Section II: Faiblesse des conventions
environnementales
Cette faiblesse est due au fait que ces conventions sont
établies par secteur (paragraphe I) et posent quelques problèmes
dans leur mise en oeuvre (paragraphe II).
Paragraphe I: conventions surtout sectorielles
L'architecture des régimes environnementaux
internationaux doit refléter la structure du problème
traité. Un régime institué pour protéger la
diversité biologique ne peut utiliser les mêmes instruments,
mobiliser les mêmes parties prenantes et faire appel aux mêmes
dispositions institutionnelles que le cadre réglementaire conçu
pour protéger les océans contre la pollution par les
hydrocarbures ou celui élaboré pour réglementer le
commerce international des espèces en danger.
A Profusion normative
27 "Etats-Unis - L'article 337 de la Loi douanière de
1930", IBDD, S36/386, paragraphe 5.11 (rapport adopté le 7 novembre
1989).
1 Origine
Responsable pour partie de la crise écologique
actuelle, le droit se présente aussi comme un des principaux moyens d'y
faire face(28). Son utilité a
été très tôt reconnue. Ainsi, au IIIe siècle
avant Jésus-Christ, l'empereur indien Asoka adoptait le premier
édit protégeant différentes espèces de
faune(29).
Le développement du droit international de
l'environnement est toutefois beaucoup plus récent. Si quelques jalons
sont posés plus tôt telle la Convention de Paris relative à
la protection des oiseaux utiles à l'agriculture de 1902 , c'est
véritablement dans la seconde moitié du XXe siècle, et en
particulier depuis la fin des années 70, que les réglementations
visant la protection de l'environnement connaissent une croissance rapide, de
façon concomitante dans la plupart des Etats, « à la suite
de la prise de conscience que notre planète est menacée par
l'explosion démographique et ses conséquences, par l'impact d'une
technologie toujours plus envahissante et par la multiplication
désordonnée des activités humaines
>>(30). Sous la pression des opinions
publiques, alertées par les scientifiques, relayées par de
nombreuses associations et organisations non gouvernementales puis
internationales, les gouvernements trouvent dans les instruments juridiques un
moyen de lutter contre l'aggravation brutale de l'état de
l'environnement. Simultanément, la conscience du caractère
planétaire du danger et de la solidarité qui unit les
éléments de l'environnement, méconnaissant les
frontières politiques, stimule une coopération internationale.
S'inscrivant d'abord dans un cadre bilatéral, celle-ci
se manifeste rapidement aussi sur un plan multilatéral et donne
naissance à une activité réglementaire sans
précédent par son ampleur et sa rapidité. Les
développements sont rythmés par une série de catastrophes
écologiques.
Aujourd'hui, en faisant abstraction des traités
bilatéraux, encore bien plus abondants, plus de cinq cents
traités multilatéraux, pour l'essentiel régionaux, ont
été adoptés dans le domaine de l'environnement. Plus de
trois cents ont été négociés après 1972. La
voie conventionnelle a permis de formaliser, secteur après secteur,
domaine après domaine, des régimes internationaux,
institutionnalisés, organisés et soutenus par des engagements
financiers.
2 Conséquences
Ce foisonnement conventionnel présente certains
risques, poussés par divers facteurs, les Etats multiplient les
engagements.
Faut-il s'étonner, dès lors, que les moyens de
mettre en oeuvre les instruments adoptés - les « capacités
>> dans le jargon onusien - soient insuffisants, aussi bien sur le plan
institutionnel que financier, et en particulier dans les pays en
développement ?
La multiplication des conventions et autres instruments ne va
pas non plus sans poser des problèmes de cohérence. Le droit
international souffre d'une relative fragmentation, et d'autant plus forte et
préjudiciable qu'elle correspond à un compartimentage. Construits
dans l'urgence et sans réflexion préalable d'ensemble, les
espaces conventionnels ne sont pas
28 C.Huglo, C. Lepage-Jessua, 1995, La véritable nature du
droit de l'environnement. In Esprit, no 5, pp. 70 et ss.
29 N. de Sadeleer, 1993. La conservation de la nature
au-delà des espèces et des espaces : l'émergence des
concepts écologiques en droit international. In Images et usages de la
nature en droit, P. Gerard, F. Ost, M. Van de Kerchrove ed. Publications des
Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, p. 172.
30 A. Kiss, 1989. Droit international de l'environnement, Pedone,
Paris, p. 5.
hiérarchisés, sauf de très rares exceptions
comme les systèmes constitués par une convention-cadre et ses
protocoles additionnels.
Peu reliés entre eux, ils n'offrent pas non plus
l'image d'un réseau, mais davantage celle d'une juxtaposition d'espaces
parallèles. Les espoirs exprimés en 1992 dans Action 21 (chapitre
38) sont déçus de ce point de vue. Comme le résume une
résolution de l'Institut du droit international de 1997, « le
développement du droit international de l'environnement s'est
effectué d'une manière non coordonnée, se traduisant par
des doubles emplois, des incohérences et des lacunes
»(31).
Au regard de la modestie des résultats, la
prolifération normative a pris des allures de fuite en avant.
Aussi le plan d'application du Sommet mondial pour le
développement durable (SMDD) de Johannesburg déclare qu'il est
nécessaire de « consacrer moins de temps à la
négociation des textes à adopter et davantage à l'examen
des questions concrètes d'application » (156)... Par ailleurs, il
insiste à de multiples reprises sur la nécessité de
ratifier et d'appliquer les différentes conventions
existantes(32).
B Vitalité institutionnelle
1 Structures inadaptées
Au réseau conventionnel très dense auquel a
donné naissance le champ de l'environnement sur le plan international,
correspond un réseau institutionnel, non moins dense et complexe. La
pratique tend, tout au moins depuis le début des années 70,
à créer des institutions ad hoc pour chaque nouvelle
convention adoptée. Ces structures présentent une grande
diversité, qui tient en partie à leur date de mise en place,
à leur caractère régional ou universel, et à leur
objet. Leur nature juridique est incertaine et sans doute variable ; leur
composition, leurs attributions et leurs moyens s'avèrent très
disparates. Leur organisation semble toutefois converger vers un modèle
institutionnel en forme de triptyque, chaque nouvelle convention s'inspirant
des précédentes. Les structures de coopération
instituées sont composées généralement d'un ou
plusieurs organes directeurs de nature politique - instance(s)
décisionnelle(s) -, de structures scientifiques - instances
consultatives composées d'experts - et de structures administratives
chargées du secrétariat ; parfois s'y ajoutent des
mécanismes d'échange d'information (clearing-house mechanism),
des mécanismes financiers ou encore des centres régionaux.
Par ailleurs le PNUE conçu à l'origine comme un
catalyseur devant stimuler l'action de ces différentes institutions,
souffre de déficiences structurelles. De par son statut et ses moyens,
il ne peut exercer une grande autorité ni sur les Etats, ni sur les
organisations internationales. En particulier, il ne dispose pas de moyens de
contrainte. A cela s'ajoute sa structure institutionnelle lourde et complexe,
dont beaucoup d'Etats critiquent l'opacité, et qui ne constitue pas un
gage d'efficacité
2 La difficile coordination entre les
institutions
La profusion institutionnelle ne va pas sans poser de
difficultés pratiques. Ainsi, « l'accroissement de la
complexité et du morcellement de la gouvernance internationale en
31 IDI, 1997. Procédures d'adoption et de mise en oeuvre
des règles en matière d'environnement, Résolution du 4
septembre, RBDI, no 1997/2, p. 497.
32 Notamment aux conventions PIC et POP (23, a)), à la
Convention de Bale (e), à celle des Nations unies sur le droit de la mer
(30, a)), à la Convention sur la diversité biologique et à
son Protocole sur la biosécurité (44).
matière d'environnement tient en partie à
l'augmentation du nombre des acteurs, tant gouvernementaux que non
gouvernementaux, dans le domaine de l'environnement. En outre, la
prolifération des organes des Nations unies et d'autres organismes
internationaux qui s'occupent de questions d'environnement ne fait qu'ajouter
à cette complexité » : tel est le constat dressé par
un récent rapport du PNUE(33).
La situation actuelle y est parfaitement résumée
: << La multiplication des institutions, des problèmes et des
accords relatifs à l'environnement met les systèmes actuels et
notre aptitude à les gérer à rude épreuve.
L'accroissement continuel du nombre des organes internationaux
compétents en matière d'environnement comporte le risque d'une
réduction de la participation des Etats du fait que leurs
capacités sont limitées alors que la charge de travail augmente,
et rend nécessaire l'instauration ou le renforcement de synergies entre
tous ces organes. Appuyées mollement et oeuvrant en ordre
dispersé, ces institutions sont moins efficaces qu'elles ne pourraient
l'être, tandis que les ponctions sur leurs ressources continuent
d'augmenter. La prolifération des exigences internationales a
imposé des contraintes particulièrement lourdes aux pays en
développement, qui, souvent, ne disposent pas des moyens
nécessaires pour participer efficacement à l'élaboration
et à l'application des politiques internationales en matière
d'environnement»(34).
Dans ces conditions, les questions d'articulation
institutionnelle deviennent centrales. Elles ont fait l'objet d'une
série de décisions intergouvernementales ; diverses initiatives
ont été lancées pour réfléchir aux moyens
d'améliorer le fonctionnement du (non-) système. Le renforcement
de la coopération inter-institutions suscite à son tour la
création de nouveaux organes et institutions dits de <<
coordination ». Certes, la coopération s'ébauche entre
espaces conventionnels(35), mais toutes les
possibilités sont loin d'être
explorées(36)
Un regroupement géographique des secrétariats
conventionnels, l'amélioration de la coopération entre eux, sont
sans doute souhaitables.
De nombreuses pistes sont à explorer dans cette
thématique du clustering.
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