Depuis plus de deux décennies, les pays du tiers monde
en général et ceux d'Afrique en particulier font face à
une crise économique aiguë. Cela se traduit par la baisse du
pouvoir d'achat des travailleurs et par une paupérisation croissante de
la population. L'indice numérique de pauvreté (47% en 1985,
Banque Mondiale) de l'Afrique subsaharienne est l'un des plus
élevé au monde ; en la matière, il n'y a que l'Asie du sud
qui la dépasse. Cela correspond à 180 millions d'individus vivant
dans la pauvreté. En l'an 2000, ce chiffre a vraisemblablement atteint
265 millions (Rapport de la Banque Mondiale sur le développement dans le
monde 1990, AKOTO E., et al. 2002).
Par ailleurs, l'adoption du Programme d'Ajustement Structurel
(PAS) par les pays africains s'est accompagné, presque partout, d'un
dégraissage massif des fonctionnaires du secteur public. Malgré
des indemnités de départ qui leur sont versées, la
situation de ces « déflatés », ainsi que celle de leurs
familles ne cessent de se dégrader. La plupart des individus n'arrivent
tout simplement plus à satisfaire leurs besoins fondamentaux
(alimentation, santé, logement, emploi et éducation), (AKOTO E.
et al. 2002).
Concernant la santé en particulier, la crise
économique a provoqué, à maints endroits, des effets
dévastateurs, tant au niveau de l'offre que de la demande de soins. Elle
a entraîné la dégradation du système sanitaire,
aussi bien au niveau de la qualité du personnel qu'à celui de
l'équipement médical et paramédical. Les Etats se trouvant
un peu partout dans l'impossibilité d'assurer de nouveaux
investissements dans le secteur de la santé, il s'en suit la
multiplication des formations sanitaires privées. Guidées par
l'impérieuse nécessité de rentabilité, celles-ci
pratiquent souvent des tarifs inaccessibles à la majorité de la
population. En outre là où l'Etat a pu maintenir les
infrastructures dans un état de fonctionnement normal, leur
accessibilité est devenue symptomatique à cause, entre autres,
des tarifs prohibitifs pratiqués et de l'éloignement
géographique, voire culturel des centres de santé. Aussi une
frange importante de la population africaine serait-elle exclue du
système de soins de santé moderne.
Parmi tout ce qui distingue les pays en développements
et les pays industrialisés, les risques de décès pour la
femme pendant la grossesse et l'accouchement constituent la différence
la plus flagrante. Une femme enceinte en Afrique ou en Asie du Sud est
exposée pendant sa grossesse et à l'accouchement à un
risque de décès qui peut être jusqu'à 200 fois
supérieur à ce que court une femme dans un pays
industrialisé (IDH, 1993). Les taux de fécondité
étant supérieurs dans les pays en développement, le risque
sur la durée d'une vie en Afrique peut atteindre 1 sur 22 par rapport
à 1 sur 6000 en Europe Septentrionale (IDH, 1993).
Les travaux réalisés sur les
déterminants de l'utilisation des services de santé maternelle et
infantile sont très nombreux mais les études consacrées
à leur utilisation demeurent encore fragmentaires et peu abondantes. Ces
études montrent que les recours aux soins prénatals et à
un accouchement de qualité dépendent des caractéristiques
sociales, démographiques et économiques des femmes et aussi de
l'environnement institutionnel dans lequel elles vivent.
