Les relations diplomatiques entre le Burkina Faso et la République de Chine (Taà¯wan): enjeux politiques autour de la reconnaissance internationale du statut de la République de Chine (Taà¯wan).( Télécharger le fichier original )par Delwende Samuel BANDE Université libre du Burkina - Maitrise en relations publiques internationales 2008 |
2e Partie : Histoire et conjoncture des relations diplomatiques bilatérales.Nous allons dans cette deuxième partie, aborder de manière plus spécifique la genèse et l'évolution des relations diplomatiques entre elles. Cela permettra de pouvoir cerner les enjeux politiques de la relation qui, bien entendu, vont au-delà d'une simple coopération bilatérale. Nous verrons ainsi que les rapports n'ont pas toujours été au beau fixe entre le Burkina Faso et Taïwan, et que le présent augure des lendemains assez ambigus. Chapitre 1 - Chroniques des relationsDans ce premier chapitre, nous tenterons de remonter le temps pour mettre en exergue la naissance de cette relation, et les différentes causes à la source de ce rapprochement. Nous survolerons ensuite les motivations qui ont conduit plus tard à une rupture puis à un rétablissement de la coopération, existant jusqu' à nos jours. Section 1 - Etablissement des relationsUn dicton bien connu précise que : « qui se ressemblent, s'assemblent » et « les rapports des différentes nations entre elles dépendent du stade de développement où se trouve chacune d'elles en ce qui concerne les forces productives, la division du travail et les relations intérieures »33(*). Cela présuppose une recherche de complémentarité là où l'insuffisance existe. Ces assertions se vérifient dans notre analyse concernant la relation Taïwano-burkinabé, empruntant tout de même un chemin un peu plus particulier. L'histoire spécifique de chacune des nations, similaire sur bien des plans, les a conduits à établir un canevas de coopération. Le 05 Aout 1960, après bien des péripéties, la Haute Volta accède à l'indépendance. Maurice Yaméogo en devient le premier président. Dès le 14 Décembre 1961, une relation diplomatique s'instaure entre la Haute Volta et la République de Chine. Plusieurs raisons expliquent cet état de fait, mais pour cela, nous analyserons l'environnement politique interne et externe aux deux nations ayant favorisé leur rapprochement. Comme nous l'avions évoqué précédemment, la Haute Volta a été pendant longtemps, un réservoir humain pour les plantations en Côte d'ivoire et la construction du chemin de fer devant relier le Sénégal au Niger, en passant par Bamako. Cette situation était due entre autre à l'absence de potentialités minières, principal point d'intérêt des colonisateurs, qui alors dirigeaient les populations vers les centres d'intérêt. La dénégation de nation à un ensemble de populations autochtones, était mal vue par ces dernières. Non contentes de se voir refuser le droit à l'autodétermination selon leur mode de vie et de pensée, elles se voyaient surtout s'enlever le droit de vivre ensemble. « La goutte de trop ». Au delà de l'intervention du Mogho Naba SAGA II pour la réunification de l'entité territoriale et de l'intervention du politique de l'époque, une sourde revendication de l'autonomie se faisait de plus en percevoir. Elle allait alors aboutir, à l'instar des autres nations africaines, sous domination coloniale française ou anglaise, à l'indépendance. Il restait maintenant pour le président nouvellement élu, Maurice Yaméogo, malgré les profonds liens qui existaient entre la métropole, la France, et la colonie, de rechercher d'autres points d'appuis économiques pour un essor rapide du pays. La réalité s'était présentée de manière cinglante au politique : les ressources naturelles sont quasi inexistantes, les ressources intellectuelles sont très rares, le tissu économique est nul. Sur le plan social, c'est la priorité dans tous les secteurs. L'indépendance n'avait pas été octroyée de plein gré par la métropole : la population l'avait pratiquement arrachée, et surtout la géopolitique divisant le monde en deux blocs et motivant le droit à l'autonomie y avait contribué. Somme toute il y'a une limite à toute chose et comme Vincent Auriol34(*) l'a si bien souligné, « On ne peut pas fonder la prospérité des uns sur la misère des autres » de manière indéfinie sans être confronté au réveil des consciences. Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, les deux blocs idéologiques avaient en commun d'exiger l'autodétermination pour tous les peuples. Les Etats-Unis et l'U.R.S.S. venaient de prouver à la face du monde qu'il fallait désormais compter avec eux. Ils venaient de sonner le glas de la restructuration géopolitique mondiale et de la fin de l'ère coloniale. C'est aussi le signe de la décadence de la puissance Européenne tirée par la France et le Royaume-Uni. En outre, la Haute Volta faisait partie de l'A.O.F.35(*). Les circuits de distribution et d'échange économique étaient bien déterminés et imposés. Ils vont de la France à la Côte d'Ivoire, en passant par le Sénégal et le Mali. Alors, il faut s'attendre à un durcissement de la part de la métropole pour avoir arraché l'autonomie. Il faut également compter avec les populations locales qui répugnaient à collaborer avec les ex colonisateurs. Le politique se trouve alors dans une position des plus inconfortables : il doit composer avec ces différentes situations. C'est la nécessité d'élargir l'horizon diplomatique sans pour autant délaisser les anciens axes commerciaux. De même, il est question de répondre à cette volonté du tiers monde de se départir de tout alignement derrière un des blocs idéologiques, les intérêts individuels étant logiquement différents. Les pays nouvellement indépendants avaient besoin de se reconstruire sur tous les plans. Ils vont saisir alors toute opportunité d'expression publique pour se faire entendre. La conférence de Bandung en 195536(*) allait être l'un des tous premiers cadres pour pouvoir défendre leurs intérêts communs. Par la suite, la tribune de l'O.N.U sera un tremplin de revendication plus prononcée. Entrée en scène alors de Taïwan. Pour rappel, l'île de Formose a été pendant des siècles administrée par des colons de tous pays : les Portugais, les Espagnols et les Hollandais du 16e au 17e siècle, les Chinois du 17e au 18e siècle, les Japonais de la fin du 18e siècle à la moitié du 19e siècle. L'île revint bien plus tard de nouveau entre les mains des Chinois au lendemain de la deuxième guerre mondiale. La victoire des Communistes sur le continent en 1949 pousse 2 millions de Nationalistes vers Taïwan. Ils y établissent un gouvernement utilisant la constitution de 1947 établie pour l'ensemble de la Chine, fondant la République de Chine nationaliste. Ils s'attirent alors la sympathie des occidentaux et surtout s'assurent le soutien des Etats-Unis en lutte idéologique contre le communisme. D'où le fait que, de 1950 à 1971, le gouvernement de Taïwan représente la Chine au conseil de sécurité de l'ONU, au détriment de la Chine de Mao. Taïwan, issu du tiers monde, a des similitudes assez marquées quant à son évolution et à sa situation antérieure d'Etat colonisé avec la Haute Volta. Ce ferment constituera une source de rapprochement entre la Haute Volta et Taïwan aux objectifs pourtant différents. Taïwan recherche une assise internationale et va user de sa force et des opportunités qui lui sont offertes pour rechercher des relations diplomatiques, notamment avec les Etats du Tiers Monde pour s'assurer autant de voix possibles, susceptibles de dire non à l'entrée de la Chine communiste dans les instances de l'O.N.U. L'île de Formose va en profiter pour s'ériger en représentante des sans voix et faire entendre sa position sur tous les plans. Pour la Haute Volta, c'est l'occasion rêvée pour échapper au verrou du système français et s'assurer des amitiés avantageuses sur tous les plans. Sur le volet diplomatique, l'on est certain de se faire entendre par le biais d'un Etat du Sud siégeant au Conseil de Sécurité ; sur le volet économique, on offre en échange de son soutien politique, un investissement économique massif, un savoir faire agricole dû à la connaissance élevée taïwanaise dans la culture du riz. Et enfin sur le volet social, c'est un exemple de développement à considérer pour mieux appréhender l'avenir du pays. Tous les éléments sont réunis pour constituer la source de rapprochement et d'établissement de relations diplomatiques entre la Haute Volta et la République de Chine le 14 Décembre 1961. Mais des événements n'allaient pas tarder à assombrir cette douce entente et à la briser par la suite. * 33 Marx Karl & Engels Friederich, 1977. L'Idéologie Allemande (Paris : Editions Sociales) 44 * 34 Vincent Auriol, homme d'Etat français. Élu président de la République française le 16 janvier 1947. * 35 Afrique Occidentale Française * 36 MEMO, La conférence de Bandung (1955), MEMO, Internet, http://www.memo.fr/article.asp?ID=CON_DEC_004 |
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