1.2.2.2. Conceptualisation de l'étude
En ce qui concerne les concepts clés qui forment le
sujet de cette recherche, il faut souligner que l'occasion n'est pas
indiquée pour superposer les définitions élaborées
en sociologie, science politique ou philosophie. C'est plutôt une
manière d'apporter un entendement précis se rapportant à
cette recherche et inscrit dans le cheminement théorique choisi en vue
de construire un cadre conceptuel opérationnel.
Le concept de mouvement de résistance mérite une
précision sémantique et conceptuelle. Nous aurions pu utiliser
les termes « Mai-Mai », milices ou milices Mai-Mai(23).
Mais celui de « Mouvement de résistance » nous semble une
catégorie opérationnelle adaptée au concept de «
mouvement social » que Alain Touraine définit comme suit :
« Ne sont caractérisés comme véritables
mouvements
sociaux que ceux qui dépassent les simples
23 Dans son étude déjà
citée plus haut, AMURI MISAKO emploie le concept milice pour
désigner selon lui ce type des forces armées ou combattantes
privées, comportant des empreintes ethniques/tribales marquées et
prétendant exprimer leurs aspirations et revendications par l'action
violente faute d'espace démocratique pour les modes conventionnels de
participation politique.(p.20) Il y fait dériver le concept de «
milicianisation » considérée comme la mise en relief de
l'activisme des groupes interethniques ainsi que leurs actions se
déployant dans le cadre des terroirs ou espaces locaux par rapport aux
groupes politiques dominants qui sont en lutte et qui, par conséquent,
tentent de les aligner pour leur donner une signification politique et leur
assigner un rôle dans l'ordre institutionnel établi ou à
établir. Aussi, il reprend la définition de milice
proposée par Kate Mengher : « Les milices sont des instruments
créés pour satisfaire des besoins sociaux, mais qui finissent par
servir des causes totalement différentes dans la mesure où elles
se retrouvent phagocytées par d'autres sociales (...) les milices
doivent être perçues non pas comme le fruit des cultures perverses
mais plutôt comme le produit des cadres institutionnels pervers
».
revendications d'un groupe ou d'une classe pour mettre en
cause la domination établie et viser le contrôle du
développement >>(24).
Ou encore :
« L'action collective par laquelle un acteur de classe
lutte pour la direction sociale de l'historicité
>>(25).
Située dans le prolongement tourainien mais globalisante
et
opérationnelle, l'appréhension de François
Chazel semble rejoindre notre
propre considération. Elle entend par mouvement social
:
« Une entreprise collective de protestation et de
contestation, visant à imposer des changements d'une importance variable
dans la structure sociale et/ou politique par le recours fréquent, mais
pas nécessairement exhaustif, à des moyens non
institutionnalisés >> (26).
Dans cette étude, les mouvements de résistance
sont des entreprises collectives sous forme des groupes sociaux
intégrées ou non créés au sein des
communautés pour s'opposer voir empêcher un ordre socio-politique
existant à un moment donné en utilisant des moyens non
institutionnels.
En effet, ils sont des entreprises collectives car relevant de
l'action collective. Entant que groupes sociaux, ils sont le produit des
communautés mais dont l'intégration peut ne pas être
acquise définitivement. Ils sont des acteurs collectifs porteurs des
projets, rationalités propres et idéologies. A leur sein, les
motivations et inspirations individuelles s'agrègent et se
désagrègent par le jeu des statuts et rôles sociaux pouvant
conduire à des contradictions internes. Comme acteurs, ils mobilisent
des ressources diversifiées - rationnelles ou
24 A. TOURAINE, Cité par J. ETIENNE et
Alii ; Op. Cit., p.284.
25 Ibidem, p.287.
26Ibidem, p.285.
non - qui soutiennent leurs actions protestataires à
l'endroit de la société politique.
Par ces considérations, nous pensons avoir donné
un élargissement conceptuel à la notion de mouvement social de
conception tourainienne dans la mesure où elle s'étend sur un
nouveau contexte socio-historique et tient compte d'un processus
d'intégration de l'acteur pour l'efficacité des actions sociales.
Ainsi conçus, les mouvements de résistance obéissent aux
valeurs téléonomiques (27) et aux principes
(28) de tout mouvement social.
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