le matin. Comme pour les étudiants, dans cette catégorie socioprofessionnelle on observe une forte présence de femmes, ce qui peut être à nouveau expliqué par leur spécialisation dans les lettres, langues et arts du spectacle, des domaines fortement féminisées et développés à Turin, ville phare de la culture italienne, et dans les collections de la BNUT. En effet, selon l'ISTAT, seules 33% des femmes sont enseignants-chercheurs, sexe minoritairement représenté surtout dans la recherche scientifique.

Les résultats de l'enquête qualitative aussi ont été fructueux, touchant des catégories de publics hétérogènes : des lycéens en sciences sociales et statistiques, en théologie, médecine, philosophie, psychologie, ingénierie, sciences politiques, architecture ; une doctorante en histoire de l'art ; un journaliste-bloguer et une « rédactrice » (écrivaine) ; un figurant - passionné de théâtre ; un retraité, lecteur de romans en langue originale, qui vient à la BNUT car « la bibliothèque de quartier est trop proche et que ça n'a pas de sens de sortir pour se promener dix minutes ». Si le lieu de résidence des publics interrogés avec l'enquête quantitative est majoritairement Turin, à 62,7%, le Piémont à 27,1% et autres pour 10,2%, les origines des personnes interrogées par l'enquête qualitative sont encore moins homogènes, ce qui est donc plus intéressant : Turin, Aoste, Ferrare, Varèse, Gênes, Palerme et la Sardaigne. Des villes et des régions lointaines, caractéristiques des étudiants de troisième cycle et de master. Selon l'ISTAT, en effet, les étudiants titulaires de la laurea (licence), bien que fortement présents au domicile de leurs parents, ont plus de possibilité d'étudier dans une autre région. Il est aussi important de noter que l'enquête quantitative a été compilée par 7,2% d'étudiants universitaires étrangers, ce qui correspond à l'attractivité du pôle universitaire, qui compte 11% d'étrangers parmi ceux inscrits en 2010-2011.

La spécialité universitaire des étudiants et la proximité de leur lieu d'étude semble déterminer leur choix dans la fréquentation de la BNUT. Si on compare les carnets de bord Autres publics on remarque qu'une grande partie des non-étudiants (40,4%) ont une spécialité « classique », liée au monde de la culture (lettres, langues, arts etc), tandis que 8,8% sont spécialisés en sciences humaines, 7% en médecine, pharmacie, santé et 3,5% en économie-gestion. Le lien des publics non-étudiants à la bibliothèque est déterminé par leur spécialité, c'est-à-dire qu'ils viennent à la bibliothèque non pas pour simplement étudier, mais aussi pour leurs recherches. Si on observe par contre le carnet de bord Étudiants, les spécialités sont plus homogènes, avec seulement 26% d'étudiants spécialisés dans la culture, 18% en sciences humaines, 18% en autres domaines (de nombreux étudiants en psychologie et en sciences de l'éducation ont compilé la case autres, dans le questionnaire, car la terminologie « sciences humaines » est peu utilisée en Italie), 16,6% en économie et gestion, 11,5% dans les métiers de la santé. Cette différentiation en cours des spécialisations des publics des la BNUT démontre le fait qu'elle est fréquentée par des publics non spécifiquement intéressés aux collections de la bibliothèque, ainsi plus proche des universités fréquentées par les étudiants. En effet, les universités (Atenei) de Lettres, langues et arts, sciences humaines, droit et économie sont situées en hypercentre, près de la place Carlo Alberto, ainsi que la faculté de Mathématique et de médecine. Il faut noter que les ingénieurs côtoient aussi la bibliothèque, alors qu'ils disposent au polytechnique de 17 bibliothèques spécialisées. La BNUT accueille donc deux typologies distinctes de public : des étudiants universitaires, fortement présents, qui utilisent la bibliothèque comme salle d'étude, mais aussi un public de doctorants, de chercheurs et de travailleurs (journalistes, écrivains...) présents dans le cadre d'une recherche précise. nLa BNUT est donc caractérisée par sa politique d'accueil très large et, donc, la mission de

démocratisation du savoir qu'elle revendique aujourd'hui la rapproche des autres établissements de lecture qui recouvrent le réseau des bibliothèques de Turin42 : la Civique Centrale, que les étudiants de l'enquête quantitative fréquentent à 39%, le réseau des 23 bibliothèques de proximité (27,1%) ainsi que les 80 bibliothèques universitaires (39%). Ainsi, les étudiants de la BNUT sont " multi-fréquenteurs ", tandis que les autres publics qui utilisent le matériel mis à disposition à la bibliothèque sont "monofréquenteurs ". L'enquête qualitative démontre cette attitude des étudiants, comme le témoignage de l'étudiante n°10 : « Je fréquente la BNUT depuis un an et demi, mais je vais plus souvent à la bibliothèque de mon Département [...], parce qu'au bout d'un moment, je n'arrive pas à me concentrer si je suis toujours dans le même espace ».

La connaissance de la BNUT par les étudiants universitaires et les autres publics est souvent assez récente, puisqu'on découvre que 6,8% des étudiants interrogés venaient pour la première fois, ce qui représente une partie assez importante de l'échantillon analysé. Si on confronte les résultats avec ceux des autres publics, on remarque en outre que les étudiants qui connaissent la BNUT depuis plus qu'un an sont moins nombreux (57,9% contre 72,7% des autres publics), ainsi que ceux fréquentent la bibliothèque depuis quelques semaines (12,8% contre 3,6%) ou depuis quelques mois (29,8% contre 23,6%). Cela confirme les données sur la forte hausse dans la fréquentation de la BNUT43 et nous montre que les nouveaux usagers sont majoritairement des étudiants, bien que le nombre des autres publics nouveaux ne soit pas anodin.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault