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Vécu de guerre, PTSD, mémoire et attention : étude comparative chez des enfants à¢gés entre 8 et 12 ans

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par Rachelle EL HASROUNY
Universite Saint Joseph - Psychomotricite 2011
  

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I- Méthodologie de la recherche

Nous tentons dans cette recherche à répondre à la question suivante : Jusqu'à quel point, le vécu de la guerre du juillet 2006, peut-il avoir des répercussions actuelles sur les capacités attentionnelles et mnésiques des enfants du Sud du Liban, appartenant à la tranche d'âge 8-12 ans ?

Problématique

En réalité, la guerre au Liban est une situation à laquelle on ne pourra jamais échapper. En juillet 2006, le dernier conflit armé israélo-libanais, qui a duré trente-et-un jours, a laissé un bilan dramatique de pertes humaines et matérielles. Comme toutes les guerres, cette violence extrême nous a laissé des séquelles socio-psychologiques, économiques et environnementales, ainsi que la haine, le non-respect, la peur de l'autre ou de l'avenir, la difficulté à négocier, etc.

Des enquêtes sur les types des évènements liés à la guerre, ainsi que les actes de violence personnalisée, pouvant avoir des conséquences différentes sur la santé mentale des enfants et des jeunes, étaient essentiels, en gardant à l'esprit que les réponses à de tels incidents de l'exposition peuvent se manifester dans une gamme de doux à de graves troubles psychologiques, ou bien à une absence totale de troubles (Baker & Shalhoub- Kevorkian, 1999).

Toute guerre peut être considérée comme un ensemble d'épisodes stressants, causant des troubles psychologiques, neuropsychologiques, comportementaux, cognitifs, langagiers, moteurs, neurologiques, etc. Le syndrome le plus mis en évidence parmi ceux-ci est le syndrome du stress post-traumatique, connu surtout par le PTSD. Comme définition, cet état de stress post-traumatique a été décrit après la guerre de Vietnam, et appelé au début « la névrose de guerre ». C'est une réaction à un traumatisme physique ou psychique, une scène à laquelle on a assistée ou on a subie. Il y a un intervalle libre avant l'apparition du trouble. Le patient va présenter des flash-back des traumas, des troubles du sommeil, états de vigilance, etc.

Selon le DSM IV, ce trouble atteint 0.5 à 2 % de la population ; les femmes sont plus atteintes que les hommes. On peut avoir une rémission totale et sans rechute. Le diagnostic du PTSD selon ce même manuel est le suivant :

- Le sujet a été exposé à un évènement traumatique.

- La reviviscence de ce trauma.

- Évitement persistant des stimulis associés au traumatisme et émoussement de la réactivité générale.

- Présence de symptômes traduisant une activation neurovégétative : irritabilité ou accès de colère, insomnie ou hypersomnie, difficultés de concentration, hypervigilance, réaction de sursaut exagérée.

Il existe une relation de cause-à-effet entre la guerre et les manifestations stressantes. Selon McNally (1993), Saight et al. (1996), parmi les facteurs qui provoquent le stress posttraumatique chez les enfants, la guerre a été associée avec le taux le plus élevé. Malgré cela, nous n'attardons pas beaucoup sur la présence du PTSD chez les enfants sélectionnés pour cette recherche, et nous ne considérons pas que ces derniers soient psychopathologiques, car ces derniers ont vécus la guerre depuis quatre ans et demi ; même si la question de la durée des symptômes est aussi assez controversée.

Les différences dans les rapports sur la gravité des symptômes à long terme peuvent éventuellement s'expliquer par un certain nombre de facteurs qui diffèrent selon les études, notamment la gravité initiale à court terme des symptômes, le milieu psychosocial après le traumatisme, et la continuité des perturbations (Jones & Kafetsios, 2002 ; Kuterovac-Jagodic, 2003). Ce qui répond à la réalité du terrain du Sud du Liban, où un danger permanent persistait, ainsi que plusieurs attaques ont survenu après le cessez-le-feu, et des bombes à fragmentation existaient toujours.

Nous trouvons certains auteurs affirmant que les effets des expériences de guerre sont persistants (Elbedour, ten Bensel, & Bastien, 1993 ; Stein, Comer, Gardner & Kelleher, 1999). Tandis que d'autres suggèrent également qu'une fois la guerre terminée, il y a une diminution naturelle des symptômes post-traumatiques (Laor et al. 1997 ; Punamaki et al., 2001).

