c) Les difficultés caractéristiques aux IDE
chinois :
Nous avons pu voir jusqu'ici que les IDE chinois se
caractérisent par : un faible montant, mais qu'ils sont néanmoins
en nette progression, et que la crise financière de 2008 eu un impact
non négligeable sur ces derniers même si certaines firmes, et
grâce à l'aide du PCC, ont pu trouver des opportunités. Il
est désormais nécessaire dès lors pour totalement
comprendre les IDE chinois, de se pencher sur les difficultés que
rencontrent ces derniers. La Chine étant encore un pays communiste
encadre fortement ses IDE, elle maintient en place des procédures
d'évaluation et d'autorisation de ces derniers même si ces
procédures se sont nettement assouplies depuis 2000. Ces
procédures administratives peuvent expliquer en partie le faible montant
des IDE, en effet, bon nombre de firmes multinationales chinoises sont
découragées pour entreprendre une procédure administrative
longue et lourde.
Il existe trois administrations principales qui gèrent
et contrôlent les IDE des firmes multinationales chinoises :
l'Administration d'Etat des Devises Etrangères (AEDE,
\u22269ç%oÆO?\u31649ÇùÇ :
Guójiã wàihuì gudnli jú), la
Commission de Développement National
et des Reformes (CDNR, \u22269ç \u23478%oÆ
? \u23637«W \u21644a \u25913%oü \u-26775v \u22996àÏ ?
\u20250%oï : Guójiã Fãzhdn hé Gdigé
Wëiyuánhuì) qui dépend du Conseil d'Etat Chinois
( \u22269ç ? \u-27038%o@ : Guówùyuàn),
et le ministère du commerce de la République
Populaire de Chine
(\u20013'?\u20154êl-açè?\u-28440ï» :
Zhonghuá Rénmín
Gònghéguó shãngwù bù).
L'AEDE est l'administration en charge du contrôle et de
la régulation de l'utilisation de monnaies étrangères dans
les projets d'IDE chinois. Avant d'évaluer le projet d'IDE en
lui-même, les fonds soulevés doivent être
vérifiés et être capables de prouver leur origine. Le but
de cette administration est pluriel : elle permet de lutter contre le
blanchiment d'argent d'une part, et d'autre part elle permet d'établir
un premier
filtre pour les projets d'IDE. Sans accord de l'AEDE, le
projet d'IDE est stoppé et ne peut dès lors passer à
l'étape suivante qui est le contrôle par le CDNR et le
ministère du commerce de la République Populaire de Chine. Selon
un réforme de 200633, les projets inférieurs à
dix millions de dollars sont évalués par les antennes locales de
l'AEDE, tandis que tous les projets excédants cette somme doivent
être évalués par la commission principale. Avant cette
réforme, le plafond était de trois millions de dollars. Cette
réforme eu aussi un autre impact majeur qui est la suppression d'un
plafond maximum d'IDE. Avant cette réforme, l'AEDE ne pouvait autoriser
au maximum qu'un montant global d'IDE de 3,3 milliards de dollars, plafond qui
passa à 2005 à 5 milliards. De toute manière, même
si de jure l'administration devait se tenir à un maximum d'IDE,
de facto l'AEDE n'appliquait plus cette règle. Par exemple en
2001, le montant global des IDE chinois atteignit 6,9 milliards de dollars,
soit un dépassement de l'ordre de plus de 100%. Le but de ce plafond
était alors d'empêcher une sortie massive de capitaux chinois qui
aurait ainsi par la suite pus faire défaut au marché local. Or,
avec l'accentuation de la mondialisation, le PCC autorisa cette réforme
afin de permettre aux firmes chinoises d'égaler les autres firmes
multinationales. Cependant, un autre problème plus important persiste :
la longueur administrative. En effet, après l'évaluation
préliminaire du projet d'IDE par l'AEDE, ce projet doit obtenir l'aval
de la CDNR et du ministère du commerce chinois. Le temps entre chaque
autorisation est inadmissible dans un contexte de concurrence mondiale surtout
quand il s'agit d'acquérir un contrat ou une entreprise (à
travers une OPA ou une OPE). Cette lourdeur administrative coûte
chère aux firmes multinationales chinoises qui se retrouvent
désavantagées face à d'autres firmes qui peuvent
instantanément fournir les fonds nécessaires. C'est pour cela que
la réforme de 2006 prit ce critère en compte, à travers un
assouplissement de la procédure. En effet, l'AEDE (à travers la
commission principale ou l'antenne locale) peut donner une autorisation de
délivrer 15% (au maximum) de la totalité du montant de l'IDE.
Cette réforme essaye de contenter les besoins de la vie
économique des firmes chinoises, ainsi que les attentes des
administrations chinoises. Cependant en cas de refus de l'autorisation du
projet d'IDE par la CDNR ou le ministère du commerce, l'entreprise est
obligée de rapatrier les fonds qu'elle avait investi (15% du montant
total de l'IDE). Ainsi, rien qu'à ce stade de la procédure, bon
nombre d'entreprises chinoises peuvent être découragées
33 Circular on the Revision of Certain Foreign
Control Policies Relating to Overseas Investment, rapport de 2006.
d'investir à l'étranger. En effet, la lourdeur
de l'administration d'une part désavantage ces dernières qui ne
peuvent fournir immédiatement la totalité des fonds
exigés. De plus, en cas de refus d'autorisation de la part des autres
administrations concernées, les firmes chinoises sont obligées de
rapatrier leurs capitaux. Ce rapatriement forcé peut leurs coûter
très cher (obligation de rembourser le désistement à la
dernière minute, voire l'obligation d'abandonner les fonds sur
place).
Cependant, l'obtention de l'accord de l'AEDE n'est pas
suffisante pour pouvoir mener un projet d'IDE à terme. Le projet doit
être par la suite, évalué par la Commission de
Développement National et des Reformes (CDNR) et le ministère du
commerce de la République Populaire de Chine. La CDNR, qui dépend
du conseil d'Etat Chinois, a pour mission de formuler des politiques
économiques et sociales pour le développement et d'évaluer
l'intérêt ainsi que la validité de chaque projet d'IDE.
Plus précisément, au sein de la CDNR, c'est le département
d'utilisation des capitaux étrangers qui évalue les projets
d'IDE. Le projet d'IDE pour être validé, doit être conforme
: aux lois et règlements de l'Etat chinois, à la politique
industrielle officielle, contribuer au développement de
l'économie et de la société chinoise, suivre les «
instructions » recommandées par le PCC en terme d'accès aux
capitaux étrangers et enfin, démontrer la capacité
réelle de l'entreprise à mener à terme le projet. Ces
cinq conditions sont nécessaires pour obtenir l'autorisation du CDNR,
avant enfin de pouvoir obtenir l'autorisation finale du ministère du
commerce (qui se base sur les cinq même critères que le CDNR pour
réexaminer le projet), aucune dérogation n'est alors permise sauf
sans certains cas précis d'un projet mené par une entreprise
d'Etat. En effet, avant une réforme en 200434, tous les
projets supérieurs à un million de dollars devaient obtenir
l'aval du bureau central de la CDNR ainsi que du ministère du commerce
de la République Populaire de Chine. Le but de cette réforme
était d'assouplir les procédures administratives afin de pouvoir
augmenter la compétitivité des IDE chinois. Cette réforme
permit de plus de classer et regrouper les IDE en cinq types :
· Les projets d'IDE dont le montant total est
supérieur à 200 millions de dollars, ou dont le montant de
capitaux étrangers est supérieur à 50 millions de dollars.
Ces
34 The Reform of the Investment System
Decision, juillet 2004, par le Conseil d'Etat Chinois.
projets doivent alors répondre à des
critères plus sélectifs. En effet, ces derniers passent par le
bureau central de la CDNR qui évalue le projet dans sa totalité.
Après l'accord du CDNR, le projet doit obtenir l'aval non du
ministère du commerce, mais du conseil d'Etat Chinois.
· Les projets qui se situent dans le secteur de
l'extraction de matières premières et dont le montant total est
supérieur à 30 millions de dollars, ainsi que tout ceux dont le
montant des capitaux étrangers sont supérieurs à 10
millions de dollars doivent obtenir l'aval du bureau central du CDNR.
· Les projets menés pas les entreprises d'Etat,
et avec l'aval du gouvernement central n'ont besoin que de s'enregistrer
à la CDNR. Il n'est pas nécessaire pour ces derniers de passer
les phases d'évaluation si le montant total du projet n'excède
pas 30 millions de dollars ou dont le montant de capitaux étrangers
n'est pas supérieur à 10 millions de dollars. Cependant,
l'autorisation du ministère du commerce reste nécessaire, et le
projet doit être évalué par ces services. En même
temps, le ministère est obligé de communiquer à
l'entreprise toutes les données récoltées par l'ambassade
de Chine du pays hôte, c'est-à-dire qui va recevoir les IDE.
· Tous les projets inférieurs à un montant
total de 30 millions de dollars, ou dont le montant total de capitaux
étrangers est inférieur à 10 millions de dollars sont
évalués pas les antennes locales de la CDNR et du
ministère du commerce. Les rapports des antennes locales sont par la
suite envoyés aux bureaux centraux des administrations respectives.
· Enfin, tout projet qui a pour destination Taiwan ou un
pays non reconnu officiellement par la République Populaire de Chine est
évalué par les antennes locales de la CDNR et du ministère
du commerce. Cette évaluation doit amener à la constitution d'un
rapport, soumis par la suite, au conseil d'Etat Chinois.
Ainsi, il est désormais intéressant de mettre
en relation l'ensemble des procédures qu'une entreprise doit remplir
afin de pouvoir valider son projet d'IDE. L'AEDE évalue tout d'abord
l'origine des fonds du projet d'IDE, et autorise à délivrer 15%
du montant total avant l'autorisation officielle de la CDNR et du
ministère du commerce. Or la CDNR et le ministère du commerce
exigent des conditions très strictes, qui le sont
d'autant plus si le projet concerne de fortes sommes d'argent
et à une destination « sensible ». Il est désormais
facile de comprendre que cette lourde procédure administrative limite
les IDE chinois. Rares sont les entreprises qui sont en effet capables
d'investir plus de 200 millions de dollars, et d'oser délivrer avant
l'autorisation finale des administrations officielles, 15% de cette somme avec
le risque de devoir l'abandonner sur place, si le projet est rejeté au
dernier moment. Pour preuve, le cas de l'entreprise Sichuan Tengzhong
qui tenta le rachat à General Motors de sa marque
Hummer. L'entreprise sichuanaise après l'accord de l'AEDE
délivra 15% de la somme exigée pour cet achat, or au dernier
moment, le ministère du commerce rejeta le projet prétextant un
manque d'expérience de cette entreprise pour pouvoir mener à bout
un tel projet. L'entreprise fut contrainte d'annuler le contrat et de rapatrier
cette somme sans délai. Cet exemple récent qui date de 2009,
montre qu'encore actuellement l'Etat chinois peut faire preuve d'un manque de
souplesse dans les affaires économiques. Aussi, cette procédure
administrative révèle bien la discrimination du privé par
rapport au public et l'existence des « chapeaux rouges ». Dans
certains cas (sous la tutelle du PCC), les entreprises publiques sont beaucoup
moins contraintes par les procédures administratives et peuvent se
permettre de se passer de l'accord de certaines institutions (comme la CDNR),
cela pousse donc les entreprises chinoises à favoriser le public au
détriment du privé, ainsi que des investissements de petites
tailles afin de gagner en souplesse et en rapidité.
Ces défauts récurrents semblent pouvoir
contraindre durablement les investissements chinois à l'étranger,
or d'après une récente étude, les entreprises chinoises
pensent dans l'avenir investir plus que par le passé. Ce paradoxe attire
donc notre attention, en effet, même si l'on peut espérer une
reprise forte du commerce international après la crise
économique, cette seule condition ne peut expliquer ce choix à
elle toute seule. Il est vrai que d'une autre part, le gouvernement chinois
semble laisser entrevoir des possibilités de nouvelles réformes
autour des procédures d'analyse des IDE. Ce retrait dans
l'économie de Pékin, et donc une cette augmentation de la
souplesse peut aussi jouer un rôle décisif pour expliquer le
regard optimiste que pose les entreprises chinoises sur leurs futurs IDE.
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