V.3. Un développement des capacités
d'adaptation dans l'espace naturel
Face aux conséquences géo-physiques du
déboisement telles que la dégradation des sols, les populations
du Département de Toma, avec l'appui d'ONG (UGPN, ADPNA, SOS-Sahel), de
la Direction provinciale de l'agriculture et de la Direction provinciale de
l'environnement et du cadre de vie, procèdent collectivement à la
restauration et à la fertilisation des sols. Les initiatives englobent
les techniques de compostage, l'installation de cordons pierreux dans les
champs, le creusage de « demi lunes » et les techniques du «
zaï » (ou « zay ») (voir photo : annexe n° 5).
Les cordons pierreux sont des alignements de cailloux sur le
sol aride perpendiculairement à la pente. Cette technique a pour
avantage de réduire le lessivage du sol sous l'action des pluies et de
permettre la reconstitution des couches de sol arable. L'activité
elle-même exige beaucoup de cailloux pour couvrir les superficies des
champs qui sont entre deux à trois hectares par paysan. C'est pourquoi
la recherche et l'alignement des cailloux se font collectivement avec des
charrettes ou avec un camion dans le cas de l'appui d'une ONG.
Les « demi-lunes » sont des trous creusés
dans les champs en forme de demi-lune et dont la dimension est comprise entre
un et deux mètres de diamètre. Orientées en fonction de la
pente du sol, ces demi-lunes sont remplies de composte et recouverte de terre.
C'est dans cet espace que le paysan sème sa semence.
Le « zaï » est, quant à lui, circulaire.
Approprié aux sols plats, sa technique de remblayage est identique
à celle de la « demi-lune », c'est-à-dire avec du
composte. Son diamètre varie entre quelques centimètres et un
mètre. Généralement, il se creuse en saison sèche
et, à l'hivernage, on y sème directement les grains.
Toutes les techniques de restauration des sols et
d'accroissement des rendements agricoles sont des activités qui exigent
la coopération des paysans. C'est pourquoi nous pouvons convenir avec
Crozier et Friedberg que le changement peut être considéré
comme un problème sociologique dans le sens où ce sont les hommes
qui changent, non pas passivement mais « dans leur collectivité
et comme une collectivité : non pas individuellement, mais dans leurs
relations les uns avec les autres et dans leur organisation sociale
».85 Ces différentes activités
initiées pour faire face aux conséquences du déboisement
contribuent à créer de nouvelles solidarités villageoises
et à développer des capacités d'adaptation dans l'espace
géographique que l'homme doit toujours dominer par la technique afin de
pouvoir y vivre.
85 CROZIER, M., FRIEDBERG, E., op. cit., p.
379.
Ces nouvelles solidarités restructurent le tissu social
pour donner lieu à de nouvelles sociabilités qui intègrent
les contraintes de l'environnement auxquelles on ne peut faire face que
collectivement. Ici, comme on le perçoit, au-delà des conflits,
populations locales, ONG et services étatiques sont tous
impliqués dans la même action collective. Si nous faisons une
sociologie de l'action collective, nous voyons ici qu'il y a un
aménagement des comportements en vue d'une coopération. Se
vérifie alors notre hypothèse selon laquelle plus les populations
perçoivent comme avantageuses pour elles les interventions des services
étatiques et des ONG, plus elles participent à la protection de
l'environnement. Le degré d'implication des populations dans la
protection de l'environnement est donc fonction de l'intérêt
qu'elles tirent de l'appui institutionnel.
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