2.4.4 Politiques du Gouvernement tchadien en matière
de la santé
Pendant l'accouchement, une des périodes où les
femmes sont les plus vulnérables, seulement une Tchadienne sur 4 a
accès à l'aide d'un professionnel qualifié ; ce chiffre se
réduit à 16% dans les zones rurales (T&C, 2007). Même
l'utilisation des soins prénataux est faible ; environ une Tchadienne
sur 3 a accès à des services prénataux, bien que seulement
une sur 5 sollicite de tels soins dans les zones rurales.
En réponse à ces défis, le Gouvernement
et les bailleurs de fonds ont élaboré un Plan de couverture
sanitaire qui a défini la politique nationale en matière de
santé et les stratégies des programmes. Le plan fournit un cadre
de référence qui permet de planifier les interventions en
matière de politique pour une meilleure santé. Il vise à
assurer la disponibilité et l'accessibilité des services,
particulièrement pour les groupes les plus vulnérables. Ceci
inclut la santé de base pour les mères et les enfants, la
prévention et le contrôle des maladies endémiques locales,
y compris les maladies sexuellement transmissibles et le VIH, la nutrition, les
services de planification familiale, l'eau et l'hygiène. Une importance
particulière est accordée à la réduction de la
mortalité maternelle et infantile. Les stratégies clés
visent à : développer le système pyramidal de soins de
santé à trois niveaux, en promouvant la décentralisation
et l'intégration des activités et des programmes ;
exécuter les plans de santé des districts avec le district comme
unité opérationnelle du programme ; assurer
l'accessibilité aux médicaments essentiels peu coûteux ;
accroître la participation de la communauté dans la gestion et le
financement des services de santé primaire à travers les
comités communautaires.
a) Les dépenses publiques de
santé
Le Tchad, pays à faible revenu, est aujourd'hui
essentiellement dépendant de la production de biens et de services qui
représente, d'une année sur l'autre, 80% des ressources de
l'économie dont la moitié dans le secteur agricole. L'OMS
recommande aux pays de consacrer environ 5% de leur PIB aux dépenses
publiques de santé et que la plupart des pays
de la région y consacrent au moins 2 %, l'allocation
publique de santé au Tchad ne semble avoir dépassé ce
seuil de 2% du PIB qu'en 1999, Ce chiffre prend en compte l'ensemble des
dépenses budgétaires et extrabudgétaires, sur ressources
propres et sur ressources extérieures. L'ensemble des ressources
représente environ 13% des dépenses publiques totales, avec une
proportion similaire pour l'investissement et le fonctionnement.
Dans le secteur de la santé, le Gouvernement du Tchad
finance essentiellement les dépenses de personnel et les dépenses
de fonctionnement : ces deux catégories sont rassemblées dans le
« Budget de fonctionnement ». Compte tenu de ces moyens
limités, l'Etat ne prend en charge aucune dépense
d'investissements, à l'exception de dépenses de contrepartie de
certains projets. Le tableau ci-après donne l'évolution du budget
de fonctionnement (Direction des Affaires Financières et du
Matériel DAFM du Ministère de la Santé Publique).
Le budget de la santé est passé de 4,436
milliards en 1997 à 7,016 milliards en 2000 pour atteindre
11,509milliards de FCFA en 2003, soit une augmentation substantielle de
près de 160% sur la période (Annuaires statistiques sanitaires du
Tchad, 2003). La part ordinaire de l'Etat est passée de 6,5% en 1997
à 9,3% en 2000 et 10,4% en 2003. En termes de PIB, la dépense
publique de santé représente environ 1,6% du PIB sur la
période 1998-2001. De 1998 à 2000, la progression des
dépenses publiques de santé (60%) a surtout concerné les
dépenses des biens des services qui ont cru de 50% et jusqu'en 2000, les
dépenses d'investissements ont augmenté de plus de 70%. Les
dépenses de personnel (hors personnel financé par les projets)
n'ont augmenté que de 23% sur la même période.
Pour atteindre les objectifs concernant la réduction de
la pauvreté, le gouvernement du Tchad a augmenté les fonds
affectés au Ministère de la santé publique. La part de la
santé dans les dépenses publiques totales effectives est
passée de 3,3% du total en 2002, à 8,6% en 2003 et à 9,7%
en 2004 (Annuaires statistiques sanitaires du Tchad, 2004). Le taux
d'exécution des dépenses de santé affecte
l'efficacité des prestations des services de santé. En 2003-2004,
ce taux n'a pas dépassé 36,4% des prévisions
budgétaires mais il a atteint les 70% en 2005 (SNRP, 2003). Celles-ci
restent encore faibles et leur proportion par rapport au budget national
évolue de façon irrégulière.
![](Pauvrete-et-acces-aux-soins-obstetricaux-au-Tchad9.png)
Tableau2.7 Dépenses nationales en
santé (Franc CFA)
![](Pauvrete-et-acces-aux-soins-obstetricaux-au-Tchad10.png)
Ratios de dépenses 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
2004 2005
Dépenses totales en
santé
(DTS) en % du PIB 5,6 5,5 5,4 5,9 6,3 5,9 5,5 5,5 4,2 4,1
Dépenses des
administrations
publiques en santé
(DAPS) en % des DTS
36,2 34,9 31,4 33,6 42,0 40,9 35,5 39,9 36,9 40,0
![](Pauvrete-et-acces-aux-soins-obstetricaux-au-Tchad11.png)
Dépenses du secteur privé en santé
![](Pauvrete-et-acces-aux-soins-obstetricaux-au-Tchad12.png)
63,8 65,1 68,6 66,4 58,0 59,1 64,5 60,1 63,1 60,0
(DPvS) en % des DTS
Dépenses des
administrations
publiques en santé en
% des DAP 11,1 11,1 11,1 11,9 13,1 13,8 9,4 10,5 9,5 9,5
![](Pauvrete-et-acces-aux-soins-obstetricaux-au-Tchad13.png)
Administration de sécurité sociale en %
des DAPS n/a10 n/a n/a n/a n/a n/a n/a n/a n/a
n/a Versement direct des
ménages en % des
DPvS 96,3 96,2 96,4 97,4 96,5 96,6 96,5 96,3 95,8 95,8
Ressources externes en santé en % des
DTS 12,1 12,6 17,1 19,6 58,4 52,2 39,5 10,3 7,0 12,6
Source : Ministère de la santé
publique : Annuaire des statistiques sanitaires du Tchad, 2006.
Malgré cet effort substantiel, les besoins de
santé de base de la population restent largement non couverts. De 1990
à l'an 2000, soit en l'espace de 11 années, chaque habitant n'a
en matière de santé, consommé du budget public de
fonctionnement qu'en moyenne
10 Ces indicateurs ne sont pas disponibles
482,64 FCFA par année, soit à peine 1$US par an
et par habitant (Annuaires statistiques sanitaires du Tchad, 2002). C'est qu'en
fait l'essentiel des dépenses de santé est assuré par
l'aide extérieure.
b) L'offre et la demande de santé au
Tchad
Les ressources humaines sont une force, une valeur pour le
développement d'un pays. Elles exigent protection. Certains pays
investissent dans ce domaine en mettant l'accent sur la formation de leurs
cadres. Au Tchad, pour un secteur prioritaire comme la santé, on peut
légitimement se poser la question de savoir si la qualité de la
formation du personnel de santé fait partie des préoccupations
des gouvernants.
Les besoins en quantité et en nombre suffisant de
personnels exigent de l'Etat tchadien un certain nombre de dispositions en
matière de formation et de gestion du personnel médical et
paramédical. Comme si cela ne suffisait pas, on note une mauvaise
gestion de cette insuffisante ressource humaine. La répartition dans
l'espace est inégale et soulève même de sérieuses
inquiétudes. Non seulement cette répartition ne tient pas compte
des spécialistes, mais aussi elle se fait en faveur des zones urbaines
au détriment des zones rurales. N'djaména compte, à elle
seule, le 1/3 de l'effectif du personnel de santé alors qu'elle ne
représente que 8% de la population totale du pays (Tchad et Culture,
n° 251-252, Novembre-Décembre 2006).
Les soins à différents niveaux exigent de chaque
patient une participation financière dont le montant varie d'une
région du pays à une autre. Le système mis en place ouvre
l'accès aux soins à toutes les couches sociales. Par exemple
à Mao, dans le Kanem, la consultation coûte 50 FCFA et le produit
générique le plus cher se vend à 400 FCFA (T& C
n° 251-252, novembre -décembre 2006)11. Au centre de
santé de Chagoua12, la consultation s'effectue à 100
FCFA alors qu'elle se fait à 2000 FCFA pour les adultes et 100 FCFA pour
enfants à l'hôpital de district du même quartier. Le
coût des produits génériques que les deux structures
vendent varie de 100 FCFA (Vermox) à 1900FCFA pour un sachet de 48
comprimés d'amoxiline (T& C n° 251-252).
11 Tchad et Culture
12 Chagoua est un quartier au sud de
N'djaména.
![](Pauvrete-et-acces-aux-soins-obstetricaux-au-Tchad14.png)
Batha 342 351 97 28 73,1 28 20
Biltine 219 677 64 29 68 19 20
B.E.T 86 994 72 83 55,3 18 13
ChariBaguirmi
Guéra 364 039 131 36 76,4 30 18
Kanem 332 745 114 34 80,5 35 16
LAC 300 657 36 12 76,4 35 15
Logone Occidental
Logone Oriental
Mayo- 980 853 285 29 77,5 71 48
Délégation sanitaire
Nombre
Population de lits-
place
541 434 526 97 50,4 40 22
524 287 193 37 79,1 64 47
1 488 123 1 041 70 57,4 125 79
Nombre
de lits
pour 100 000 habitants
Taux de couverture sanitaire (%)
Nombre de centre de santé
Nombre de centres de santé fonctionnels
Le Tchad ne compte que 4 hôpitaux de préfecture
implantés à Abéché, Moundou, Sarh et
N'djaména. Les 10 autres délégations n'abritent que des
hôpitaux de districts, un handicap donc pour ce schéma pyramidal.
Autre faiblesse, selon la même source, on ne compte que 30 hôpitaux
de district qui fonctionnent sur 49 prévus, et 407 zones de
responsabilité opérationnelles sur 646. En moyenne, un centre de
santé qui répond aux normes exigées accueille 17 000
habitants par an, au lieu de 10 000 comme le prévoit les textes (T&
C, 2007).
L'insuffisance du personnel qualifié explique en partie
la non fonctionnalité de certains centres de santé,
hôpitaux de districts et hôpitaux préfectoraux. Aujourd'hui,
certains centres de santé sont dirigés par des secouristes et
d'autres sont restés fermés.
Selon le Ministère de santé, la pauvreté
de la population, la faiblesse de l'économie nationale et la condition
de la femme limitent également la portée des actions du Tchad en
matière de santé pour tous.
Tableau 2.8 Couverture sanitaire par
délégation en centres de santé
![](Pauvrete-et-acces-aux-soins-obstetricaux-au-Tchad15.png)
Kebbi MoyenChari
Ouaddaï 646 525 280 43 66,7 47 34
Salamat 219 198 100 46 37 16 7
Tandjilé 539 491 124 56 89,2 51 33
Niveau national
877 958 742 33 90,6 67 57
7 464 332 3 805 51 71,2 646 407
Source : Annuaire des statistiques du Tchad,
2000
Le tableau explique le manque des ressources humaines et
matérielles du secteur de santé. Il s'agit notamment du manque de
personnel qualifié et du taux d'exécution des dépenses de
santé. Cette pénurie est aggravée par une inégale
répartition du personnel qualifié entre les provinces, les
milieux urbain et rural, et entre les institutions de soins curatifs et
préventifs.
Synthèse du chapitre :
La nature des différents facteurs susceptibles
d'influencer les comportements d'utilisation des services de santé et
leur importance respectives font l'objet d'interprétations divergentes.
Pour certains auteurs, la nature des services utilisés,
l'accessibilité, les coûts, la convenance et la qualité des
services peuvent être d'égale importance pour expliquer
l'utilisation.
Les obstacles à la mise en place de services de
santé sont essentiellement dus au manque des structures de santé
et personnels de santé. L'accès aux services de santé
modernes est très limité dans certaines délégations
préfectorales de santé et cela constitue un problème
principal à résoudre pour l'amélioration de la
santé. Cette analyse propose un certain nombre de pistes pour l'action
future du secteur de la santé dans le cadre de la stratégie de
lutte contre la pauvreté. Nous avons pu constater, tout d'abord, que la
santé de la reproduction et de l'enfant est clairement une
problématique clé du développement du Tchad et qu'elle
devra, comme telle, rester la première priorité des prochaines
années, en phase avec les objectifs internationaux de
développement pour 2015. Il faudra aborder cette
problématique en plaçant le ménage tchadien
au coeur de l'action, dans l'objectif d'améliorer les connaissances et
les pratiques des femmes et de leurs conjoints en termes de santé.
Dans le domaine des services, un effort massif est
nécessaire pour pouvoir corriger la tendance actuelle, augmenter la
production et la rétention de personnels, assurer une présence
continue en périphérie de personnels, en particulier
féminins, à différents niveaux de qualification afin
qu'ils puissent servir de passerelle entre l'offre et la demande de services de
santé de la reproduction. La concrétisation de cet effort massif
nécessitera la diversification des profils de santé, afin
d'intégrer tous les niveaux de qualification, y compris les accoucheuses
auxiliaires, traditionnelles ou non, et l'injection des ressources
supplémentaires permettant le fonctionnement salarial et non salarial
des services dans les années à venir. Les ressources PPTE et
pétrolières devront en priorité couvrir ces besoins
essentiels que sont la réponse urgente et massive à la
problématique des ressources humaines et le soutien aux
mécanismes de financement de la demande, particulièrement pour
les zones rurales et les plus pauvres.
Dans sa stratégie de réduction de la
pauvreté, le gouvernement a classé comme prioritaires certains
secteurs dont celui de la santé publique. Cette disposition a permis
à ce département d'être éligible dans la
répartition des ressources. Pour atteindre ces objectifs, le
gouvernement a augmenté les fonds affectés au Ministère de
la santé publique. La part de la santé dans les dépenses
publiques totales effectives est passée de 3,3% du total en 2002,
à 8,6% en 2003 et à 9,7% en 2004 (MSP, 2003).
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