a) Histoire
L'histoire de la BNUT12 débute sous la
volonté du souverain de Savoie Vittorio Amedeo II, en 1723, dans les
anciens locaux de l'Université (Regia Università),
édifiée par l'architecte royal Filippo Juvarra. Les fonds
patrimoniaux des bibliothèques les plus importantes de la ville furent
alors mis en commun : la Bibliothèque Ducale (actuellement
Reale), la Bibliothèque Civile et la Bibliothèque de
l'Université. L'union de ces trois fonds riches en collections
prestigieuses explique la vocation érudite et la mission de conservation
assumée par la BNUT. En effet, lorsque Giuseppe Pasini entrepris le
premier catalogage de la nouvelle bibliothèque,13 elle
conservait 2014 volumes, parmi lesquels de nombreux livres rares, incunables,
miniatures et manuscrits grecs, latins, orientaux, français et italiens.
Le droit sur le dépôt légal, qui oblige les éditeurs
piémontais à envoyer une copie de toute nouvelle édition
à la BNUT, a permis à la bibliothèque de poursuivre la
quête d'un fond patrimonial riche de plus de 30 000 oeuvres.
Sous la domination de Napoléon, la Bibliothèque
devint temporairement nationale (1801) et
10 Turin (Bibliothèque Nationale Universitaire de
Turin), Milan (Braidense), Venise (Marciana), Naples
(Vittorio Emanuele III), Bari (Sagarriga Visconti Volpi),
Potenza et Cosenza.
11 MINA Claudia Camilla, D'ALESSANDRO CORSARO Agata, DE PASQUALE
Andrea [et al], Biblioteca Nazionale di Torino: guida breve,
Milano, Electa, 2000
12 L'histoire et les collections de la Bibliothèque
Nationale Universitaire de Turin sont consultables en ligne à
l'adresse <www.bnto.librari.beniculturali.it/> . Consulté
le 29 mai 2011
13 PASINI Giuseppe, Codices Manuscripti Bibliothecae Regii
Taurinensis Athenai, 1745-1770
impériale (1805), pour enfin reprendre sa
dénomination de Regia Biblioteca Universitaria après le
retour des Ducs de Savoie. A la fin du XIXe, la BNUT était riche
d'environ 4 000 manuscrits, en grande partie détruits ou
endommagés par l'incendie de 1904, qui brûla aussi le très
beau livre d'heures de Jan Van Eyck.14
Suite à cette catastrophe, en 1907 la
Bibliothèque fut transférée à son actuel
emplacement, dans les ex-écuries du Palais Carignano
édifiées par l'architecte Filippo Castelli, place Carlo Alberto,
qui furent bombardées par les alliés en 1942, détruisant
une partie des catalogues et 150 000 volumes. En 1958 la BNUT est de nouveau
modifiée, par les architectes Massimo Amodei, Pasquale Carbonara, Italo
Insolera, Aldo Livadiotti et Antonio Quistelli. La façade des
écuries, classée patrimoine historique, fut conservée,
tandis que l'intérieur de la BNUT fut agencée selon les
critères et les canons architecturaux des années 1960, même
si l'inauguration eut lieu en 1973. La nouvelle identité sera celle
qu'on connaît encore aujourd'hui : un édifice aux espaces larges
et lumineux de 3 300 m2, échelonné sur trois niveaux,
qui conserve 732 855 volumes imprimés, 241 670 périodiques, 18
214 opuscules, 10 063 cinquecentine, 1 603 incunables, 4 554 manuscrits, 1 500
gravures et un fond patrimonial musical exceptionnel qui attire les musiciens
du monde entier.15
b) Vers une démocratisation de la BNUT : du public
aux publics
Jusqu'aux années 1990 la BNUT était un centre
privilégié pour la recherche : des chercheurs venaient du monde
entier et utilisaient ses ressources. A partir des années 2000 surtout,
l'augmentation des étudiants dans les universités italiennes, le
développement des bibliothèques spécialisées, la
digitalisation, les archives numériques et les revues scientifiques en
ligne sont des facteurs à la base d'un processus de
défréquentation des locaux et des collections de la BNUT par les
chercheurs.
Par contre, la BNUT a entretenu des relations étroites
avec le public étudiant dès le XIXe siècle, lorsqu'elle
prit le nom de Bibliothèque Nationale Universitaire et que
l'université de Turin fut intégrée dans ses locaux. Ses
missions étaient désormais orientées vers la conservation,
mais aussi vers le service aux étudiants, ainsi que le recueil du
patrimoine universitaire. En effet, depuis le XVIIIe elle conserve plus de 16
000 thèses de licence, de maîtrise (« laurea »), de
doctorat, d'agrégation (théologie, loi, médecine-arts
etc). Une conservation qui se poursuit, puisque chaque université
turinoise envoie le travail de ses étudiants à la BNUT.