Les statistiques disponibles sur le contexte
épidémiologique de la grossesse et de l'accouchement en Afrique
font état d'une situation particulièrement préoccupante
(Beninguisse, 2001). L'Afrique Subsaharienne est la région au monde
où les risques liés à la gestation et à la
parturition sont les plus élevés. D'après les estimations
récentes de l'OMS (OMS, 1998 ; WHO-UNICEF, 1996 ; Beninguisse, 2001), le
niveau de mortalité maternelle pour 100 000 naissances vivantes est de
870 en Afrique contre 36 en Europe, 11 en Amérique du Nord, 190 en
Amérique Latine et Caraïbes et 390 en Asie. Le niveau actuel de
l'Afrique
correspond à celui de la Suède il y a 250 ans
(Beninguisse G., 2001). Sur le demi-million de décès maternels
enregistrés chaque année dans le monde, plus du tiers
concernerait l'Afrique (Beninguisse G., 2001). On estime par ailleurs que plus
de deux tiers de ces décès maternels sont dus à cinq
complications obstétricales majeures : les hémorragies, les
infections, les troubles tensionnels de la grossesse (toxémie,
éclampsie), le travail bloqué et les avortements clandestins
(WHO, 1995 ; Beninguisse G., 2001). La mortalité périnatale est
estimée à 75% en Afrique contre 13% en Europe, 9% en
Amérique du Nord, 39% en Amérique Latine et Caraïbes et 53%
en Asie.
Pour faire face à ce problème, des services
obstétricaux sont déployés dans les pays africains mais le
degré d'adhésion de la population est relativement faible
comparativement aux autres régions du monde. Selon Fourn L. et
collaborateurs (1999) cités par Tollegbé A. (2004), deux types de
facteurs déterminent les comportements des femmes vis-à-vis du
recours aux soins obstétricaux. L'auteur distingue d'une part les
facteurs prédisposants (milieu de résidence, éducation de
la femme, âge de la femme, rang de la naissance) et d'autre part, les
facteurs facilitants (accessibilité aux services de santé,
disponibilité des services et qualité des soins
obstétricaux). Zoungrana (1993), cité par Tollegbé A.
(2004), distingue deux types de facteurs qui, en fait, rejoignent un peu les
deux premiers, notamment, les facteurs affectant l'offre de soins
(accessibilité, coût et qualité des services) et les
facteurs affectant la demande de soins qui comprennent d'une part les facteurs
simples (statut socioéconomique du ménage, l'éducation de
la femme, l'activité de la femme, son statut migratoire, les facteurs
socioculturels, l'âge et la parité de la femme, son état
matrimonial) et d'autre part, les facteurs de susceptibilité (le sexe de
l'enfant, le type de naissance et l'état de santé de la
femme).
La plupart des études visant à expliquer les
comportements des femmes vis-à-vis des soins obstétricaux, se
focalisent sur la demande de soins. Or, les femmes africaines sont en
général soumises à certaines contraintes notamment
l'éloignement des centres de santé par rapport à leur
domicile, le manque de personnel qualifié en nombre suffisant, le sous
équipement des centres de santé (en cas de complications), les
files d'attente insupportables et parfois le mauvais accueil du personnel
médical pour ne citer que ceux-là, qui peuvent les dissuader
même si elles en avaient la volonté, à recourir aux soins
obstétricaux. L'Afrique est le continent où le nombre d'habitants
par sage-femme ou par médecin est le plus élevé. Selon
l'OMS (1998), dans certaines régions d'Afrique et d'Asie, on trouve des
ratios allant jusqu'à 300 000 habitants par sage-femme (soit une
sage-femme pour 15 000 naissances). Cette situation est surtout propre au
milieu rural en raison de la faible concentration des
infrastructures sanitaires et du personnel de santé
qualifié comparativement au milieu urbain. Au Kenya, 56 % de tous les
agents de santé, y compris les infirmières/sages-femmes,
travaillent dans les zones urbaines, avec un pourcentage de 25% uniquement
à Nairobi. (OMS, 1998). En Ouganda, 30 % seulement des postes
de santé des zones rurales assurent des services d'accouchement, et il
faudrait 7000 agents professionnels supplémentaires pour arriver
à la proportion personnel/patients préconisée pour ces
services. Avec un ratio de 1 médecin pour 11 472 habitants, 1 infirmier
pour 3759 habitants et une sage-femme pour 10 945 en 1997 (RMDH, 2001).