I] Les grandes bibliothèques italiennes et la
Bibliothèque Nationale Universitaire de Turin
1) Les bibliothèques nationales italiennes
Si l'on veut comprendre dans toutes ses nuances le processus
de démocratisation de la culture que la BNUT opère aujourd'hui en
Italie, il est important de la placer dans son contexte législatif et de
souligner les rôles assignés le long de l'histoire aux
bibliothèques nationales italiennes, qui depuis leurs origines ont
été chargées d'une mission de conservation de la culture,
ainsi que de formation des citoyens.
a) Les origines
Les origines des bibliothèques d'État puisent
leurs sources dans le monde hellénistique et romain, où les
bibliothèques de nombreux privés fleurirent sur toute la
péninsule, placées ensuite sous l'autorité suprême
de l'État : César et Auguste furent des symboles de l'ouverture
des bibliothèques au public. C'est pourquoi les bibliothèques
d'État n'avaient pas pour vocation le développement culturel du
peuple, mais d'assurer le pouvoir et la gloire des gouverneurs.
Dans le monde médiéval, les
bibliothèques d'État étaient principalement privées
: les princes et monarques des différents États italiens
assemblaient des collections prestigieuses dans les bibliothèques de
leurs palais. Et les intellectuels avaient la coutume de déposer et de
conserver les livres dans les monastères et les couvents. En effet, le
développement des bibliothèques publiques d'État ne verra
définitivement le jour qu'à partir du Quattrocento,
comme en témoigne l'italien Pétrarque, qui en 1362 propose aux
autorités de la République de Venise de mettre ses oeuvres
à la disposition des étudiants.8
Les bases des bibliothèques publiques d'État se
développèrent entre le XVIe et le XVIIe siècle,
après l'ouverture aux étudiants de la consultation des fonds
patrimoniaux, principalement constitués de manuscrits et de livres de
prestige. L'essor et l'uniformisation des bibliothèques publique
d'État eut lieu bien plus tard, au XIXe siècle, suite à
l'unification italienne et à l'uniformisation des services offerts par
l'instruction publique sur l'ensemble du territoire.
L'histoire des bibliothèques italiennes est capitale
pour la compréhension de l'organisation des services des BN. En effet,
il est important de préciser que lors du premier recensement de la
population de l'Italie unifiée et du processus d'étatisation de
grandes bibliothèques, en 1866,9 l'analphabétisme en
Italie touchait environ 17 millions de personnes, soit 75% de la population, et
plus de 50% des enfants n'allait pas à l'école. Toutes les
bibliothèques, populaires ou d'État, devenaient donc
fondamentales pour la formation morale et intellectuelle des citoyens.
b) L'ordonnance des bibliothèques publiques
d'État et leur cadre législatif
La Bibliothèque Nationale Universitaire de Turin
appartient aux bibliothèques publiques d'État, qui comptent sept
Bibliothèques Nationales, dix Bibliothèques Universitaires, six
Bibliothèques Historiques, dix bibliothèques avec une physionomie
mixte et onze bibliothèques annexées aux monuments historiques.
Les Bibliothèques publiques d'État, à cause de leurs
traditions antiques, se représentent plutôt comme des lieux de
tutelle et de conservation, plutôt que comme des lieux d'expression de la
volonté et des exigences des usagers.
8 v. MONTECCHI Giorgio, Manuel de
bibliothéconomie, 2006, p.46
9 POULAIN Martine, Les bibliothèques publiques en
Europe, Paris: Edition du Cercle de la Librairie, 1992
La structure des bibliothèques d'État italienne
est verticale. A son sommet on trouve les deux Bibliothèques Nationales
centrales (la Vittorio Emanuele II à Rome, la BNCF de
Florence), qui ont pour mission de recueillir, conserver et de rendre
disponible à l'usage public toutes les publications italiennes.
A côté de ces deux bibliothèques, existent sept
Bibliothèques Nationales,10 qui ont pour mission de
récolter les plus importantes publications antiques et modernes,
italiennes et étrangères, de compiler des catalogues
bibliographiques et de représenter, par le dépôt
légal, leur territoire et leur région. Les Bibliothèques
Nationales dépendent directement du Ministère pour les Biens
Culturels, crée en 1975, a qui furent attribuées les plus
importantes bibliothèques italiennes, ce qui fut vivement
critiqué par les régions qui contestaient la centralisation et
l'égalisation de toutes les bibliothèques, constituant alors une
entrave à l'évolution moderne des services
bibliothécaires.
L'ordonnance des bibliothèques publiques d'État
a reposé pendant trente ans sur le règlement organique du 5
septembre 1967 (n. 1501). Elles sont aujourd'hui régies par le
Nouveau règlement récent des normes sur les
Bibliothèques publiques d'État du 5 juillet 1995 (DPR
417/1995), qui leur assigne ces fonctions fondamentales :
· acquérir, conserver et ajourner la production
éditoriale italienne et étrangère, avec une attention
particulière aux instruments bibliographiques et de recherche, tenant
compte du caractère historique et humaniste de ses récoltes et de
l'exigence des usagers ;
· conserver, accroître et valoriser ses propres
collections historiques, dans lesquelles figurent de nombreux fonds antiques,
manuscrits, des oeuvres imprimées et des fonds musicaux, dans le cas de
la BNUT ;
· recueillir et conserver le matériel
documentaire qu'elle reçoit, dans son territoire de compétence,
en vertu de la loi pour le dépôt obligatoire des oeuvres
imprimées et des publications.11
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