2. Application en l'espèce du Copyright Act
Google entendait, dans cette affaire, bénéficier
de l'exception de fair use prévue à l'article 107 du
Copyright Act de 197645, qui énonce quatre
conditions, cumulatives, nécessaires pour s'en prévaloir:
1)Il faut tout d'abord vérifier "que les buts et
les caractéristiques de l'utilisation soient de nature commerciale ou
poursuivent des buts d'éducation non lucrative"46. Le
tribunal de Paris va qualifier l'activité de Google de "non lucrative"
et considérer cette première condition remplie. Comme le fait
très justement remarquer Jane Ginsburg dans ses observations, cette
décision a de quoi surprendre. En effet, Google rend ces informations
accessibles gratuitement aux internautes mais il possède des moyens de
financement détournés tels que la publicité ou encore la
vente de mots clés47. Lorsque l'internaute fait une recherche
d'images, l'affichage des résultats est accompagné de liens
commerciaux.
2)Ensuite il faut s'attacher à "La nature de
l'oeuvre protégée". En l'espèce cette condition n'a
pas posé de problème car les parties n'en ont pas
débattu.
3)Le tribunal doit ensuite s'interroger sur "la
quantité et le caractère substantiel de la partie utilisée
par rapport à l'ensemble de l'oeuvre protégée". Le
tribunal, à cet égard, se réfère à la
jurisprudence américaine dont il ressort que la reprise d'images se
conforme au but d'information, puis se rallie à cette opinion.
4) Enfin, il faut analyser "l'incidence de l'utilisation
sur le marché potentiel ou la valeur de l'oeuvre
protégée". Le tribunal décide que l'indexation des
images sous forme de vignettes n'empêche pas leur exploitation et que la
S.A.I.F. ne démontre pas que les professions qu'elle représente
ont vu l'exploitation de leurs images baissé.
moyens de recours garantis à l'auteur pour sauvegarder ses
droits se règlent exclusivement d'après la législation du
pays où la protection est réclamée.
(3) La protection dans le pays d'origine est
réglée par la législation nationale. Toutefois, lorsque
l'auteur ne ressortit pas au pays d'origine de l'oeuvre pour laquelle il est
protégé par la présente Convention, il aura, dans ce pays,
les mêmes droits que les auteurs nationaux.
44 Cass fr., Ch. Civ., 30 janvier 2007, Arrêt
Lamore, disponible sur http://www.legifrance.gouv.fr/
45 In determining whether the use made of a work in
any particular case is a fair use the factors to be
considered shall include:
(1) the purpose and character of the use, including whether such
use is of a commercial nature or is for nonprofit educational purposes;
(2) the nature of the copyrighted work;
(3) the amount and substantiality of the portion used in
relation to the copyrighted work as a whole; and
(4) the effect of the use upon the potential market for or value
of the copyrighted work.
46 J.GINSBURG, note sous Tribunal de Grande Instance
de Paris, 20 mai 2008 , R.D.T.I., n° 33/4, 2008,
p. 518.
47 Voy notamment: X. WAUTHY: "La gratuité c'est
le vol payant! Google, le web 2.0 et le modèle
économique du gratuit: une industrie à
réguler?" in A. STROWEL et J.P. TRIAILLE (sous la direction
de)"Google et les nouveaux services en ligne", Larcier, 2008, p.51; S.
PIRLOT DE CORBION: "Référencement et droit des marques: quand les
mots clés suscitent toutes les convoitises",. in A. STROWEL et
J.P. TRIAILLE "Google et les nouveaux services en ligne", Larcier,
2008, p.123; A. DE FRANCQUEN, "La nature de l'usage d'une marque en tant
qu'AdWord", RDTI n° 37, avril 2009,p.134.
Et enfin, le tribunal observe que la S.A.I.F. n'a pas mis en
place elle-même une banque de données et n'apporte donc pas la
preuve que sa propre activité aurait chuté. La quatrième
condition nécessaire au fair use est donc remplie et cette
exception est donc applicable en l'espèce.
Selon Jane Ginsburg48, le tribunal a fait une
mauvaise application de cette quatrième condition. C'est en effet au
défendeur qu'il appartient d'apporter la preuve que les critères
nécessaires à la reconnaissance de l'exception de fair
use sont rencontrés, c'est-à-dire à Google et non
à la S.A.I.F. Néanmoins, il faut noter qu'un tribunal
américain a commis exactement la même erreur dans l'arrêt
Perfect 10 v. Google49.
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