Le PCC possède encore aujourd'hui de nombreux outils
qui lui permettent d'influencer les stratégies d'expansion des firmes
multinationales chinoises, et c'est grâce à ces dernières
que celui-ci peut imposer des facteurs politiques aux entreprises chinoises. Ce
dernier peut agir à différents stades de l'élaboration de
la stratégie des firmes en favorisant les investissements dans des
marchés ou secteurs spécifiques à travers des aides
financières et sa politique du « Going Global », en
interdisant certains investissements via les procédures
d'évaluation des IDE, ou encore grâce à une absence de
financements des banques publiques. Or malgré ces outils, l'impact
direct de ce
83 Le soft power est une notion
développée par le spécialiste des relations
internationales Joseph Nye dans son libre intitulé Bound to Lead
: The changing Nature of American Power (1990). Ce concept est
présenté comme le moyen pour un acteur d'influencer le
comportement d'un tiers sans moyens coercitifs.
84 Jean-Pierre CABESTAN, La politique
internationale de la Chine, Paris, avril 2010, Collection
Références, Presses de Sciences Po, 460 pages.
dernier tend à disparaître au profit de formes
plus indirectes et incitatives que réellement coercitives pour ces
firmes, et ce à cause, de méfiances de la part de firmes
étrangères, chose qui pénalise dès lors les firmes
chinoises.
Tout d'abord, c'est à travers les entreprises d'Etat
que les facteurs politiques chinois ont de l'influence surtout que ces
dernières sont les plus puissantes du pays sur la scène
internationale en contrôlant en 2005, 84% du stock d'IDE. Comme elles
sont les premières à avoir investies à l'étranger
et à s'être implantées, elles jouissent d'une grande
influence. Cette influence rebondit quasi directement sur le gouvernement
chinois qui fait de ces entreprises son image de marque principale. De plus ces
entreprises, même si elles basent leurs stratégies sur des
intérêts économiques, doivent voir leurs dirigeants
être validés par les autorités chinoises. Elles ne
craignent en plus, ni la cessation de paiement, ni la prise de contrôle,
car elles sont sous la coupe directe de l'Etat qui est actionnaire majoritaire,
et le plus souvent au-delà des 60%. Cela est particulièrement
vrai pour les 200 entreprises directement sous le contrôle de la
Commission de Surveillance et
d'Administration des Actifs de l'Etat
(\u22269ç?\u-27038%o@çL???\u30563«ÂÇùàÏ?\u20250%oï
: Guówùyuàn
guóyöuzichdn jiãndü gudnll
wëiyuánhuì), cette administration sous les ordres du
conseil d'Etat chinois prend des décisions pour ces firmes dans le
domaine des ressources humaines, du budget, et des stratégies
d'investissement. Ceci permet à l'Etat de bénéficier d'un
moyen direct pour défendre ses intérêts sur la scène
économique mondiale. Ceci permet de montrer, que même si les
effets des intérêts politiques chinois dans les stratégies
des entreprises se font moins sentir qu'avant, ils n'ont pas totalement disparu
et les outils sont toujours en place afin de permettre au gouvernement de
reprendre le contrôle total de ces quelques firmes.
L'autre point principal est celui de la procédure
d'évaluation des IDE et de financement des entreprises. Ces outils
permettent à la Chine de contrôler indirectement le choix des
firmes qu'elle ne peut influencer directement, en particulier les entreprises
privées. A travers ces procédures, le PCC peut limiter ou
augmenter la quantité de flux d'IDE par années et donc la
quantité de capital quittant le territoire. Il peut aussi s'accorder un
droit de regard sur les investissements faits en coopération avec des
entreprises étrangères, de cette manière, le gouvernement
peut éviter de perdre une fois
de plus le contrôle des investissements au profit
d'entreprises étrangères. L'obtention de financements est aussi
un moyen de contrôler les firmes privées chinoises. Comme ces
dernières ne peuvent faire appel à des capitaux étrangers,
elles doivent, dès lors, obtenir des financements domestiques, le plus
souvent à travers les banques nationales. Or, tout investissement qui ne
va pas dans l'intérêt du PCC peut être bloqué, avant
même que le crédit ne soit accordé. Ceci oblige alors des
firmes privées à s'enregistrer en tant que firmes publiques : se
sont les « chapeaux rouges » que nous avons pu décrire
précédemment (cf. page.24).
Cependant, à cause de ces influences directes, les
pays (surtout les pays développés) ont érigé des
barrières protectionnistes contre l'implantation des firmes chinoises.
Ces derniers ont peur que ces investissements soient plus dans
l'intérêt de Pékin, que de l'économie locale
visée. En effet, l'Europe craint de voir des secteurs clés de son
économie (industrie de haute technologie...) quitter son territoire pour
s'installer sur le sol chinois après une acquisition. Les firmes
étrangères craignent aussi que s'associer avec une entreprise
chinoise dans un projet quelconque, à cause d'une hypothétique
influence de l'Etat chinois. Face à cet ensemble de critiques et de
vagues de protectionnisme, Pékin cherche la parade sans lâcher ses
leviers, et commence à agir de façon plus subtile comme avec sa
politique du « Going global ».
La politique du « Going global » mise en place en
2004 visait à accorder des aides financières aux entreprises
chinoises sous différentes formes : crédit d'impôt,
prêts à taux préférentiels..., si ces
dernières investissaient dans des secteurs ou des marchés que le
régime estimait stratégique comme : le marché africain et
des membres de l'ASEAN. Ces aides financières sont couplées, de
plus, avec les aides au développement du gouvernement chinois qui
prépare ainsi la signature de futurs contrats. Cette politique marche
particulièrement bien en Afrique, où le gouvernement
échange des aides au développement (création
d'écoles, d'hôpitaux...) contre des signatures de contrat pour
l'établissement d'entreprises spécialisées dans
l'extraction et l'exploitation de ressources naturelles85.
85 Chiffres officiels de l'Organisation de
coopération et de développement économique (OCDE),
rapports de l'OCDE de 2008, OCDE Investment Policy Reviews : China
2008.
Ainsi, l'ensemble de ces outils montre bien que le
gouvernement chinois peut influer largement le choix stratégiques des
firmes chinoises. Or, il faut désormais s'attacher à
étudier les facteurs politiques en eux-mêmes, du gouvernement de
la République Populaire de Chine.