5.2.2 Le niveau d'instruction de la femme.
Le niveau d'instruction confirme au niveau net son influence
significative observée au niveau brut sur l'assistance médicale
de qualité aux soins obstétricaux. Ainsi, au niveau national,
toutes choses égales par ailleurs, comparées aux femmes sans
niveau, les femmes de niveau secondaire ou plus ne courent pratiquement aucun
risque de non assistance médicale aux soins obstétricaux. Cela
traduit le fait que les femmes les plus instruites disposent en
général des niveaux de revenu plus élevés, elles
sont plus informées sur le bien fondé des soins
obstétricaux et exigeront probablement des soins de bonne qualité
pendant les consultations prénatales.
En milieu urbain, nous trouvons qu'il n'y a plus de
différence significative entre les risques de cette assistance
médicale aux soins des femmes de niveau secondaire ou plus et celles
sans niveau. Ce résultat conforte une fois encore notre conclusion selon
laquelle, le simple fait de résider en milieu urbain offre des avantages
en termes de disponibilité, d'accessibilité et de qualité
des services indépendamment de certaines caractéristiques
individuelles dont notamment le niveau d'instruction. En milieu rural par
contre, le niveau d'instruction n'a pas d'influence significative sur
l'accès aux soins obstétricaux d'urgence. Cela pourrait provenir
du fait que la majorité des femmes enquêtées en milieu
rural est sans niveau d'instruction.
L'examen des modèles intermédiaires
révèle que la différence entre les femmes sans instruction
et celles de niveau secondaire ou plus augmente mais devient significative au
seuil de 1%. Après l'introduction d'autres variables
intermédiaires dans le modèle, le niveau d'introduction reste
toujours très significatif c'est-à-dire que les femmes de niveau
d'instruction secondaire ou plus ont 6,84 fois plus de risques d'être
assistées pendant la grossesse et lors de l'accouchement que leurs
congénères sans niveau d'instruction.
L'instruction joue un rôle primordial en ce qu'elle
permet de sensibiliser les femmes de l'importance des consultations
prénatales et de l'intérêt d'être assistée
médicalement pendant l'accouchement.
Pour A. Prual (1999), «À la Jamaïque, une
étude a montré que 68 % des décès maternels
survenus entre 1981 et 1984 avaient une ou plusieurs causes évitables
dont 58 % de la faute des personnels de santé. En Tanzanie, sur une
série de 80 décès maternels survenus à
l'hôpital, 30 étaient dus au manque de prise en charge des
facteurs de risque pourtant dépistés, 9 à des facteurs
liés au personnel, 9 à des pathologies graves mal ou non prises
en charge, 2 à l'administration de plantes locales, les autres
étant dus au manque de matériel ou de sang. Dans une étude
similaire menée au Niger, des résultats semblables ont
été trouvés : de nombreux facteurs de risque
n'étaient pas recherchés bien que le dossier de Consultations
prénatales clair et opérationnel ait été
conçu pour que les personnels pratiquant la consultation
prénatale quelle que soit leur qualification les identifient et
identifient les femmes à risque. Chez près de la moitié
des femmes enceintes examinées par les sages-femmes lors d'une
enquête sur la qualité des soins prénatals, la taille et la
pression artérielle n'étaient pas mesurées, les
oedèmes et un saignement vaginal pas recherchées. La
parité, l'âge, les antécédents de césarienne,
des antécédents de fausses couches n'étaient pas
recherchés chez environ 15 % des consultantes. De même dans une
étude réalisée au Burkina Faso, lorsqu'un facteur de
risque était dépisté, les actions n'étaient pas
systématiquement
entreprises ; lorsqu'elles l'étaient, elles ne
correspondaient pas systématiquement aux besoins... ».
