2.2 Passer de la
« visite » à la « découverte » pour impliquer
le touriste dans la préservation du lieu
Les raisons qui poussent un individu à devenir touriste
sont multiples : besoin d'évasion, vacances, envie de
découvrir, sortir de son ordinaire, etc. C'est d'ailleurs ce mouvement
transitoire et ponctuel qui définit le tourisme, comme une
activité exercée en dehors de son cadre de vie habituel. Mais
pour comprendre comment le touriste, en tant que personne, peut aussi
contribuer à la valorisation d'un territoire, peut-être
faudrait-il avant s'interroger sur la notion de
« touriste ». Qui est-il, cet individu nomade ? Que
cherche-t-il en parcourant ces lieux qui lui sont souvent inconnus ?
Littré en donne une définition dans son Dictionnaire de la
Langue Française : « celui qui voyage par
curiosité et désoeuvrement ». Ce qui différencie
donc le voyageur du touriste serait donc sa soif de connaissances et
l'abondance de temps à consacré à ce loisir. Cette
définition datant du XIXe siècle, sa portée
varie sensiblement par rapport à l'interprétation
contemporaine.
2.2.1 Le
« Tour »-iste, voyageur en quête de distinction
Le tourisme tire ses origines d'une sorte de voyage
initiatique à travers l'Europe réservé à la haute
aristocratie anglaise du début du XVIIIe siècle. Cette
aventure, nommée The Tour, était plus motivée par
un souci de distinction que de curiosité, et ressemblait à un
parcours planifié de lieux incontournables à visiter. Les
premiers guides de voyages sont d'ailleurs un pur produit issu de cette
tradition, se présentant comme un recueil des « lieux à
voir » - traduction littérale de l'anglais
sightseeing [Boyer, 2002]. Nous voici bien loin de ce à quoi
notre imaginaire nous a habitué en évoquant le mot
« tourisme » : plages bondées des côtes
méditerranéennes, séjours sportifs d'hiver dans les Alpes
ou escapade aventure au Costa Rica par exemple. Et pourtant, quel genre de
touriste serions-nous si l'on parcourait l'Egypte sans passer par les
pyramides ? Et Paris sans visiter la Tour Eiffel ? Notre appareil
photo n'est-il pas là pour immortaliser notre passage devant ces lieux
si connus ? Si le tourisme s'est démocratisé, le poids de
l'Histoire a laissé des traces encore visibles aujourd'hui.
Ce processus de démocratisation dévoile un
aspect relativement pertinent du développement de la pratique
touristique dans nos sociétés contemporaines. Historiquement, un
effet de capillarité initie la diffusion de ce loisir à travers
l'ensemble des groupes sociaux. Les Tour-istes, issus de
l'élite sociale, détiennent le rôle de prescripteurs des
pratiques de ce genre, lesquelles sont ensuite imitées par les couches
sociales inférieures, selon une diffusion en top-bottom.
Au-delà de la simple reproduction d'un loisir, c'est l'imitation des
pratiques culturelles de cette élite qui va faire du tourisme une
activité induisant intrinsèquement une modification des pratiques
sociales des groupes en question. Les individus ne sont-ils pas plus enclin
à fréquenter les musées ou autres lieux culturels
lorsqu'ils sont touristes, alors que cet accès à la culture est
habituellement plus répandu au sein des élites ? Le public,
visiteurs habituels, se différencie donc d'un non-public indigène
et du flux touristique, visiteurs ponctuels pour raison touristique [Boyer,
2002].
Mais ces prescripteurs ne sont pas des touristes ordinaires.
Leur motivation dépasse le simple souci de distraction, ou de profiter
inconsidérément de leur oisiveté. La rationalisation de
ses dépenses de temps et d'argent ne l'intéresse pas, au
contraire, il se lasse vite, ce qui l'importe, c'est d'être
différent, de se distinguer. Il a atteint la dernière
étape de la pyramide de Maslow, l'accomplissement de soi. Son besoin de
se découvrir passe par la découverte de nouvelles
expériences, qui lui assure un moyen de montrer qu'il est unique et de
se distinguer. La pratique du libéralisme économique touristique
lui est étrangère. Son goût pour le singulier l'authentique
l'éloigne des voyages all-inclusive, où tout est
rationaliser et méticuleusement organisé. Le tourisme
s'étant démocratisé, il ne se distingue non plus par la
pratique de cette activité, mais par son contenu, en innovant sur le
choix des destinations ou les modes de tourisme. A la lumière de ces
informations sociologiques, le choix du gouvernement malgache de
développer un écotourisme haut de gamme paraît relativement
prometteur pour le futur.
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