Parler des intentions des entreprises pour leurs futurs
investissements demeure un travail difficile, en effet, comme toute
spéculation les intentions varient que les buts soient définis
pour un avenir proche ou lointain. Il est vrai que selon la distance de la
projection, les facteurs sur lesquels se basent les entreprises pour
établir leurs prévisions ne sont plus les mêmes. Jusqu'ici,
on a pu identifier deux facteurs principaux qui influencent fortement les
possibles actions futures des entreprises : le rebondissement de
l'économie mondiale après la crise de 2008, et les intentions de
Pékin d'assouplir encore plus son contrôle sur les IDE chinois.
Selon une étude, la tendance globale des entreprises
chinoises est à une reprise modérée des investissements
à l'étranger. Cependant, cette reprise n'a pas la même
ampleur selon qu'elle se situe dans 12 mois ou dans 2 à 5 ans (voir
graphiques II.A.4 et II.A.5).
Graphique II.A.4 : Tendance des IDE chinois dans 12
mois
Augmentation modérée
Aucun investissement
Forte Augmentation
Niveau Original
Diminution
0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45% 50%
1%
5%
21%
30%
43%
Graphique II.A.5: Tendance des IDE chinois à 2-5
ans
Augmentation modérée
Aucun investissement
Forte Augmentation
Niveau Original
Diminution
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%
2%
9%
12%
28%
49%
Source: China council for the promotion of international
trade.
En effet, d'après les graphiques (page
précédente), les intentions des entreprises chinoises concernant
leurs politiques d'investissement varient fortement qu'elles soient
définies pour dans un an ou pour dans deux à cinq
ans.
Si l'on regarde tout d'abord les intentions des
investissements des firmes chinoises à l'étranger d'ici un an,
pour une grande partie d'entres elles, elles n'ont aucun projet
d'investissement (43%). Elles sont par contre 56% à avoir
décidées d'investir durant la même période. On
constate quand même que 1% a décidé de diminuer leurs
investissements. Cependant, parmi les firmes chinoises qui ont
décidé d'investir à l'étranger, on ne peut manquer
de faire la différence entre celles qui maintiennent leur niveau
original d'IDE (30%) et celles qui ont décidé de l'augmenter
(26%). Ces chiffres permettent de voir que les conséquences de la crise
économique de 2008 sont loin de n'avoir plus d'effets, et ce,
malgré l'aide que le gouvernement chinois a mis en place afin de
soutenir les investissements chinois à l'étranger. Les
entreprises chinoises restent globalement prudentes face à la reprise
économique et attendent encore que la situation s'améliore pour
pouvoir investir à l'étranger. Le cas des entreprises chinoises
qui ont décidé d'augmenter leurs IDE d'ici 12 mois, fait
écho aux 20% d'entreprises chinoises qui jugent que la crise
économique fut une source d'opportunités pour elles (cf.
page.34). Il semblerait qu'elles soient alors plus nombreuses à
estimer cela en 2010 que durant le pic de la crise économique, ceci
permet de déceler un certain optimisme dans une frange réduite
des firmes multinationales chinoises.
Or, l'étude des intentions des investissements d'ici
deux à cinq ans montrent des tendances complètement
différentes. En effet, alors que les entreprises qui prévoyaient
de ne pas investir dans les 12 mois étaient de l'ordre de 43%, elles ne
sont plus que 28% quand on parle de projet de deux à cinq ans. Ceci ce
confirme aussi pour les entreprises qui désirent investir, elles passent
de 56% à 70%, dont 61% qui désirent augmenter leurs
investissements et 9% qui désirent maintenir leur niveau actuel
d'investissement. A l'inverse, le nombre d'entreprises souhaitant diminuer
leurs investissements passe de 1% à 2%. Au-delà de
l'évolution du nombre d'entreprises qui désirent investir, c'est
le rapport entre les entreprises qui maintiennent leurs niveaux
d'investissements et celles qui désirent augmenter leurs investissements
qui est intéressant à analyser. En effet, alors
que pour des projets à 12 mois, les intentions
étaient majoritairement tournées vers une stagnation des
investissements, ce rapport évolue largement en faveur d'une
augmentation des investissements pour des projets dans deux à cinq ans.
Deux raisons peuvent alors expliquer cette tendance à une augmentation
massive des IDE chinois d'ici deux à cinq ans. Tout d'abord, cela montre
que les firmes multinationales chinoises estiment que les effets de la crise
économique de 2008 ne se feront plus du tout sentir d'ici deux à
cinq ans. Or pourquoi une différence de trois années ? On peut
penser que selon les secteurs d'activité de l'entreprise, les effets
mettront plus ou moins de temps à totalement disparaître : deux
ans au minimum et cinq ans au maximum. De plus, ces chiffres datent d'une
étude de 2009/2010, cela voudrait donc dire que les entreprises
chinoises estiment que les derniers effets de la crise devraient
disparaître d'ici 2012 au minimum et 2015 au maximum, on pourrait
alors estimer que les tendances demeurent quand même assez pessimistes au
moment où certains économistes35 commencent à
parler pour cette même année 2010 d'une reprise de
l'activité économique dans de nombreux pays et d'une augmentation
du commerce international. La seconde raison pouvant alors expliquer cette
reprise de l'investissement, est la volonté du gouvernement chinois de
continuer les réformes autour de la procédure de contrôle
des IDE chinois afin s'assouplir cette dernière. Les entreprises
chinoises jugent, en effet, que cette procédure limite la taille des
apports de capitaux étrangers et ralentit les projets, des
défauts inacceptables dans un contexte de concurrence mondiale (voir
graphique II.A.6).
Graphique II.A.6 : Défauts assimilés
à la procédure d'évaluation des IDE chinois
Limitation des capitaux étrangers. Lenteur de la
procédure. Limitation de la taille des IDE. Coût
élevé de la procédure.
Procédure trop stricte d'évaluation de
l'origine des fonds.
17%
44%
24%
35%
58%
Source: The Foreign Investment Advisory System, the
International Finance Corporation, and the Multilateral Investment Guarantee
Agency.
35 L'actuel directeur général du Fond
Monétaire International (FMI), Dominique Gaston André
Strauss-Kahn estimait, en avril 2009, la reprise de l'économie mondiale
en 2010. Source AFP.
Nous pouvons ainsi voir les cinq défauts majeurs que
les entreprises chinoises reprochent à la procédure du PCC
d'évaluation des IDE chinois. En tête vient la limitation des
apports de capitaux étrangers, suivit de près par la lenteur de
la procédure et la limitation de la taille des IDE. Face à ces
défauts, le gouvernement chinois tente de répondre à ces
critiques par une augmentation de la souplesse de cette procédure voire
sa complète annulation dans certains cas. En effet, le gouvernement
pense rehausser les plafonds des investissements et permettre un plus grand
apport de capitaux étrangers. Des solutions tournent aussi autour de
sortir les entreprises les plus fragiles de ce processus afin de les encourager
à investir à l'étranger. Le but final saurait pour
Pékin d'être plus incitatif que proactif, et d'aider les
entreprises chinoises via un meilleur accès à l'information, et
une meilleure préparation, à l'intégration de
marchés locaux via les ambassades de la République Populaire de
Chine. En effet, plus que le gouvernement, les entreprises restent les plus
aptes à choisir leurs débouchées et s'auto
évaluer36. Or, malgré cette volonté
affichée de réforme, il semblerait hasardeux d'affirmer qu'elle
est à l'origine de l'augmentation des IDE chinois d'ici deux à
cinq ans. Il faut pour cela regarder les tendances d'évolution de
l'échelle des IDE chinois (graphique II.A.7).
Graphique II.A.7 : Echelle des projets d'IDE chinois
pour dans 2 à 5 ans
16%
6%
9%
36%
33%
Investissement inférieur à 1 million de
dollars
Investissement compris entre 1 et 5 millions de
dollars
Investissement compris entre 5 et 10 millions de
dollars
Investissement compris entre 10 et 100 millions de
dollars
Investissement supérieur à 100 millions de
dollars
Source: China council for the promotion of international
trade.
L'analyse de ce graphique et sa comparaison avec le
précédent (cf.page.30) permet de mesurer les possibles
évolutions d'échelle des IDE chinois. On peut en effet remarquer,
que par rapport à aujourd'hui, les entreprises chinoises envisagent
d'augmenter les investissements supérieurs à un million de
dollars, au détriment des IDE
36 Comme toute réforme en préparation,
le gouvernement chinois reste très discret et n'avance pas de chiffres
officiels. Il semblerait qu'il faille attendre le prochain congre du PCC (le
XVIIIe) en 2012.
inférieurs à cette même somme. Par
exemple : les IDE supérieurs à 100 millions de dollars passent de
1% à 6%, à l'opposé, les IDE inférieurs à un
millions de dollars sont passés de 61% à 33%. Alors qu'à
l'heure actuelle, la première catégorie des IDE chinois sont les
investissements inférieurs à un million de dollars avec 61%, il
semblerait que la première catégorie dans deux à cinq ans
soit les investissements compris entre un et cinq millions de dollars, avec
36%. Ceci marque une augmentation significative de la taille des IDE chinois,
et peut s'expliquer, entre autres, par la fin des conséquences de la
crise économique. Or, cette augmentation de la taille des IDE peut aussi
s'expliquer par les possibles réformes à venir du processus
d'évaluation des IDE chinois par le PCC. En effet, n'oublions pas d'une
part que le PCC voudrait augmenter la part de capitaux étrangers dans
les IDE chinois, ce qui pourrait expliquer cette augmentation rapide la taille
des IDE chinois. D'autre part, le PCC entend assouplir la procédure
d'évaluation des IDE, ce qui vaudrait à une diminution des refus
et un allègement du coût total de traitement des dossiers, ceci
peut alors convaincre de nombreuses entreprises d'augmenter leurs
investissements ou bien de se lancer dans des investissements vers
l'étranger pour la première fois. Cependant, ceci ne reste que de
la spéculation, et il faudra attendre les réformes
proposées par le XVIIIe congrès du PCC en 2012, ainsi que de
nouveaux rapports pour infirmer ou confirmer les hypothèses
avancées précédemment.
De façon générale, l'analyse des IDE
chinois permet de comprendre la situation actuelle de l'investissement chinois
à l'étranger et les possibilités d'évolution. La
Chine fait face à de nombreuses difficultés qu'elle tente petit
à petit de surmonter, malgré certaines réticences pouvant
venir du gouvernement central de Pékin, qui entend garder le plus
longtemps possible la main sur les leviers de l'économie du pays. Ceci
n'empêche, les IDE chinois connaissent une progression fulgurante
malgré des difficultés récentes. Les firmes
multinationales chinoises ont su s'adapter à la crise économique
de 2008 et aux lourdes procédures administratives qu'imposent le PCC.
Les IDE semblent dans un avenir plus que proche devoir encore augmenter. Ceci
caractérise bien le mouvement que connaissent les firmes chinoises
depuis les années 2000, c'est-à-dire, une expansion bien que
récente qui n'en demeure pas moins rapide, même si elle reste
limitée.