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Le role du ministère public en droit camerounais

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par Moustapha NJOYA NJUMOU
Université de Yaoundé II - DEA droit privé fondamental 2006
  

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Paragraphe II : le rôle actif du Ministère public aux audiences pénales

94. Les juridictions de jugement sont le TGI et le TPI. Elles sont saisies par ordonnance de renvoi du juge d'instruction ou arrêt de la chambre de contrôle de l'instruction, par une citation directe de la partie civile ou du Ministère public, ou enfin, par la procédure de flagrant délit. Les grands principes ici sont l'égalité des armes et la présomption d'innocence. C'est cette dernière qui déterminera le rôle du parquet dans la mesure où l'attitude du prévenu ou de l'accusé modifie le déroulement de la procédure.

Avec l'harmonisation de la procédure accusatoire du CPO, le déroulement des débats est fonction de l'attitude de l'accusé ou du prévenu. Lorsque le président du tribunal entre dans la salle d'audience, il déclare l'audience ouverte et invite l'assistance à s'asseoir. Le greffier audiencier fait appel des affaires inscrites au rôle. Le président vérifie la présence de chaque partie et de toute autre personne convoquée. La présence du Ministère public est obligatoire à peine de nullité de la procédure. Le code exige désormais la présence de l'accusé ou du prévenu. Celui-ci ne peut être absent que si la peine encourue en cas de condamnation est inférieure à 2 ans d'emprisonnement. Au cas contraire, son avocat ne sera invité qu'à donner les raisons de son absence et la décision qui interviendra sera contradictoire à son égard. Lorsque le président aura vérifié l'identité des prévenus ou accusés, il leur communiquera sommairement les faits qui leur sont reprochés et leur demandera s'ils plaident coupables (A) ou non (B).

A. La passivité relative du Ministère public en cas d'admission de sa culpabilité par la défense

95. Lorsque le prévenu ou accusé plaide coupable, le débat est bref. Le tribunal vérifie si cette réponse n'est pas donnée par le prévenu ou l'accusé pour sauver d'éventuels coauteurs ou complices, ou alors pour s'en sortir au meilleur compte. Après ces vérifications, le tribunal enregistre sa déclaration au plumitif d'audience. Le Ministère public expose les faits de la cause, propose la qualification pénale et énonce les dispositions légales applicables. La parole est donnée à la partie civile pour présenter ses observations sur les faits relatés par le Ministère

public. Enfin l'accusé ou le prévenu fait les déclarations qu'il désire. Le tribunal se prononce soit en acceptant la déclaration de culpabilité, soit en la rejetant. Dans le premier cas, la parole est donnée à la partie civile ou son avocat pour formuler sa demande en dommages et intérêts avec justificatifs. Le Ministère public prend la parole pour produire le casier judiciaire de l'accusé ou du prévenu et requérir sur la peine et sur les dommages et intérêts. Le conseil de la défense intervient éventuellement pour plaider les circonstances atténuantes. Le prévenu ou l'accusé fait ses dernières déclarations. Le tribunal déclare les débats clos. La décision ne peut cependant jamais intervenir à la première audience.

On remarque que lorsque le prévenu ou l'accusé se déclare coupable, le Ministère public ne joue pas véritablement un rôle actif. Ce qui est tout le contraire lorsque la défense plaide non coupable. Car un débat contradictoire, oral et public127 s'ouvre.

B. La mobilisation du Ministère public en cas de refus de culpabilité par la défense

96. Le Ministère public sera tenu de soutenir l'accusation par la production et la discussion des preuves (I) et l'interrogatoire des témoins (II) lorsque le prévenu ou l'accusé plaide non coupable.