16
Avec l'émergence généralisée de
« l'individu concret » ou de « public-cible » et un
basculement des politiques d'accueil du « service public » aux «
services aux publics », afin de ne pas être uniquement
réservée aux chercheurs, de moins en moins fréquents, et
de dynamiser la bibliothèque en privilégiant les
étudiants, la Direction de la BNUT a décidé d'appliquer
différentes réformes pour adapter la bibliothèque aux
différents publics. Ce changement s'appuie sur des textes internationaux
relatifs aux bibliothèques publiques, donc des instituts dont les
missions sont bien différentes des BN (le Manifeste de l'Unesco sur
les bibliothèques publiques17 et la
Déclaration sur les bibliothèques et la
liberté
14 Dans les années 1980, environ 1700 des 2 000
manuscrits endommagés avaient été identifiés, et ce
grâce à la création d'un laboratoire de restauration en
1904, un des premiers à être crée à
l'intérieur même d'une Bibliothèque Nationale.
15 Parmi d'autres partitions, la BNUT conserve les originaux de
Vivaldi.
16 DE PASQUALE Andrea, La catalogazione delle tesi antiche
in SBN, «Biblioteche oggi», n°6, 2003, p.66 [en ligne]
<
http://www.bibliotecheoggi.it/2003/20030606601.pdf
>. Consulté le 29 mai 2011.
17 UNESCO, Manifeste de l'Unesco sur les
bibliothèques publiques, 1995: «Les services de la
bibliothèque publique sont fournis sur la base de l'accès pour
tous, sans distinction d'âge [...]»
intellectuelle de l'IFLA18), ainsi que
sur un texte national, l'ordonnance DPR 417/199519. Ces textes ont
repositionné la valeur du public dans les missions principales de la
BNUT, afin de faciliter l'usage de ses différents services et
d'optimiser l'accueil des usagers.
Bien que l'utilisation de ces textes de
référence soit critiquée par la plupart des
bibliothécaires de la BNUT, qui craignent la perte des missions, le
premier signe de démocratisation de l'accès à la BNUT est
l'amplification depuis 2006 des horaires d'ouverture de la bibliothèque
:« C'est un truisme que de dire qu'il serait vain de proposer de vastes
collections, beaucoup de services, si les populations à qui elles sont
destinées n'ont pas la possibilité d'y accéder aux
horaires qui leur conviennent. ».20 Avant l'application du
décret, les horaires de la BNUT étaient les suivants : ouverture
les lundi, mercredi, vendredi et samedi, de 08h à 14h30 et les mardi et
jeudi de 08h à 19h. Ainsi, les étudiants ne pouvaient pas
travailler, à cause des cours qu'ils avaient en même temps,
lorsque aujourd'hui les services sont ouverts tous les jours de 8h à 19h
et le samedi de 08h à 13h50, soit 61 heures d'ouverture hebdomadaire. En
conséquence de cette amplification des horaires, le nombre d'usagers de
la bibliothèque a considérablement augmenté : juste pour
les mois de janvier à avril, en 2011 le nombre de visiteurs a
augmenté de 95% par rapport au mois de janvier 2009 et 93% par rapport
au même mois en 2010.21 Des records de fréquentation
ont été atteints les mois de mai, juin, novembre et
décembre 2010 (10 610, 12 065, 11 564 et 10 077 usagers), et pour les
mois de janvier et février 2011 (18 292 et 16 471 usagers) : ce sont les
mois pendant lesquels les étudiants préparent leurs examens, ce
qui nous permet d'affirmer que la BNUT est la BN italienne la plus
fréquentée par les étudiants.
18 IFLA, Déclaration sur les
bibliothèques et la liberté intellectuelle, 1999:
«L'Ifla déclare que les êtres humains ont le droit
fondamental d'accéder aux expressions de la communauté [...]
»
19 v. DPR 417/1995, <
www.bncf.firenze.sbn.it/oldWeb/Privacy/dpr_5_7_95_nr147.pdf>.
[En ligne] Consulté le 15 mai 2011
20 JACQUES Jean-François, Services publiques. Les
horaires d'ouvertures des bibliothèques, « ABF »,
décembre 2010, n. 53-54, p. 33-38
21 BIBLIOTECA NAZIONALE DI TORINO, Ingressi utenti in
biblioteca