Parmi des enfants irakiens âgés de 4 à 8 ans, réfugiés en Suède, 21,4 % souffrent d'un PTSD, tandis que 30,9 % présentent un PTSD incomplet. La prévalence du PTSD est fortement liée à la gravité de l'exposition : 37,5 % chez les enfants sévèrement exposés contre 11,5 % chez les enfants faiblement exposés. L'étude de suivi témoigne de la stabilité de l'affection : deux ans et demi plus tard, la prévalence du PTSD est de 20,6 % (Almqvist & al., 1997).

Par ailleurs, des inégalités sont à noter dans la persistance des troubles. Kessler et al. (1995) trouvent une durée moyenne du PTSD évoluant entre trois et cinq ans selon que les victimes ont pu ou non disposer d'un traitement médical, et une symptomatologie toujours présente pour un tiers d'entre elles après dix ans de l'évènement.

Dans le méme esprit, une étude d'investigation des symptômes traumatiques (Stein & al., 1997) observe que chez 43,3% des sujets présentant un PTSD, ce dernier est dû à une expérience traumatique remontant à plus de dix ans. En plus, une étude menée sur Détroit indique que 26 % des victimes récupèrent en moins de six mois, 40 % en moins d'un an, et qu'un tiers d'entre elles présentent l'affection à cinq ans. La durée du PTSD est significativement plus longue chez les femmes et chez les victimes directes (Breslau & al., 1998).

Le PTSD des enfants dépend davantage de ce traumatisme individuel que d'un effet de contagion des symptômes parentaux, notamment maternels (Ahmad & al., 2000). Les plus fréquents symptômes d'après-guerre, notés dans une étude menée auprès de 40 enfants (3-12 ans) du Haut-Karabagh après l'installation d'un cessez-le-feu (entre 1994-1996), sont la peur de l'obscurité et des avions (43.2%), la peur des bruits forts (27%), les pleurs fréquents (24.32%). D'autres symptômes sont moins fréquents, comme l'irritabilité (13.5%), l'agressivité, l'angoisse de séparation, les cauchemars et le réveil en sursaut (16.2%), et l'asociabilité et le comportement de retrait (10.5%).

Au Liban, des recherches antérieures menées au cours des phases de plusieurs types de conflit prolongé, classent l'exposition à la guerre comme suit : la perte d'un parent, la séparation, les blessures physiques, les bombardements, les enlèvements, la démolition de la maison, et le

déplacement (Macksoud & Aber, 1996 ; Derkarabetian, 1984 ; Macksoud, 1992 ; Cheminenti et al., 1989 ; Assal & Farrell, 1992 ; Fayyad et al., 2001).

Des observations cliniques (Zohrabian, 2006) auprès d'enfants libanais ayant vécu la dernière guerre de juillet 2006 ont mis en relief :

1- une angoisse de séparation excessive

2- une hyperactivité

3- une agressivité importante

4- une incapacité à exprimer les émotions

5- une asociabilité

6- un évitement de toute nouvelle situation.

Dans le cadre d'une étude auprès des enfants du Sud du Liban, qui ont vécu la guerre de juillet 2006, des classes d'EB5, les résultats étaient les suivants (Bouchedid, 2008) :

- 84.1% : Je comprends tout ce qui est dit à moi.

- 79.9% : Je suis presque toujours à l'heure et n'oublie pas ce que je suis censé faire - 76.1 : Je suis suffisamment bien dans les classes de mathématiques

- 65.3 % : Je fais toujours mes devoirs à temps.

- 63.6 % : J'oublie souvent de faire des choses. L'école a été facile pour moi.

- 60.9% : je fais beaucoup de soucis avant quelque chose nouvelle que je démarre. - 47.8% : La plupart du temps, je cours plutôt que je marche.

- 43.1% : Je ne peux pas attendre des choses qui viennent, comme les autres enfants peuvent.

- 35.0% : Je saute d'une activité à une autre.

- 26.8 % : des enseignants se plaignent que je ne peux pas rester assis, et il est difficile pour moi d'obtenir de bonnes notes.

- 24.9% : J'ai répété une année à l'école.