I. La production et la discussion des preuves par le Ministère public

Le code de procédure pénale de 2005 a consacré le principe de production et de discussion contradictoire des preuves128. Ce principe qui repose essentiellement sur le principe de la présomption d'innocence, au regard de la relativisation de l'aveu par l'article 315129 CPP, procède à une distribution des taches. L'accusateur est débiteur principal de la preuve (a) la défense, débitrice exceptionnelle (b) et le juge joue essentiellement le rôle d'arbitre afin de découvrir la vérité et de mettre de l'ordre à l'audience.

a. L'accusation, débitrice principale de la preuve

97. L'article 307du code de procédure pénale dispose que « la charge de la preuve incombe à celui qui a mis en mouvement, l'action publique» cela s'exprime en latin par la maxime « actori incumbit probatio ». Ceci veut dire qu'en principe c'est l'accusateur qui doit rapporter la preuve de l'infraction dans ses éléments constitutifs et établir la culpabilité de

127 Ces trois caractères sont fondamentaux dans la procédure à l'audience de jugement.

128 NKOLLO (P), la recherche et la production des preuves dans l'avant projet du code de procédure pénale camerounais, thèse dactylographiée de Doctorat 3ème cycle Droit privé UY, p190.

129 Cet article dispose que l'aveu n'est pas admis comme preuve s'il a été obtenu par violence, menaces, contraintes ou contre promesse d'un avantage quelconque ou tout autre moyen portant atteinte à la libre volonté de son auteur.

l'accusé ou du prévenu. Le Ministère public n'étant pas forcement celui qui a mis l'action publique en mouvement, il peut arriver qu'il soutienne plutôt la défense130 en requerrant la relaxe ou l'acquittement du prévenu ou du suspect.

Mais lorsque le Ministère public a lui-même mis l'action publique en mouvement, il agit rarement sinon jamais pour la défense du prévenu ou du suspect. Son travail consiste généralement à établir la preuve des éléments matériels de l'infraction ainsi que celle de l'élément moral. S'il s'agit par exemple du vol, il devra démontrer qu'il y a eu soustraction de la chose d'autrui, que cette soustraction a été frauduleuse (éléments matériels) et en plus, que l'auteur de la soustraction a eu pour intention de s'approprier la chose (élément moral) ; il est dispensé de l'obligation d'établir la preuve de la connaissance par le prévenu ou l'accusé du caractère répréhensible de ses actes : « Nul n'est censé ignorer la loi ». Mais dans certains cas, ses investigations devraient être beaucoup plus poussées dans la mesure où il pourra être tenu, en fonction de la qualification qu'il a donnée aux faits, d'établir en dehors du dol général131, le dol spécial132 ou alors le dol éventuel133.

98. Il existe tout de même des cas où le législateur prévoit des présomptions de culpabilité renversant ainsi la charge de la preuve, celle-ci devant être désormais rapportée par la défense. En dehors de cela, il est facile de constater que lorsque le Ministère public a mis l'action publique en mouvement et qu'il y a également constitution de partie civile, il est aidé par la partie civile. L'inverse n'étant pas toujours vrai134.

99. Lorsque la preuve de l'infraction est rapportée ainsi que celle de la culpabilité de l'accusé ou du prévenu, celui-ci peut toujours se défendre. Il lui reviendra dans ce cas de rapporter la preuve des moyens de défense qu'il pourra invoquer.

b. La défense, débitrice exceptionnelle de la preuve

La défense est tenue de rapporter la preuve des moyens de défense qu'elle invoque : « reus in excipiendo fit actor ». C'est dire que si le défendeur soulève une exception, il devra en rapporter la preuve. Dans l'hypothèse où le défendeur poursuivi pour meurtre invoque la légitime défense, il devra établir qu'il faisait, au moment de son coup fatal, l'objet d'une

130 Il n'est pas simplement accusateur public ; il défend aussi une grande cause : la vérité.

131 « Le dol général consiste à savoir que l'acte qu'on va poser est défendu et à vouloir le commettre » (NKOLLO (P), op. cit. p. 218

132 Le dol spécial est « l'intention précise, requise par des Loi s particulières, comme élément constitutif de certaines infractions à propos desquelles le législateur incrimine généralement la production d'un résultat déterminé » (MERLE cité par NKOLLO (P), op. cit.p220

133 Le dol éventuel c'est le fait de poser un acte recherchant un résultat précis tout en sachant qu'un autre pourrait être atteint.

