Les institutions fédérales ne disposent pas de
compétences propres en matière de gestion des déchets. En
revanche c'est bien le Service Public Fédéral (SPF) Santé
Publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et
Environnement qui gère les questions d'engrais et d'amendements de sols.
La législation concernée est reprise dans l'arrêté
royal du 7 janvier 1998 relatif au commerce des engrais, des amendements du sol
et des substrats de culture.
Dans le cas de la mise en place d'une filière des
biodéchets à Bruxelles, il est essentiel d'assurer la
distribution et la commercialisation du compost et de ses dérivés
sur le marché bruxellois, belge et européen. Or la
législation actuelle a été pensée et
rédigée pour des produits phytosanitaires issus de la
pétrochimie. Elle n'est pas adaptée à la mise en place
d'un marché européen du compost, issu de la valorisation ou du
recyclage des biodéchets ménagers, et pour preuve, chaque demande
de commercialisation d'un amendement de sol issu du compostage doit faire
l'objet d'une demande de dérogation auprès du ministre
compétent. Si Bruxelles-Compost a pu obtenir une dérogation
(n° E M036.BR), alors que l'origine de son compost est facilement
traçable puisqu'il est issu à 100% de déchets verts, il
parait compliqué pour un compost de quartier, dont les biodéchets
sont très variés, de pouvoir vendre son compost. Même si la
vente de compost n'est pas l'objectif prioritaire d'un compost de quartier,
cette démarche pourrait donner une certaine autonomie financière
à chaque compost collectif.
Passons en revue les points principaux de l'Arrêté
Royal du 7 janvier 1998 :
L'article 2 stipule que l'arrêté est applicable
« à tout produit auquel est attribué une action
spécifique de nature à favoriser la production
végétale ». Par contre, l'article 3 alinéa 5
précise qu'il « n'est pas applicable aux matières
fertilisantes ou amendements du sol provenant des ressources naturelles de la
ferme, vendues dans leur état naturel ». Doit-on comprendre
que les exploitations agricoles ont le droit de vendre leur fumier ou lisier
sans contrainte ? Est-ce qu'une ferme est une entité juridique
définie ? Est-ce qu'une activité de compostage (urbain) peut
être apparentée à une ferme ?
De plus, l'article 8 de l'AR du 07/01/1998 précise que
« les produits visés par le
présent
arrêté doivent être de composition homogène et stable
et ce, jusqu'au stade
de l'utilisateur final (...) et doivent
être dans une telle mesure exempts de substances toxiques ou nocives,
d'insectes nuisibles, de nématodes (...) ou d'autres germes
phytopathogènes qu'ils ne puissent avoir une influence
défavorable ni sur les cultures, ni sur la santé des hommes et
des animaux, lorsque ces produits sont utilisés à des doses
normales et de façon judicieuse ». Si la préoccupation
du législateur quand à la préservation de la santé
humaine et de l'environnement est louable, il me semble impensable d'appliquer
une telle législation dans le cadre du développement d'une
filière du compost à Bruxelles. En effet, le processus
biochimique même du compostage implique l'action successive et/ou
simultanée de millions de bactéries, champignons et autre micro
ou macrofaune. Ces actions biochimiques ont pour conséquence
l'enrichissement du compost en humus26. Ici, l'exigence
d'homogénéité et de stabilité est impossible
à garantir à partir du moment où cet engrais ou amendement
de sol est issu de la collecte de biodéchets ménagers, qui par
définition sont inconstants et fluctuants en fonction des
périodes (influence des saisons sur nos habitudes alimentaires), des
quartiers (aspects culturels des habitudes alimentaires) etc.
L'article 5 précise que le « Ministre peut
admettre la commercialisation, aux conditions qu'il détermine
(C'est-à-dire ?), des produits qui ne figurent pas au tableur
». Il semble que ce soit là la seule issue pour commercialiser un
compost. Or cette procédure est lourde et inadaptée à de
petites unités de compostage :
« Pour obtenir une derogation, il faut introduire une
demande écrite, accompagnée d'un dossier contenant autant
d'informations que possible sur le produit. Le contenu précis du dossier
depend de la nature du produit mais le dossier doit, dans les grandes lignes,
contenir les elements suivants:
· Composition, nature et origine du produit
· Description du processus de production
· Valeur agronomique / garanties
· Un rapport d'analyse d'un laboratoire agree, avec le(s)
parametre(s) pertinent(s)
· La (les) destination(s), le(s) dosage(s) et mode(s)
d'emploi
· Un modele de l'etiquette ou du document d'accompagnement
»
Après une discussion avec l'administration du SPF
Santé Publique, Sécurité de la
chaîne alimentaire
et Environnement, j'en déduis que l'appellation «
engrais27 » est
26 Cf Définitions - Humus
27 Cf Définition - Engrais
définitivement réservée aux produits
phytosanitaires et que le compost entre dans la définition des «
amendements de sol organique28 ».
En définitive, sans un changement de
législation, il est impossible pour une unité de compostage
décentralisée d'obtenir toutes les garanties et analyses
demandée pour pouvoir commercialiser son compost. Pourtant, cela ne
remet aucunement en cause la qualité du compost produit ! Il me semble
que le compost et tous les enjeux inhérents à la production de
celui-ci méritent bien mieux qu'une législation par défaut
laissée à l'appréciation d'un ministre.
28 Cf Définition en Annexes - Amendement de
sol
Partie II - Les enjeux d'une gestion durable des
biodéchets à Bruxelles