- 20.4% : En raison de mes problèmes d'apprentissage, je reçois une aide supplémentaire, ou que je suis dans une classe spéciale à l'école. Je ne peux pas garder ma concentration sur quelque chose

- 15.4 % : À un moment donné, j'ai eu des problèmes de langage.

- 10.6 % : La lecture a été difficile pour moi.

Cependant, différents types de traumatismes sont liés de façon différentielle aux conséquences sur la santé mentale. Certains, comme la guerre, peuvent avoir un effet nul ou modéré sur la santé mentale des enfants, ou bien peuvent avoir des effets dévastateurs. A ce jour, seulement quelques études ont essayé d'évaluer l'impact d'un évènement spécifique sur la symptomatologie et l'ajustement de l'enfant (Macksoud & Aber, 1996).

Heuyer (1948) groupe les conséquences de la guerre en trois grandes catégories : les conséquences intellectuelles et scolaires, les conséquences affectives, et la délinquance infantile et juvénile. Au niveau intellectuel et scolaire, Heuyer note que le niveau mental est peu touché par les incidences de la guerre. En revanche, le niveau scolaire des enfants qui ont été victimes de guerre a nettement baissé.

Concernant ce qui nous intéresse des séquelles, les individus qui ont vécus une guerre présentent des altérations cognitives allant des déficiences dans le fonctionnement global de la mémoire, à des difficultés plus spécifiques. Il est difficile de savoir si des mécanismes communs peuvent tenir compte de ces diverses difficultés cognitives (Moore, 2009). Une étude, en 2002, effectué au département de psychologie de « Hebrew University » à Jérusalem, a évalué le fonctionnement cognitif après dix jours d'exposition à la guerre. Quarante-huit survivants ont été évalués pour des symptômes de stress post-traumatique, d'anxiété, de dépression, et de dissociation immédiate et retardée de la mémoire, de l'attention, de l'apprentissage et du QI (Psychiatry research, vol. 110, 2002).

Puisque chaque enfant vit les situations différemment, selon son caractère et son histoire personnelle, des dissemblances dans la sévérité des critères pourraient engendrer des différences dans les résultats des tests cognitifs.

Selon Censabella (2007), les fonctions exécutives sont tout un ensemble de processus dont la fonction principale est de faciliter l'adaptation de la personne aux exigences et fluctuations soudaines de l'environnement et, en particulier, aux situations nouvelles.

En effet, les retentissements post-guerre ont été associés à des troubles cognitifs impliquant la mémoire et l'attention. L'association entre la déficience cognitive et les symptômes est inconnue, mais cette corrélation peut entrainer une dégradation du traitement des souvenirs traumatiques. A noter que la guerre peut causer des manifestations comme l'anxiété, dont les aspects cognitifs ont été largement étudiés (Eysenck, 1997), mettant en évidence ses effets sur les capacités de mémoire de travail (Ikeda, 1996), et sur les ressources attentionnelles (Sarason, 1988).

Les personnes souffrant d'une atteinte du système exécutif rencontrent, au quotidien, des difficultés à s'adapter sur le plan familial, social et professionnel et à gérer des situations nouvelles. Les altérations qu'elles présentent peuvent toutefois survenir chez des personnes sans lésion cérébrale mais dans une moindre mesure.

Des liens sont trouvés entre l'attention et la mémoire : les processus attentionnels interviennent entre la mémoire sensorielle et la mémoire à court terme, de travail. Pour notre présente étude, nous choisissons d'explorer uniquement deux fonctions cognitives : l'attention et la mémoire, qui sont liés entre elles.

En effet, il reste inconnu si les déficiences cognitives sont considérées des caractéristiques d'un vécu traumatique aigu. Très récemment, dans une enquête, les fonctions neurocognitives ont été examinées chez des individus exposés à un seul traumatisme (n = 21), d'autres ayant un PTSD aigu (n = 16), ainsi qu'un groupe d'individus jamais exposés à un traumatisme (n = 17). Un certain nombre de déficits dans les domaines cognitifs de la mémoire, des ressources attentionnelles, des fonctions exécutives et de la mémoire de travail, était trouvé dans le groupe ayant reçu un diagnostic de stress post-traumatique aigu et non parmi les autres groupes (Lagarde G, 2010).

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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe