3.2.2. L'administration des zones occupées
La protestation des mouvements de résistance contre la
présence des rebelles et autres forces étrangères et
contre le gouvernement du pays s'est faite également par la mise en
place d'une administration chargée de gérer les zones
occupées. C'est l'expression d'une insoumission aux ordres de tout autre
pouvoir. Nous avons l'existence d'une administration politico-administrative et
d'une administration financière.
1° Administration politico-administrative
Dans toutes les entités occupées par les
mouvements de résistance, les autorités légalement
établies par l'Etat étaient remplacées par celles
investies par ceux-ci. Néanmoins, ils gardaient les bonnes relations
avec les autorités coutumières surtout lorsqu'ils
opéraient dans leurs propres communautés.
Les mouvements de résistance n'ont pas instauré
une administration classique, bureaucratique mais plutôt un pouvoir de
facto chargé de gérer des cas ponctuels comme les conflits
fonciers, les conflits matrimoniaux, les vols simples, etc. Les mouvements de
résistance ont bel et bien administré des entités jusqu'en
2003. A titre d'exemple, une la lettre n° 5072/03/CAFI/E.M.M./05/04 du 20
/ 0302004 adressé au Ministre de l'intérieur par le coordonnateur
des affaires intérieures, Yves Butachabwa et le Chef de l'entité
mai-mai, le Gnl Padiri Bulenda confirme au quatrième paragraphe la
gestion de 1. 850 agents et fonctionnaires.
D'une manière générale, il n'y a pas
séparation entre la hiérarchie militaire et l'administration du
territoire occupé. Nous avons rencontré une exception à
cette réalité d'administration confuse et partielle chez les
Mai-mai de Bunyakiri. Dans le dernier mouvement de
résistance, il y avait une administration
séparée de la structuration militaire qui, en plus des aspects
administratifs internes (courriers, relations publiques, etc.) a assuré
la gestion de population dans la zone de contrôle en collaboration avec
les autorités coutumières.
2° Administration financière
L'administration financière des mouvements de
résistance a pour finalité de canaliser les fonds pour satisfaire
aux besoins essentiels (nourriture, armes, habillement, fétiches, ...).
Les recettes sont généralement issues des taxes, collectes,
extorsions sur les barrières, vente illicite des minerais.
D'après 11/14 chefs des mouvements de résistance,
la gestion financière de leurs organisations ne répondait pas aux
principes de bonne gestion.
3.2.3. Refus de participer au processus
d'intégration dans l'armée nationale
1° Première Phase
Après l'accord global et inclusif et la mise en place
des institutions politiques, il a été conçu et
exécuté un programme visant la réintégration et la
démobilisation de toutes les forces dites milices maimai et celles des
ex-mouvements rebelles. C'est le programme D.D.R.R. (Démobilisation,
Désarmement, Réintégration, Réinsertion des
excombattants). Certains mouvements de résistance ont adhérer au
processus, notamment les Mai-mai de Bunyakiri et de Fizi. Toutefois, les
informations empiriques révèlent qu'aucun mouvement de
résistance n'a donné tous ses effectifs pour le brassage ou la
démobilisation.
2° Deuxième phase
La multiplicité des mouvements de résistance
à l'Est de la RDC après les élections de 2006 a conduit le
Gouvernement congolais avec ses partenaires bilatéraux et
multilatéraux à mettre en place des cadres institutionnels pour
la réintégration de tous les groupes armés. La
première étape de ce processus a été la
conférence sur la paix, la sécurité et le
développement des provinces du Nord et Sud-Kivu tenue à Goma en
janvier 2008.
Les accords conclus dans l'Acte d'engagement n'ont pas suffit
pour mettre fin à l'activisme militaire des mouvements de
résistance et ses conséquences sur l'autorité de l'Etat,
le fonctionnement des institutions légales issues des élections
et la vie des paisibles citoyens. Le programme Amani a servi des cadres
institutionnels de mise en oeuvre des acquis de la conférence de Goma.
Plusieurs mouvements de résistance ont refusé au début d'y
participer avant d'accepter après plusieurs négociations.
Jusqu'à la rédaction de cette étude, en décembre
2009, tous les groupes armés n'avaient pas encore rejoint les centres de
brassage prévus à l'exception de Mai-mai Yakutumba. Il est
difficile d'affirmer que tous les effectifs déclarés subissent le
processus de brassage tant que tous les chefs des mouvements de
résistance concernés n'ont cessé de nous déclarer
qu'ils sont sceptiques sur l'issue des mécanismes enclenchés
d'une part, et que les autorités coutumières estiment quant elles
que le brassage, est un moyen pour le Gouvernement d'infiltrer dans leurs
communautés des « étrangers », des « tueurs »
ou des « envahisseurs ». D'autre part, les attitudes
révèlent sans doute une crise de confiance entre les institutions
politiques et les populations qu'elles gèrent. Autrement dit, il y a une
résistance au processus de brassage en faveur d'une présence
indépendante des mouvements de résistance dans certaines zones.
Cette attitude est plus observée dans les territoires de Fizi, Uvira qui
sont confrontés aux conflits interethniques ; territoire de Shabunda
où le mouvement de résistance Raia Mutomboki
est plutôt une organisation communautaire contre tous les
autres groupes armés.
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