CHAPITRE II.
Points de divergence entre l'autorité
traditionnelle et l'autorité de l'Etat.
L'autorité traditionnelle présente, dans un
certain nombre de domaines des différences avec l'autorité
publique.
L'autorité de l'Etat étant une autorité
publique, elle prend toutes les décisions relatives à la gestion
des affaires publiques et dispose du pouvoir de coercition pour assurer le
respect des décisions prises.
Pour le bon fonctionnement des institutions étatiques
et le respect des libertés et restrictions des citoyens, la
prévalence et l'existence de l'autorité de l'Etat sont,
indispensables.
L'autorité étatique tient son pouvoir que
d'elle-même. En dehors de son consentement aucun autre pouvoir ne peut
s'imposer à elle.
En outre, l'autorité étatique est dotée
de la personnalité morale et de la souveraineté.
La personnalité morale conduit au fait que l'Etat se
distingue des gouvernants c'est à dire les décisions prises par
ceux-ci sont imputables à l'Etat seul.
Un Etat est dit souverain lorsqu'il ne tient son pouvoir que
de lui-même et n'est soumis à aucune autre autorité
supérieure. Le principe d'autorité de l'Etat signifie que si
c'est ne que cette dernière « il n'y a pas d'actes
semblables faits par les particuliers ».
Dans ce chapitre nous évoquerons des différences
de forme entre ces sortes d'autorité (Section I) et les
conflits de compétence entre elles (Section II.)
Section I: Différences de forme.
Il n'est pas étonnant de constater que du fait
même de la nature de ces deux autorités, inévitablement
elles présentent des différences de forme.
Que ce soit un litige du foncier (terrain, domaine, champ
cultivé ou libre), un litige successoral ou encore du vol, de
l'agression ou d'une atteinte à la personne, bref de n'importe quel
litige résultant de la gestion des rapports sociaux ou communautaires
entre individus, les chefs traditionnels connaissent tous ces litiges en
premier lieu et donc inévitablement aux dépens des
autorités étatiques compétentes en la matière.
Mais au niveau local, il faut noter que le chef religieux
intervient en dernier ressort. L'expérience a prouvé qu'en tout
cas sur le terrain essentiellement que seule une décision rendue par les
autorités traditionnelles arrive pour le moins à être
reconnue par les parties opposées ou belligérantes.
Ces différences se focalisent essentiellement dans le
domaine du foncier (Paragraphe I) et dans le règlement des
litiges (Paragraphe II).
Paragraphe I: Dans le domaine du foncier.
Dans le domaine foncier l'autorité traditionnelle
exerce, le pouvoir sur la terre à cause de son droit de 1ere occupation
tandis que la seconde, l'autorité politique (l'administration
générale, collecte des impôts, défense du
territoire.)
Généralement l'autorité politique
respecte les droits de la dite 1ere occupation à cause du pacte
d'alliance qui le lie au génie du sol.
Les Dogon quand ils vinrent s'installer sur le plateau et la
falaise, il leur a fallu de combattre les Tellems qui occupaient et qui
vivaient déjà sur les lieux afin, de les déloger des
surfaces qu'ils occupent.
C'est ainsi que lors de grandes cérémonies
religieuses les griots font l'éloge des dogons comme étant un
peuple combatif, fier, digne et intègre qui ne recule guère
devant l'obstacle ou le danger.
Aussi pour s'installer sur ce terroir il a fallu aux Dogons de
rendre harmonieux le paysage et la terre afin de consacrer le pacte d'alliance
et de l'honorer.
L'autorité traditionnelle aura plus de facilité
à accéder à l'acquisition des terres pour ses besoins
personnels. Cependant ce principe est souvent mis en cause par certains qui,
à cause de leur tyrannie, remettent en cause les principes de la
1ère occupation, ce qui ne va pas sans conséquences.
Les droits fonciers coutumiers se reposent sur quatre
principes fondamentaux: ils sont collectifs, inaliénables, sacrés
et transmissibles.
Ils sont collectifs, car dans la société
traditionnelle la terre appartient à toute la collectivité
c'est-à-dire le village, la famille, la tribu, le clan si non pas
à un seul individu.
Ils sont inaliénables parce que la terre ne peut faire
l'objet d'aucune transaction commerciale, vente ou gratuit.
Ils sont sacrés car dans la société
traditionnelle assimilée à une divinité, elle abrite aussi
les ancêtres. A ce titre que des sacrifices lui sont rendus.
C'est à ce titre que Henri
Labouret déclarait: « la terre est l'objet
d'un culte chez les populations agricoles c'est à dire l'immense
majorité des noirs. Une tribu qui s'installe dans un pays fait alliance
avec la terre non pas avec la planète mais avec l'esprit de ce
territoire déterminé.»
Ils sont transmissibles, car dans la société
traditionnelle la terre se transmet de génération en
génération afin de garantir la survie du groupe parental. Par
conséquent dans la société traditionnelle la
théorie des terres vacantes et sans maître est inopérante
car la terre appartient à une collectivité.
La mutation importante est liée à
l'arrivée du colonisateur français, qui en s'installant par la
force à introduit de nouveaux instruments de gestion qui ont
fondamentalement bouleversé la vision domaniale et foncière des
sociétés traditionnelles.
La terre jusque là collective, sacrée,
inaliénable et transmissible devient un bien négociable
susceptible d'appropriation privée.
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