Cette confiance mérite cependant d'être
entretenue par un bon accueil, des temps d'attente relativement courts et des
services de bonne qualité. Ce sont ces éléments qui
peuvent amener la femme à revenir vers le prestataire en cas
d'accouchement. Dans le cadre de notre étude, ne disposant pas de tous
les éléments nécessaires pour appréhender la
qualité des services dans toutes ses dimensions, nous avons
supposé que le fait pour une femme d'avoir effectué normalement
ses visites prénatales, d'avoir subi tous les tests et les examens
nécessaires pendant la grossesse et d'avoir reçue une
éducation sanitaire, signifie qu'elle a reçu des services de
bonne qualité. En accouchant avec l'aide d'un personnel qualifié
et dans un centre de santé après avoir effectué
normalement ses consultations prénatales, en dehors de la routine, cela
prouve que la femme a fait confiance au système de santé du
début jusqu'à la fin du processus, d'où la
continuité des soins.
Une analyse selon la distinction urbain/rural montre qu'en
milieu urbain, la qualité des services ne permet pas de
différencier les femmes en termes de la non assistance médicale
aux soins alors qu'en milieu rural, elle constitue un facteur de
différenciation. En milieu rural, toutes choses étant
égales par ailleurs, les femmes ayant reçu des services
obstétricaux de bonne qualité ou ayant accouché dans un
centre de santé ont plus risques d'avoir une assistance médicale
de qualité lors de l'accouchement que les femmes ayant reçu des
services de mauvaise qualité ou ayant accouché dans leur
domicile. Ces différences sont dues au fait que la qualité des
services obstétricaux est bonne en milieu urbain si bien qu'elle ne
constitue pas un facteur de différenciation, ce qui n'est pas le cas en
milieu rural. En effet, malgré, les mesures mises en oeuvre au Tchad
pour inciter le personnel qualifié de santé à aller
exercer en milieu rural, beaucoup d'agents de santé surtout les plus
qualifiés, sont parfois réticents à y aller. Certains
agents qualifiés de santé préfèrent exercer leur
profession en milieu urbain parce que le fait d'y résider leur permet
d'exercer de façon privée leur profession de médecin,
d'infirmier ou de sage-femme en créant une clinique privée.
L'avantage de la résidence urbaine, dans ce cas de figure, c'est qu'elle
permet d'être en contact avec une clientèle nombreuse qui, non
seulement possède la culture de la fréquentation des services de
santé et se caractérise donc par une forte demande de services de
santé de toutes sortes, mais possède également un pouvoir
d'achat élevé. Cela permet aux professionnels de santé de
gagner des revenus supplémentaires indépendamment du salaire
qu'ils perçoivent auprès de
l'administration publique. Cet état des choses s'est
amplifié avec la libéralisation du secteur de santé et
l'autorisation de la création de cliniques privées dont la
majorité est d'ailleurs concentrée en milieu urbain en raison des
arguments ci-dessus évoqués. Cette situation n'est pas de nature
à favoriser l'amélioration de la qualité des services en
milieu rural. Au contraire, ce sont parfois les personnels de santé les
moins qualifiés qui sont envoyés dans certains milieux ruraux
parce que les mieux qualifiés n'acceptent pas d'y aller de peur de
perdre les avantages qu'ils obtiennent en exerçant en milieu urbain.
Selon l'OMS (1998), «Dans la plupart des zones
rurales, une femme sur trois doit faire plus de cinq kilomètres pour
atteindre le service de santé le plus proche et le pourcentage est de 80
% pour l'hôpital le plus proche. Le manque de véhicules, surtout
dans les zones reculées, et le mauvais état des routes font que
les femmes ont énormément de difficultés à
atteindre des centres même relativement proches. La marche est le
principal mode de transport, même pour une femme chez laquelle le travail
a commencé ». Ce résultat est conforté par
Beninguisse (2001) pour qui « Toutes choses égales par ailleurs,
les chances de recourir à l'appareil médical et de se conformer
aux règles préventives en vigueur, diminuent
considérablement au fur et à mesure que la distance par rapport
au service obstétrical le plus proche augmente. Cette relation causale
est plus perceptible en milieu rural ».
Face à ces résultats, l'hypothèse (H3)
selon laquelle l'impact de la pauvreté du ménage sur le recours
aux soins obstétricaux est plus important chez les femmes sans niveau
d'instruction que chez leurs congénères de niveau secondaire ou
plus est vérifiée.
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