B) Les formes d'entreprises :
L'angle historique bien qu'utile pour comprendre l'origine des
grandes tendances de l'économie chinoise, et ici tout
particulièrement en ce qui concerne l'évolution des firmes
chinoises, n'est pas suffisant pour une analyse profonde des stratégies
d'expansion de ces dernières. Il faut s'intéresser
désormais à l'état actuel des firmes chinoises qui
investissent à l'étranger et leurs liens avec le pouvoir central,
qui bien que diminué n'en reste pas encore moins incontournable. Ces
entreprises chinoises qui ont la capacité d'investir à
l'étranger (et qui le font) peuvent se diviser en trois
catégories: Les entreprises d'Etat (elles sont aujourd'hui les
plus nombreuses et représentent la première catégorie),
les entreprises semi-privées ou semi-publiques (cette
deuxième catégorie assez récente regroupe les entreprises
d'Etat qui ne répondent à pratiquement aucun objectif publique,
elles se comportent totalement comme des entreprises privées seulement
intéressées par le profit), et les entreprises
privées (elles sont les plus récentes et les moins nombreuses
mais connaissent une rythme de développement non négligeable).
Cependant, deux de ces trois catégories ont de forts liens entre elles
et ont tendance à fusionner avec le temps, à l'avenir il ne
serait pas étonnant que la première catégorie disparaisse
en se fondant dans la deuxième.
a) Les entreprises d'Etat :
Les entreprises d'Etat sont aujourd'hui à l'origine de
la majorité des IDE chinois et représentent la grande
majorité des entreprises chinoises qui investissent à
l'étranger, en effet ces dernières contrôlaient en 2005,
84% du stock d'IDE. En 2006, les dix entreprises qui ont réalisé
les plus gros investissements à l'étranger sont toutes des
entreprises d'Etat (SINOPEC, CNPC, CNOOC, China
Resources Holgings Co., China Mobile...)18 . Elles
sont de plus en quasi monopole sur de nombreux secteurs, tel que le secteur
bancaire, les assurances, l'énergie et l'extraction de matières
premières. Malgré l'ouverture de la Chine aux marchés
mondiaux et son entrée au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce
(OMC) le 11 Décembre 2001, l'Etat refuse encore de se débarrasser
d'un levier important pour diriger l'évolution économique de la
Chine en
18 Mais aussi : COSCO, CITIC GROUP, COFCO, China
Merchants Group et SINOCHEM Corporation.
préférant tel ou tel secteur d'activité,
telle ou telle région à développer... Ces entreprises
d'Etat bénéficient de plus d'appuis formels et informels du PCC
à travers : des facilités d'accès au crédit, un
accès privilégié à l'information, des
procédures administratives « allégées ». Or en
contrepartie depuis 2004, ces grandes entreprises d'Etat obéissent
à la Commission de Surveillance et d'Administration des Actifs de l'Etat
(CSAAE), cette commission qui fut créée afin de mieux
gérer les actifs de l'Etat (deux cent grandes entreprises) décide
des orientations stratégiques des entreprises (tout
particulièrement les fusions et acquisitions), des investissements
à l'étranger, et nomme les dirigeants. Du fait de leurs statuts,
ces entreprises assurent, pour la grande majorité d'entre elles,
d'importantes fonctions sociales (protection sociale, logement des
employés, bourse d'études pour les enfants...), or ces fonctions
sociales représentent un coût élevé et de plus en
plus d'entreprises d'Etat refusent de les assumer ou les transfèrent aux
autorités locales.
Il est vrai que malgré qu'elles occupent encore une
place prépondérante dans l'économie chinoise, les grandes
entreprises chinoises sont en perte de vitesse. Depuis le milieu des
années 1990, l'Etat n'a cessé de privatiser de nombreuses
entreprises soit en les revendant aux dirigeants en place, soit en les vendant
à des fournisseurs de capitaux étrangers. La proportion
d'effectifs employés ne cesse de baisser et en particulier en ce qui
concerne les travailleurs urbains, en effet en 1978, 78% des travailleurs
urbains travaillaient dans des entreprises d'Etat, cette proportion passe
à 60% en 1995 avant d'atteindre 25% en 200419. Sur le plan
interne (le marché chinois), les entreprises souffrent de la corruption
et du népotisme, deux choses qui font fuir les meilleurs cadres qui ont
désormais tendance à se tourner plutôt vers le secteur
privé (entreprises chinoises et étrangères confondues).
Sur le plan externe (marchés étrangers), les entreprises
d'Etat
doivent faire face à la mise en place de systèmes
de protection de la part des Etats oüelles investissent, les
autorités locales leurs reprochant de mauvaises gestions
financières
et une trop forte influence du PCC20. En effet,
l'influence directe du PCC sur ces entreprises qui amène à une
division floue de la responsabilité entre les dirigeants
de l'entreprise et Pékin reste un frein majeur à leur
développement, de nombreux Etats
19 China statistical yearbook,
éditions 1978/1995/2004.
20 En juillet 2010, 50 membres du congrès
des Etats-Unis ont demandé une enquête sur le rapprochement entre
Ansteel (chinois) et la société américaine
Steel Development Co., car ce rapprochement pouvant « menacer les
emplois et la sécurité nationale ». Chine nouvelle,
le 20.07.2010.
refusant de voir leurs économies respectives se
développer selon les ordres et les intérêts du PCC. Cette
influence directe du parti pousse à une prise de décision
répondant à des objectifs qui ne sont pas totalement
économiques mais aussi politiques, les autorités locales
craignent alors que le développement de leurs régions
n'amène donc pas à une augmentation de la richesse de la zone
ciblée.
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