B- Quelles solutions sont-elles envisagées ?
1/ Les mesures de protection
- les règles de bonnes pratiques :
Les règles de bonnes pratiques (ou Best Management
Practices, BMP), définies par la
communauté maritime, demeurent selon l'OMI21, qui les
diffusent, le meilleur outil de protection contre la piraterie. Il s'agit de
mesures de protection passives, pour dissuader les attaques,
et défensives, pour tenir en échec les pirates
en cas d'attaque. Les navires qui respectent les BMP parviendraient ainsi plus
facilement à déjouer une attaque ou à tenir le temps
nécessaire jusqu'à l'intervention des forces navales et à
éviter la capture.
Elles peuvent consister à former les équipages,
à installer des dispositifs défensifs et non létaux
(barbelés, « donjon », canons à eau, filets,
dispositifs de surveillance), en fonction des caractéristiques du navire
et des besoins identifiés par le capitaine 22.
Si certaines compagnies maritimes s'impliquent dans la
coopération - par exemple, le 21 septembre 2010, les trois principaux
armateurs mondiaux (Maersk Lines, CMA-CGM et MSC) ont déclaré
dans un communiqué commun leur intention de coopérer dans
la lutte contre la piraterie dans le Golfe d'Aden et l'Océan
Indien en prévoyant un échange d'information sur les politiques,
les mesures et procédures mises en place, les axes d'amélioration
envisageables -, ces déclarations demeurent selon l'ISEMAR davantage des
effets d'annonce et ne sont pas forcément suivies d'effets.
De fait, les BMP restent non obligatoires et 20 % des
navires ne les appliqueraient pas23. De plus, l'application
des procédures, lorsqu'elles ont été
décidées par l'armateur, n'est pas systématique et reste
à l'appréciation du commandant.
Pour autant, plusieurs pistes peuvent être
envisagées pour inciter les compagnies à les appliquer.
Ainsi, dans son rapport, M. Jack LANG a notamment
proposé de créer une certification internationale de
respect des BPM, en conditionnant le versement par les assureurs des
remboursements correspondant aux dommages liés à la piraterie
l'inscription à cette certification. Certains assureurs se sont
déjà engagés dans cette voie et l'OMI s'est
proposée pour mettre en place cette certification24.
- le soutien de la communauté internationale
:
La communauté internationale, et notamment l'ONU, se
mobilise pour lutter contre la piraterie. Dans un premier temps, il s'est agi
de protéger l'aide humanitaire acheminée par le Programme
Alimentaire Mondial (PAM) en direction de la Somalie, et plusieurs
résolutions ont été adoptées, à la suite
desquelles a été instaurée la force EUNAVFOR Atalante,
première opération navale de la Politique Européenne de
Sécurité et de Défense (PESD).
Créée en novembre 2008, son principal objectif
est donc de protéger les navires affrétés par le PAM et
les navires marchands les plus vulnérables, de surveiller les zones au
large de la Somalie, y compris ses eaux territoriales et de prendre les mesures
nécessaires pour dissuader et prévenir la piraterie. Le programme
prévoit également que les pirates interpellés devront
être jugés.
Parallèlement à la mise en place de l'EUNAVFOR
Atalante, l'Union européenne joue un rôle central
de coordination du renforcement des BPM avec la mise en place, en
février 2009, du Centre de sécurité maritime de la
Corne de l'Afrique (MSC-HOA), en lien notamment avec
l'UKMTO (contrôle naval
21 Organisation Maritime Internationale
22 L'International Ship and Port Security Code (ISPS),
adopté à Londres le 12 décembre 2002, est un code
international pour la sécurité des navires et des installations
portuaires qui impose de disposer d'un plan de sûreté contre toute
action illicite et toute intrusion d'une personne physique ou de
matériel non prévue sur le navire. Ce code donne un cadre
standard à partir duquel il appartient à l'armateur de mettre en
place les mesures de sécurité adaptées aux risques que
courra son navire.
23 Rapport de M. Jack LANG, p. 15.
24 Ibid, p. 16.
volontaire mis en place par le Royaume-Uni).
Ainsi, la première règle de bonne pratique pour
un navire croisant en Mer rouge et dans le Golfe d'Aden consiste à
s'inscrire en amont auprès du MSC-HOA, qui lui délivre une
évaluation de sa vulnérabilité (vitesse inférieure
à 15 noeuds, franc-bord bas inférieur à 5 mètres,
manoeuvrabilité réduite, type de propulsion faible ou
défaillant). Le navire se signale ensuite au UK-MTO lorsqu'il arrive sur
zone. MSC-HOA propose alors des convois groupés de transit
dans une zone surveillée, en fonction des capacités
navales disponibles.
Par ailleurs, dans la zone du Golfe d'Aden, deux navires
américains de la Task Force 151 patrouillent également, et ont
entre autres missions de lutter contre la piraterie. Par ailleurs, trois
navires chinois et deux russes assurent la sécurité de leurs
navires nationaux.
Malgré ces mesures de surveillance des côtes et
des eaux internationales, en raison de l'ampleur de la zone maritime à
protéger, les résultats sont mitigés et les armateurs font
de plus en plus souvent appel à des Sociétés Militaires
Privées (SMP).
- le recours aux sociétés de protection
privées :
En plus des mesures de protection passive, les armateurs et
les Etats font de plus en plus souvent appel aux Sociétés
Militaires Privées (SMP) pour lutter contre la piraterie. Ce
créneau des entreprises de sécurité a connu une croissance
fulgurante, à travers l'entrée sur le marché de
poidslourds du secteur comme Pistries et Xe, mais aussi d'une multitude de
sociétés de toutes nationalités.
Ainsi, le gouvernement somalien a fait appel en 2008 à
la SMP française Secopex pour créer des unités de
sécurité maritime, former les troupes somaliennes ainsi que la
garde présidentielle du pays. Cette SMP, basée à
Carcassone, va également placer des gardes armés dans les
navires croisant en mer Rouge pour le compte d'armateurs
privés. Le contrat, d'une valeur évaluée entre cinquante
et cent millions d'euros, doit être en partie financé par
des bailleurs de fonds internationaux.
De même, Maersk a choisi d'avoir recours à des
Sociétés Militaires Privées pour la route directe le long
de la côte orientale de l'Afrique entre Oman et le Cap.
L'armateur allemand Beluga Shipping, confronté en ce
moment à une prise d'otages de l'un de ses navires, a
décidé d'embarquer désormais « des agents de
sécurité privés » dans la zone entre la Corne de
l'Afrique et les Seychelles.25
Pourtant, le recours aux SMP est diversement
apprécié, et en France notamment, on doute du bienfondé de
cette solution.
Ainsi,dans un communiqué du 7 avril 2008, Armateurs de
France soulignait l'incertitude concernant la
responsabilité de l'agence ou de l'armateur en cas d'incidents
lorsque des hommes armés issus de sociétés privées
de sécurité sont à bord d'un navire. Et d'autre part, ADF
s'inquiétait de la possibilité qu'une opération de
piraterie s'envenime davantage du fait de la présence de ces gardes
armés et des nombreux dommages que cela pourrait entraîner.
Armateurs de France considère en tout état de
cause qu'une telle présence devrait être
encadrée, à l'instar du secteur aérien, pour
lequel des règles précises ont été
établies26. Tant que cela ne sera pas le cas pour le
transport maritime de marchandises, la meilleure solution pour lutter contre la
piraterie reste selon ADF une surveillance accrue des zones de passage à
risques par des bâtiments d'Etat.
En sus de ces mesures de protection, les armateurs ne cessent
d'appeler à un renforcement de la mobilisation internationale pour la
lutte contre la piraterie et notamment la mise en place d'outils juridiques
mieux adaptés et de mesures de répression.
25 Agence France Presse, 6 février 2011 : Cargo allemand
piraté : premier contact avec les pirates.
26 Règlement CE n° 300/2008 du 11 mars 2008
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