c) Les risques liés aux PPP
1) Le risque pays
L'un des cas les plus emblématiques de ce qu'on
qualifie soit de « situation intenable », soit de «
pillage », selon de quel côté on se trouve, est
l'affaire du conflit de Suez contre l'Etat argentin, qui a débuté
en 2006 et s'est dénouée en 2010.
Sur fond de querelles politiques et d'idéologies
franchement opposées entre l'ancien président argentin Carlos
Menem, qui avait décidé au début des années 90 la
privatisation du service de l'eau dans les villes de Buenos Aires et Santa Fe,
et le nouveau président Nestor Kirchner, investi en 2003 et très
hostile aux opérations des « firmes étrangères
qui ont pillé l'Argentine », Suez, qui estimait avoir perdu
plus de 700 millions d'euros entre 2001 et 2005 depuis la dévaluation du
peso lors de la grave crise économique qui a touché le pays,
s'est heurté à un refus catégorique de son partenaire
public lorsqu'il a voulu augmenter le tarif de l'eau pour compenser la
dévaluation du peso.
Illustration du risque-pays s'il en est, l'affaire n'en a pas
fini de détériorer les relations entre l'opérateur
privé et l'Etat argentin, qui lui reprochait par ailleurs le
licenciement sans ménagement de 4 000 salariés de l'usine lors de
sa reprise en main en 1993.
Le désaccord s'est soldé par une
renationalisation du service de l'eau et l'affaire a eu un retentissement
mondial, car elle était devenue le symbole de la question
extrêmement sensible de la privatisation de l'eau.
Le Centre international pour le règlement des
différends relatifs aux investissements (Cirdi) - une cour arbitrale
qui, sous l'égide de la Banque mondiale, tranche les conflits entre les
Etats et les sociétés privées - a finalement donné
raison à Suez à propos de la rupture du contrat de concession de
distribution et d'assainissement de l'eau des villes de Buenos Aires et Santa
Fe. Il passera sans doute de l'eau sous les ponts avant que les Argentins se
réaventurent dans un partenariat semblable...
2) Le risque de la corruption
Il est rare qu'une législation interne
spécifique existe en matière de passation des contrats de
concession dans les pays en développement, du fait de la
spécificité et de la complexité du PPP. C'est pourquoi il
faut être prudent lors de la conclusion du contrat, tant du
côté de l'entreprise que de l'autorité publique.
Lorsque les opérations se déroulent sous
l'égide des bailleurs de fonds, ceux-ci s'efforcent de faire respecter
une certaine transparence dans la procédure de sélection du
cocontractant et les risques de corruption s'en trouvent réduits.
Le fait que les entreprises des pays membres de l'OCDE
candidates à un Partenariat Public-Privé soient désormais
liées par les dispositions de la convention anti-corruption du 21
novembre 1997, ne prémunit pas pour autant les partenaires contre ce
type de délit, surtout si le pays émergent cocontractant n'est
pas signataire de la convention.
En la matière, la mauvaise publicité pour
l'entreprise ou pour le pays émergent qui pratiquerait la corruption, la
longueur du procès et les éventuelles sanctions encourues, sont
des éléments dissuasifs qui devraient les mettre en garde mais ne
garantissent évidemment pas que les partenaires s'en abstiendront.
En Chine, la corruption, parmi d'autres délits de
nature économique, fait partie des 68 crimes ou délits passibles
de la peine de mort, ce qui est assez dissuasif.
Cependant, lors de son ouverture à l'économie de
marché, commencée depuis la fin des années 70,
les autorités chinoises, ont admis qu'il fallait non
seulement alléger et rationaliser l'administration, mais aussi en
limiter le pouvoir. Elles ont engagé la réduction du nombre
d'agréments et de licences délivrés par l'administration
par une réforme que l'on appelle en Chine « Yifa xingzheng »
(mise en conformité de l'administration avec la loi), principalement
motivée par une volonté de rendre l'administration plus efficace,
plus transparente, et par là même de lutter contre la
corruption.
Il faut noter que cette réforme s'inscrivait dans le
cadre de la refonte générale annoncée en 1998, mais que,
selon l'OCDE, les résultats avaient été peu tangibles dans
un premier temps. Il a fallu attendre que la rationalisation de l'Etat central
soit menée à bien au début des années 2000 pour
constater les premières améliorations.
En tout état de cause, pour prévenir toute issue
désastreuse à un éventuel contentieux lié à
de la corruption dans quelque pays que ce soit, il est préférable
d'introduire dans le contrat une clause d'arbitrage international, afin que, si
contentieux il y a, l'affaire ne se retrouve pas devant la juridiction
nationale du pays émergent car il y a toujours un risque que celle-ci ne
soit pas réellement indépendante.
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