Conclusion partielle
En trois chapitres, cette partie de notre travail a
présenté et analysé les données de notre recherche
sur de déboisement dans le Département de Toma. Au fur et
à mesure du temps, le paysage naturel n'a cessé de se
détériorer sous l'action de l'homme créant ainsi un
déséquilibre dans l'écosystème naturel. Ce
déséquilibre lui-même n'est pas resté sans effets
sur la vie sociale, économique et culturelle des populations de ladite
localité, faisant ainsi du déboisement un réel facteur de
changement social.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Le Département de Toma, au Burkina Faso, vit une crise
environnementale sérieuse à savoir le déboisement. Face
à une telle situation créée par les populations
elles-mêmes et qui ne cesse de prendre de l'ampleur, au point
d'être un « fait social total », nous nous sommes
intéressé aux conséquences du phénomène dans
cette recherche en partant de la question suivante : Quelles sont les
transformations socioculturelles opérées par le
déboisement dans le Département de Toma ?
Pour répondre à cette question, nous avions
émis l'hypothèse que le déboisement, comme facteur de
changement social, déstructure les communautés villageoises,
instaure de nouvelles sociabilités et est cause de paupérisation
des populations du Département de Toma. De fait, nos recherches ont
révélé que cette crise environnementale qui est la
résultante d'une dynamique entre les populations villageoises et le
milieu naturel affecte la structure sociale en créant des
dysfonctionnements. Ces dysfonctionnements se situent, d'une part, au niveau
général de l'écosystème où la
dégradation progressive de la biodiversité crée des
ruptures dans le système social traditionnel san. En effet, la
raréfaction progressive des ressources naturelles a conduit les
populations à changer de modes de vie. C'est ainsi que le système
traditionnel de gestion des ressources naturelles a été mis
à rude épreuve, avec des difficultés pour se maintenir en
équilibre. En effet, dans la société san habitant
le Département de Toma, les terres et leur contenu sont la
propriété des lignages qui les gèrent de
génération en génération. Au niveau de chaque
village, les fonctions sociale et religieuse de contrôle des patrimoines
et de propitiation en cas de violation des interdits sont dévolues aux
chefs de terre et de village. Tant que les rapports à l'arbre et
à la terre sont restés dans les limites du respect des valeurs
traditionnelles de parenté et du sacré (respect des forêts
sacrées), le système social est resté en équilibre.
Or, avec le phénomène du déboisement massif et la
modernité, les perceptions paysannes de la nature ont changé
ainsi que les comportements et attitudes à l'égard des plantes,
faisant de l'arbre non plus une ressource nutritive et sanitaire mais bien une
ressource commerciale importante pour la préparation du dolo.
Il en a résulté ce que l'on constate dans les villages :
non-respect des normes anciennes de gestion de l'environnement, violation des
propriétés foncières et conflits.
D'autre part, les dysfonctionnements apparaissent
également dans le système moderne et étatique de gestion
de l'environnement qui a pour rôle de freiner le déboisement. En
effet, la loi de 1996 sur la réforme agraire et foncière reste
difficilement applicable dans la pratique
et occasionne de multiples tensions entre les populations et
le service forestier et entre les populations elles-mêmes à qui le
service forestier délivre des permis payants de coupe de bois. L'effet
pervers de ces permis se situe au niveau même de leur
compréhension par les paysans qui non seulement exagèrent la
coupe du bois mais également s'octroient un droit de coupe dans les
propriétés foncières ne leur appartenant pas. Ceci
n'était pas possible dans le système traditionnel. En effet, dans
la société san, du moment où la terre a une
dimension religieuse c'est-à-dire sacrée, les rapports à
cette terre et même les rapports sociaux concernant cette terre ne
sauraient être uniquement juridique. Un conflit latent autour du
contrôle social existe désormais entre autorités
administratives chargées de l'environnement et autorités
coutumières ainsi qu'avec les populations villageoises. Tout ceci
contribue à confirmer notre hypothèse selon laquelle le
déboisement déstructure les communautés villageoises.
Mais également, face aux proportions que prend le
déboisement, les populations villageoises du Département de Toma
commencent à prendre conscience des dangers qui les guettent tels que
l'insécurité alimentaire et entreprennent collectivement des
initiatives de restauration des sols. C'est là aussi que le
deuxième aspect de notre hypothèse se trouve confirmé, en
ce sens que le déboisement instaure de nouvelles sociabilités.
Mais il est cause de paupérisation des populations parce que le recul de
la végétation ou même sa disparition diminue les rendements
agricoles dont la conséquence est la famine. Celle-ci, ainsi que
d'autres besoins, poussent de nouveau les populations à recourir
à la coupe du bois pour avoir de l'argent.
Cette recherche nous a permis de comprendre comment le
déboisement est un phénomène social et un facteur de
changement social. Nous avons découvert sur le terrain que les nouvelles
formes de contrôle social introduites par le service forestier
étatique contribuent au raffinement des stratégies des coupeurs
de bois. Cette nouvelle dimension de la réalité infirme
partiellement notre hypothèse qui se focalisait uniquement sur les taxes
et soutenait que plus les autorités administratives taxent la coupe du
bois, plus les populations développement des stratégies
raffinées d'exploitation des ressources ligneuses. Par contre, dans les
actions collectives de restauration et de fertilisation des sols
initiées avec l'appui des ONG et les institutions étatiques, les
populations paysannes montrent leur capacité à dépasser
les conflits pour préserver leurs intérêts. A travers cette
dimension de la réalité sociale, se vérifie notre
dernière hypothèse selon laquelle le degré d'implication
des populations dans la protection de l'environnement est donc fonction de
l'intérêt qu'elles tirent de l'appui institutionnel.
A la fin de cette étude, nous restons conscient des
limites de notre travail et savons que nous n'avons pas épuisé
toute la question du déboisement dans le Département de Toma.
Pour être complète, cette étude devrait intégrer les
représentations de la nature ou de l'arbre. Cette dimension,
pensons-nous, pourra faire l'objet d'une recherche ultérieure.
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