Section 2 - Rupture et restauration des relations
Les politiques des Etats les plus faibles ou les plus pauvres
sont toujours fonction de l'orientation idéologique des Etats les plus
riches. Cette `real politik' s'est toujours avérée
justifiée depuis les grandes conquêtes mondiales entamées
dans l'antiquité jusqu'à nos jours. La Haute Volta étant
un pays pauvre, nouvellement indépendant, en quête de ses marques
dans un monde en pleine reconfiguration géopolitique, n'échappera
pas à cette donne dans ses relations diplomatiques avec la
République de Chine.
Nous l'avions dit, le pays se devait d'élargir ses
horizons relationnels, ceci en vue d'échapper un temps soit peu à
un système complexe afin de résoudre les problèmes qui se
soulevaient à tous les niveaux, tant internes qu'externes.
L'opportunité s'offrait en Taïwan qui avait le
vent en poupe, surtout auprès des occidentaux, les grands vainqueurs de
la deuxième guerre mondiale. La Haute Volta faisait aussi partie des
Etats sous influence occidentale par le biais de la France qui n'avait pas tout
à fait coupé le lien en tant que métropole.
La République Populaire de Chine alors n'était
pas fréquentable.
Un dicton africain stipule que « lorsque le cours du
fleuve tourne et change de direction, le caïman se doit de le
suivre ». Le cours du fleuve représente alors
l'idéologie occidentale à laquelle était d'office
liée la Haute Volta et le caïman, cette dernière. La
relation longtemps tendue, entre le bloc occidental avec pour chef de file les
Etats-Unis et le bloc communiste avec comme leader l'U.R.S.S., en était
arrivée à une ère de dégel, communément
appelée la « coexistence pacifique » qui
nécessitait de la part des capitalistes une réorientation de leur
politique internationale. La reconnaissance de Taïwan comme
représentante unilatérale de la Chine n'avait plus lieu
d'être, ceci d'autant que la différence tant géographique
que démographique avec la Chine Populaire était évidente.
En plus, il fallait désormais compter avec une future puissance
régionale selon les analystes politiques, qui voyaient en la Chine un
dragon endormi qu'il ne fallait pas réveiller avant le moment. Alors le
transfert de compétences au niveau des Nations Unies devait
s'opérer afin de parfaire cette nouvelle réorientation. Cet
état de fait sonnait la fin de la reconnaissance internationale de
Taïwan et du même coup des relations diplomatiques entre Taïwan
et la Haute Volta qui, elle, se devait de suivre ses priorités du
moment. Ses priorités se résumaient à s'assurer une place
dans le concert des nations tout en s'appliquant à la construction d'une
nouvelle démocratie.
C'est ainsi que la géopolitique internationale allait
avoir raison d'une relation diplomatique entre Taïwan et la Haute Volta le
23 Octobre 1973 et mettre fin à une idylle de douze années.
Après 21 années de divorce, le 02 Février
1994 annonce le début d'une nouvelle relation diplomatique entre les
deux entités Etatiques. Plusieurs facteurs tant politiques
qu'économiques expliquent cette reprise.
D'abord, sur le plan politique et économique pour le
Burkina Faso, ex Haute Volta, la situation a beaucoup
évolué : au plan interne, les différentes
républiques n'ayant pas pu asseoir une forme type de gestion comme
formule idoine à la crise sociale qui prévalait, il fallait se
permettre un nouvel essai dans le champ de la coopération
bilatérale afin de pallier aux nombreux manquements. Et Taïwan se
présentait maintenant en tous points de vue comme un modèle de
réussite, passant du statut d'Etat sous développé à
celui d'Etat riche. Il fallait copier ce modèle de miracle ;
ensuite sur le plan international, la géopolitique avait
profondément muté avec la quasi disparition du bloc communiste,
la généralisation du système capitaliste avec
l'hégémonie des Etats-Unis dans un bloc aux moyennes puissances.
Même si Taïwan n'est plus à l'honneur dans plusieurs Etats,
son existence est tout de même implicitement reconnue et des
coopérations de toutes formes voient le jour. Cette ouverture sur le
champ international va également motiver le choix du Burkina Faso au
renouement du fil de la relation.
Sur le plan politique, pour Taïwan, c'est une chance
inestimable à saisir, car plus on a d'Etats à son compte, mieux
on pèse sur les instances internationales telles que l'O.N.U. en vue de
la reconnaissance internationale du statut de l'île. Autant alors
permettre un échange fructueux entre les deux Etats : aider le
Burkina Faso à émerger tout en s'assurant de sa reconnaissance
internationale et de son appui dans les plus hautes instances de la
communauté internationale.
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