134 En fait il est constant de voir le membre du parquet s'évertuer à combattre, après avoir établi la preuve de l'infraction, à combattre les prétentions de la partie civile en lui reprochant par exemple d'avoir organisé toutes les circonstances pour se retrouver dans la situation de victime.

attaque menaçant son intégrité physique, sa vie ou celles d'une autre personne et que sa réaction a été proportionnelle à ladite attaque.

Par ailleurs, il peut être amené à titre principal, à rapporter la preuve de son innocence dans les cas où la loi prévoit les présomptions de culpabilité.

100. A coté de la production et de la discussion des preuves qui, à travers leur caractère contradictoire, constituent des garanties fondamentales de la présomption d'innocence et donc des droits de la défense, le législateur a organisé la confrontation des témoins.

II. La confrontation contradictoire des témoins

Lorsque le prévenu ne reconnaît pas les faits, le tribunal entend les témoins. Ceux du Ministère public, accusateur, sont entendus les premiers, suivis de ceux de la partie civile et enfin de ceux de la défense. Aucune limitation n'est faite par rapport au nombre de témoins. Chacune des parties peut présenter autant de témoins qu'elle le désire.

101. Chaque témoin subi l'interrogatoire de celui qui l'a fait cité (examination-in-chief), puis de la partie adverse (cross-examination) et éventuellement un second interrogatoire de celui qui l'a fait citer (re-examination). Le tribunal appelle les témoins l'un après l'autre de la salle des pas perdus où ils sont généralement confinés par le président de la juridiction (art. 373 CPP) pour éviter les corroborations des dires des uns à ceux des autres.

Le Ministère public procède à l'examination-in-chief de ses témoins ainsi qu'à leur « ré-examination » au terme de la cross-examination. Si le tribunal estime les éléments de preuve suffisamment réunis pour que le prévenu ou l'accusé présente sa défense et lui explique ses droits, il lui demande s'il a des témoins à faire entendre ou d'autres éléments de preuve à présenter. Le témoin à décharge ou le prévenu lui-même est entendu conformément aux dispositions de l'article 332. Le Ministère public procède chaque fois à la cross-examination.

102. Après la clôture des débats, le conseil de la partie civile intervient éventuellement, puis le Ministère public et le conseil de la défense. Le tribunal statue. Le Ministère public présente le casier judiciaire de l'accusé ou du prévenu, le conseil de la partie civile prend ensuite la parole. Après lui, le conseil de la défense est appelé à plaider les circonstances atténuantes ; le prévenu ou l'accusé fait sa dernière déclaration et le tribunal rend son jugement.

L'on peut se rendre compte qu'ici les droits importants sont reconnus à la défense qui se trouverait en quelque sorte dans une position d'égalité avec l'accusation. Mais il y a lieu de dire que cela n'est qu'une vue superficielle de la chose dans la mesure où la défense ne dispose pas des mêmes capacités d'investigation que le Ministère public. Celui-ci, aidé par la police judiciaire, la force de maintien de l'ordre et éventuellement par la partie civile, pourra

accéder facilement à certaines informations ou éléments de preuve contrairement à la défense.

103. L'on pourrait améliorer davantage le sort de la défense en prévoyant l'obligation pour la juridiction, en cas de demande faite par la défense, d'ordonner les mesures d'instruction pour permettre à cette dernière de faire face à d'éventuelles obstructions dans sa démarche pour la découverte des preuves. Ceci pourrait favoriser la manifestation de la vérité et rendre la justice pénale moins judiciaire.

Par ailleurs, l'accès à l'aide judiciaire ou assistance judiciaire devrait être facilité.

En tout état de cause, la décision du juge marque la fin normale de l'instance, ce qui ne traduit pas la fin du procès qui peut se poursuivre par l'exercice éventuel des recours et l'exécution des décisions.

Section II : l'exercice des voies de recours et l'exécution des décisions de justice répressive par le Ministère public

Si le jugement marque la fin de l'instance, c'est en général l'exécution de la décision rendue (paragraphe 2) qui marque celle du procès puisque cette étape est prise en compte tout comme celle de l'exercice des recours (paragraphe 1) lorsqu'on apprécie la durée raisonnable du procès.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams